Le Président de la République vient de faire ses annonces sur le système de santé. Les cadres hospitaliers sont parfaitement conscients que celles-ci s’inscrivent dans un temps médiatique où les pouvoirs publics doivent donner des gages en invoquant la « République sociale ». En effet, malgré les difficultés, les Français continuent à voter pour l’hôpital…
Le CHFO a étudié les mesures prises et leur financement (voir dossier Presse). Décloisonner : le grand remède ! Renforcer les GHT en incitant aux fusions et y associant le privé la seule solution ! Adapter les métiers : le moyen pour y parvenir. Quant aux plans d’économies qui étranglent les hôpitaux, pas un mot malgré les récents engagements du Président de la République !
Près d’une cinquantaine de mesures, dont dix mesures phares et le décor est planté : tout n’est que question de meilleure organisation !
En fait l’analyse laisse apparaître un fil conducteur qui s’inspire à la fois des propositions du HCAAM et de CAP 2022.
Le HCAAM qui propose un scénario de rupture affirme dans cette perspective : « savoir quelle structure rend le service est un enjeu important pour les offreurs de soins, mais qui reste secondaire, et doit être piloté par des considérations techniques, juridiques, organisationnelles et économiques ».
Quant à CAP 2022, il affirme sa conviction qu’il est nécessaire de « Produire le service public avec les citoyens et les acteurs du secteur privé » et précise : « de la même manière, l’État comme les collectivités peuvent déléguer à d’autres la mise en œuvre des services publics. L’externalisation a ainsi toujours constitué l’une des manières de rendre le service public. Mais les évolutions technologiques et les nouvelles appétences des citoyens pour une société moins verticale devraient permettre d’amplifier ce mouvement d’ouverture et de décloisonnement. »
Décloisonnement de la prise en charge pour moins d’hospitalisation !
La pseudo nouvelle organisation graduée de l’offre hospitalière (: proximité – recours et référence, alors même que depuis des années les hôpitaux organisent les filières de prise en charge selon ces trois niveaux), a pour objet « d’adapter les ressources hospitalières pour des hospitalisations à bon escient, des durées de séjour plus courtes, des plateaux techniques moins nombreux…»
Cinq à six cents établissements de proximité seront créés par voie législative d’ici 2022 par redéploiement de services et de moyens au sein des GHT !
La Ministre de la Santé ayant assuré qu’il n’y aurait aucune fermeture d’établissements, la proposition de redéploiement au sein des GHT implique pour le moins la généralisation des directions communes voire les fusions auxquelles incite le plan.
L’imbrication service public/libéraux est assurée par la participation des représentants des CPTS aux CME des hôpitaux de proximité.
Alors que la plupart des établissements hospitaliers ont supprimé, pour des raisons d’économie, des postes de praticiens attachés qui avaient vocation à maintenir le lien entre la ville et l’hôpital, l’annonce de la création de 400 postes de généralistes à temps partagé entre la ville et l’hôpital laisse perplexe !
Des GHT plus intégratifs ouverts au privé
Une étape supplémentaire est franchie dans l’intégration des établissements parties avec la généralisation des CME de GHT et la gestion des ressources humaines médicales placée au niveau des GHT.
Quant au droit d’option pour expérimenter de nouveaux modes de gouvernance, mutualiser de nouvelles compétences ou simplifier la procédure de fusion des établissements au sein des GHT pour ceux qui veulent aller plus loin dans l’intégration, il donne raison au CHFO qui, depuis le début de la mise en œuvre des GHT, affirme que l’objectif est bien d’aboutir aux fusions d’établissements !
Enfin, après avoir tenté de nous convaincre que les GHT participaient d’une stratégie de groupe public, on nous explique aujourd’hui qu’il faut encourager les synergies entre les GHT et les établissements privés et sortir du « tout concurrence »!
Décloisonner le financement : la mise en place de parcours de soins
Si la définition de parcours de soins en lien avec les sociétés savantes ne peut-être qu’intéressante, en revanche, le mode de financement mixte (public/privé) au forfait interroge.
Cette logique qui s’inspire des Accountables Care Organisations (ACOs) développés par l’Obamacare (et donc du modèle américain) a pour objectif de responsabiliser financièrement l’hôpital et des prestataires de soins de ville qui s’engagent par contrat à respecter un budget virtuel par patient pris en charge, tout en introduisant des mécanismes de sanctions financières en cas de dépassement (ou d’intéressement dans le cas contraire).
Selon la DGOS dans un document intitulé « Les ACOs, enseignements d’un modèle développé aux Etats-Unis » « ce nouveau modèle organisationnel vise à promouvoir la coordination des professionnels et limiter les dépenses de santé, voire à développer des financements alternatifs au paiement à l’acte. »
Ce mode de financement imbrique les secteurs public et privé, ce qui explique peut-être la volonté affichée aujourd’hui d’ouvrir les GHT aux établissements privés.
Et puis les questions de base demeurent entières :
Est-ce que le relèvement de l’ONDAM de 0.2% est à la hauteur des besoins, alors que l’inflation repart ?
Est-ce que le plan d’économie sur la masse salariale est abrogé ?
Est-ce que la baisse des tarifs est stoppée ?
Vers la fin des CHU ?
La prochaine réforme des CHU annoncée par le Président de la République laisse planer des doutes quant au maintien de la valence universitaire telle qu’elle a été conçue en 1958. Là encore, au nom du décloisonnement de l’enseignement et de la recherche, la menace pèse sur les CHU d’une remise en cause de leur statut que le CHFO ne peut cautionner.
De ce point de vue, la recomposition en cours de l’APHP à laquelle le Président de la République porte une attention particulière, laisse augurer une importante recomposition des CHU. Rappelons en effet que dans le projet « Nouvelle AP », la question d’une réforme des statuts de l’APHP avait été envisagée dotant chaque nouveau GH de l’autonomie juridique !
La situation des hôpitaux ultra-marins renvoyée à une réflexion spécifique !
Le Focus est bref : il annonce des mesures d’adaptation ou de mesures complémentaires comme la création de 100 postes supplémentaires d’assistants spécialistes, ainsi qu’une réflexion sur un nouveau modèle de financement des établissements ultra-marins.
Assouplir la gestion des ressources humaines : encore moins de droits statutaires !
Là encore, l’approche s’inspire de celle de CAP 2022 qui propose un « nouveau contrat social entre l’Etat et ses collaborateurs » en vue :
- » d’assouplir le statut pour offrir la possibilité d’évolutions différenciées », notamment des rémunérations, entre les trois fonctions publiques
- d’élargir le recours au contrat de droit privé comme voie « normale » d’accès à certaines fonctions du service public.
- « d’encourager le dialogue social de proximité » et donner une plus grande liberté aux managers…
Ainsi sont annoncés des mesures visant à :
- Favoriser les mécanismes de reconnaissance collective et individuelle (intéressement collectif et entretiens individuels)
- Revivifier le dialogue social local en appui de la politique de transformation (mise en place de structure tripartites de dialogue associant autour de la direction des représentants du CTE et de la CME afin que des accords locaux majoritaires puissent être négociés)
Défendre et protéger le service public engage à combattre et dénoncer toute les options et orientations à visée libérale.
Défendre le service public c’est exiger les moyens lui permettant d’assurer ses missions d’accueil, de soins, d’hébergement, de formation et de recherche indispensables pour préserver la solidarité essentielle dans toute démocratie
« Ma santé 2022 », le rapport du HCAAM et celui de CAP 2022 préconisent de toutes autres orientations que celles défendues par le CHFO.
Le CHFO reviendra dans un article à suivre sur l’ensemble des autres mesures annoncées dans « Ma santé en 2022 »