Une équipe pluridisciplinaire formée d’ingénieurs et de cliniciens (AMU, Inserm, AP-HM) vient de faire la démonstration qu’il est possible de détecter en surface des activités pathologiques se produisant dans des structures profondes du cerveau (Pizzo et al. Nat Comm 2018).
Ces structures sont fortement impliquées dans des pathologies comme l’épilepsie ou certaines maladies neurodégénératives. Elles étaient considérées jusqu’à présent comme invisibles à partir de la surface, nécessitant l’implantation d’électrodes directement dans le cerveau par la technique d’EEG intracérébrale stéréotaxique (SEEG).
Les chercheurs ont utilisé une combinaison unique d’enregistrements simultanés de magnétoencéphalographie (MEG) et de stéréo-électroencéphalographie (SEEG), et des méthodes avancées de traitement du signal. Ces résultats ouvrent de nouvelles possibilités dans l’étude non-invasive de la dynamique cérébrale, à la fois en clinique et en neurosciences fondamentales.
La MEG est une technique de pointe non-invasive utilisée pour cartographier les activités cérébrales, qui possède une excellente résolution à la fois spatiale et temporelle. La SEEG est une technique invasive utilisée lors du bilan pré chirurgical des patients épileptiques, consistant à implanter des électrodes directement dans le cerveau. Très peu de centres au niveau mondial maîtrisent l’enregistrement simultané de ces deux méthodes, une prouesse technique qui a été rendue possible grâce à une collaboration rapprochée entre recherche et clinique. Ces enregistrements simultanés ont permis de confirmer la capacité de la MEG d’enregistrer le signal des zones du cerveau. Cela ouvre à terme la possibilité pour certains patients de se passer d’enregistrements invasifs, ce qui serait une grande avancée.
Les chercheurs et enseignants-chercheurs de l’Institut de Neurosciences des Systèmes (INS, Aix-Marseille Université et Inserm) et du service d’Epileptologie et de Rythmologie Cérébrale de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille (AP-HM) ont ainsi pu montrer que des activités enregistrées avec des électrodes profondes dans l’hippocampe, l’amygdale et le thalamus produisent bien un reflet mesurable en surface sur les capteurs de MEG. Cela résout une controverse existante de longue date, car il est communément admis que des structures cérébrales aussi profondes et d’architecture complexe ne sont pas visibles directement, mais plutôt indirectement par propagation neuronale vers des structures plus superficielles.
Grâce au traitement du signal, les chercheurs ont pu séparer les deux types d’activités, propagée et initiale, et ainsi démontrer que cette dernière est bien visible en surface.
Ces structures profondes du cerveau (en particulier du lobe temporal) sont impliquées à la fois dans le fonctionnement normal (mémoire, émotions) et dans le dysfonctionnement (épilepsie, maladies neurodégénératives) du cerveau. Cette découverte a donc des conséquences à la fois au niveau clinique, car elle suggère que l’on peut se passer d’implanter des électrodes pour diagnostiquer le cerveau, et au niveau des neurosciences, car elle ouvre la voie à de nouvelles études sur la dynamique spatio-temporelle des réseaux cérébraux.
Résultats obtenus à partir d’enregistrements simultanés d’EEG intracérébrale (SEEG) et de magnétoencéphalographie. Sur le cerveau de gauche, on peut voir les électrodes implantées directement dans le cerveau, et la boule rouge indique le site sur lequel l’activité de profondeur est similaire à celle retrouvée en magnétoencéphalographie. A droite, on peut voir les résultats de localisation en MEG sur ces activités. Au centre, la superposition des signaux moyennés de MEG (en bleu) et de SEEG (en rouge) illustre la ressemblance entre les signaux. Cela démontre qu’il est bien possible de retrouver le signal enregistré sur les électrodes intracérébrales grâce à une méthode non-invasive, la magnétoencéphalographie.
Référence : Pizzo F, Roehri N, Medina Villalon S, Trebuchon A, Chen S, Lagarde S, Carron R, Gavaret M, Giusiano B, McGonigal A, Bartolomei F, Badier JM, Bénar CG Deep brain activities can be detected with magnetoencephalography: insights from simultaneous intracerebral and surface recordings, Nat Comm accepted
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