Les personnes migrantes ont, comme les nationaux, des besoins de santé. La gravité ou l’urgence de ces besoins est souvent majorée par la fragilité liée au déracinement et aux épreuves du parcours migratoire ainsi que par la précarité de leurs conditions matérielles dans le pays hôte.
Jeudi après-midi, dans une ambiance brouillonne malgré le faible nombre de députés présents (1), l’Assemblée Nationale a voté à 50 voix contre 15 un amendement du gouvernement au budget 2020 mettant en place d’un délai de carence de trois mois pour l’accès des demandeurs d’asile à la couverture santé de base (Sont exclus de cette mesure les « soins hospitaliers vitaux, maladies infectieuses, les soins délivrés aux femmes enceintes et nouveaux nés, et ce délai n’est pas applicable aux mineurs ».) Outre ce délai de carence est aussi introduite une obligation d’entente préalable pour certains soins couverts par l’Aide Médicale d’Etat – AME (validation par un médecin du besoin de soins pour sa prise en charge effective) et une modification de la condition de résidence.
Cette mesure vient ajouter aux difficultés d’accès aux soins déjà existantes pour les personnes migrantes au risque de détériorer sensiblement leur état de santé. Les associations qui accompagnent des personnes migrantes (2) prévoient un accroissement du nombre de renoncement aux soins, déjà très élevé pour cette population, et le report d’une partie des soins sur les services d’urgences et les PASS dont l’équilibre est déjà précaire. Comme le signalent les médecins de centres de santé (3), cette mesure est également incohérente en matière de santé publique : « soigner, dépister, vacciner sans délai des patients étrangers nouvellement arrivés sur le territoire est une priorité pour leur santé ainsi que pour la protection de toute la population » du pays. Enfin, le Conseil de l’Ordre des médecins s’interroge sur cette discrimination dans l’accès aux soins vis-à-vis du « principe de solidarité qui est le fondement même de notre pays et de notre système de santé » (4).
Tout ceci pour des économies marginales : une baisse de 15 millions d’euros de l’enveloppe accordée à l’AME (ramenant ses crédits à 919 millions d’euros) alors que la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) en France est évaluée à 203,5 milliards d’euros (5)… autrement dit une économie budgétaire immédiate ridicule avec un risque d’augmentation retardée de frais de santé !
Cet ensemble de mesures restreignant l’accès aux soins des étrangers se révèle donc dangereux pour les patients concernés, non efficiente pour la réduction des dépenses de santé et incohérente avec les besoins de santé publique et l’organisation des soins. Cette mesure peut aussi se comprendre comme témoignant d’un contexte de xénophobie politique.
Le Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (SNJMG) refuse ce processus délétère et espère que les prochaines mobilisations, notamment dans le cadre du collectif inter-hospitalier, permettront de faire valoir la santé de tous les patients.
> Contact presse : Dr Sayaka Oguchi – presidente@snjmg.org