« Alors que l’épidémie de coronavirus SARS-CoV2 continue de se propager, la communauté scientifique mondiale s’active dans la recherche de traitements. Si nous devons encore rester prudents en attendant des éléments probants issus de la recherche clinique, il est urgent de préparer dès maintenant les conditions d’un accès pour tous aux thérapies dont l’efficacité aura été démontrée. Toutes les solutions doivent aujourd’hui être explorées, notamment en s’appuyant sur les expériences et leçons du passé. Nous ne tolérerons aucun rationnement de l’accès aux soins, au Nord comme au Sud.
Les pistes thérapeutiques actuelles dans le traitement du COVID-19 sont diverses, regroupant des médicaments déjà utilisés pour d’autres indications, des traitements non commercialisés ou d’autres encore en phase de développement. Aujourd’hui, nos regards sont essentiellement tournés vers les résultats de ces essais cliniques qui bénéficient de financements publics sans précédents. Les défis auxquels nous devrons faire face sont pourtant nombreux et d’inquiétants signaux nous alertent.
Les prix de ces futurs traitements, potentiellement très différents en fonction de leur positionnement actuel, sont rarement évoqués. Ils seront pourtant une variable essentielle pour garantir un accès universel aux soins à l’échelle globale. La lutte contre les épidémies a montré que toute découverte ne constituait une réelle avancée que si elle était disponible pour toutes et tous.
Les prix des futurs traitements, une variable essentielle pour vaincre la pandémie
En 1996, l’arrivée tant attendue des trithérapies salvatrices contre le VIH/Sida, a été accompagnée d’intolérables inégalités d’accès aux traitements. Il aura fallu attendre la session extraordinaire de l’assemblée générale des Nations Unies en 2001 pour marquer une première étape dans l’accès aux traitements pour les pays du Sud, pourtant les plus touchés par la pandémie.
En 2014, les prix des nouveaux traitements contre l’hépatite C ont conduit l’Etat français à rationner l’accès aux soins, en réservant pendant plus de deux ans les médicaments aux seules personnes à un stade avancé de la maladie. Si les prix ont fortement baissé dans certains pays à revenus faibles grâceà l’arrivée de médicaments génériques, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre l’accès universel à ces traitements permettant d’éradiquer efficacement le virus.
La recherche avance, la coopération internationale recule.
Anticipant de possibles résultats positifs d’essais thérapeutiques dans le traitement du COVID-19, la France et le Maroc réquisitionnent les stocks de Plaquénil, utilisé contre le paludisme et essentiel autraitement de maladies chroniques comme le lupus et la polyarthrite rhumatoïde. L’Inde limite l’exportation de médicaments et principes actifs pharmaceutiques utilisés dans le traitement des symptômes de la maladie en prévision de pénuries de principes actif venant de Chine. La préférence nationale semble être devenue la règle alors que la solidarité sanitaire internationale est incontournable dans la lutte contre la pandémie. Les limites de production des traitements potentiels sont un obstacle supplémentaire à l’accès universel dans un marché guidé par la logique de l’offre et de la demande.
Nous pouvons encore faire primer l’accès aux soins sur les intérêts économiques et financiers, notamment de certains industriels du médicament, mais il est grand temps d’agir.
France Assos Santé appelle le gouvernement à étudier tous les instruments internationaux existants et toutes les propositions visant à fabriquer massivement des médicaments ou des vaccins à bas prix(1). Les mécanismes de fixation des prix doivent enfin être remis en cause en tenant compte notamment des investissements et financements publics au titre de la Recherche et du Développement.
Certains outils, comme les « patent pools » (partage de brevets) ou la licence obligatoire, ont déjà été utilisés avec succès, notamment pour lutter contre des maladies infectieuses(VIH, Tuberculose, Hépatite C) ; d’autres modèles sont à inventer. Toutes les pistes doiventêtre explorées, tous les dogmes renversés dans cette situation inédite de pandémie mondiale. La France doit agir au niveau international mais elle doit également montrerl’exemple en s’opposant par tous les moyens à des prix qui ne soient ni justes ni maitrisés. »
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(1) Le 23 mars, le Président du Costa Rica a écrit au Directeur général de l’OMS pour proposer la mise en commun de toutes les informations et connaissances disponibles concernant les technologies de santé destinées à lutter contre la COVID-19 (en particulier les brevets) et d’en garantir l’accès gratuit ou à bas coût dans tous les pays.