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« Pour que le Ségur de la santé intègre 9 clés pour rebâtir le système de santé » (Tribune)

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Tribune de Cédric Arcos, maître de conférences en politiques de santé à Sciences Po Paris, Didier Bazzocchi, vice-président du Centre de recherche et d’analyse sur la protection sociale (CRAPS), Philippe Denormandie, chirurgien, Olivier Mariotte, médecin, entrepreneur et élu local, Vincent Olivier, dirigeant de Recto Verso, société de conseil en santé, Benoît Péricard, président d’une association médico-sociale et Guy Vallancien, membre de l’Académie de médecine :

Notre système de santé marche sur la tête. Au lieu de partir des besoins des Français, il est construit en fonction de l’offre existante. Au lieu de s’inspirer de l’expérience des personnels de santé, il est conçu « d’en haut », selon des règles éloignées de la réalité quotidienne.

Le « Ségur de la santé » offre une opportunité exceptionnelle d’inverser les priorités au prix d’une refonte de l’ensemble du système en le développant depuis ses racines jusqu’à son faîte. S’il se contente de réformes structurelles et financières, aussi larges soient-elles, sans changer de logique et sans donner un cap politique clair, l’objectif sera manqué.

Comment transformer le système ? Voici neuf clés proposées pour y répondre :

1. Privilégier l’accompagnement global au quotidien

C’est au domicile, dans les entreprises, les administrations et services publics, au sein des communes du territoire et dans les établissements médico-sociaux qu’il faut améliorer au quotidien la santé de la population. À partir des besoins réels des patients et de leurs expériences de la maladie, nous devons collectivement rebâtir l’organisation et la gouvernance du système de santé et enfin reconnaître le rôle de tous les acteurs, qu’il s’agisse de l’école ou des entreprises.

2. Sortir du tout-médical

La vision « d’en haut » privilégie une analyse des parcours par ses seuls aspects thérapeutiques. Or le suivi par des médecins, dont l’expertise reste primordiale, est rarement requis tout au long de la prise en charge des patients. Il convient donc de faire appel à des professionnels paramédicaux et pharmaceutiques aux compétences élargies, formés au travail d’équipe et aux nouvelles possibilités offertes par le numérique. Régulièrement évalués, déployés dans les territoires au service du parcours des malades, ces professionnels interviendront de la prévention jusqu’aux soins et à la réhabilitation.

3. Fédérer les professionnels de santé

Le soin ne saurait être exclusivement évalué à l’aune de la pratique purement médicale. La coordination de l’équipe soignante doit permettre d’assurer la globalité de la prise en charge des patients. Dans de très nombreuses situations (handicap, dépendance, précarité), l’action à entreprendre est globale, médico-sociale, faisant appel à tous les professionnels concernés qui doivent travailler en équipes.

4. Laisser la créativité des équipes s’épanouir

Si les compétences des professionnels de santé sont acquises lors de leur formation initiale, il est crucial de prendre en compte les acquis de l’expérience. Une auxiliaire de vie aura une acuité particulière pour reconnaître des signaux faibles qui aident à orienter des choix médicaux. Une infirmière de pratiques avancées assumera des fonctions de coordination, d’évaluation et de certaines prescriptions. Un pharmacien jugera de la thérapie médicamenteuse la mieux adaptée. L’autonomie des professionnels, des établissements mais aussi des territoires devient le point cardinal de la nouvelle organisation par opposition à un modèle actuel où la réglementation et le contrôle « de loin » priment. À cet égard, un investissement massif dans le numérique doit être opéré pour permettre ces nouvelles logiques de coopération et de partage.

5. Définir une gouvernance en repensant l’organisation et le management sur le terrain

La gouvernance des équipes doit se penser localement et s’appuyer sur la confiance et la reconnaissance du savoir-faire. Le management actuel est plus axé sur la seule gestion administrative des ressources humaines que sur l’accompagnement des malades et des talents des professionnels. Les décisionnaires sanitaires dépendent de l’agence régionale de santé (ARS) et de la CPAM, et ceux du médico-social du conseil départemental : il faut unifier les actions en impliquant fortement les régions dans la politique de santé et en les responsabilisant financièrement. Celles-ci coordonneront les acteurs via les ARS dont elles assureront désormais le pilotage.

6. Offrir la liberté d’agir

Accepter les différences, c’est reconnaître que les besoins de santé ne sont pas identiques dans tous les territoires, ni entre toutes les catégories sociales. Il est temps de passer de l’État gérant à l’État garant, si l’on veut stopper l’entropie organisationnelle et financière qui contribue à la détérioration du système. La capacité d’innover et d’expérimenter doit être reconnue et la liberté doit devenir la règle.

7. Fluidifier les financements

Afin de pouvoir rapidement mettre à disposition des moyens humains et budgétaires qui répondent aux attentes de professionnels et des malades, il faut mettre en place des financements au plus près du terrain, en phase avec les logiques de travail en équipe. Le Fonds d’intervention régional, calculé sur une base populationnelle, doit devenir la priorité des ARS. Ces fonds ne pourront plus être utilisés pour d’autres objectifs, notamment financiers (règlement de dettes d’établissement par exemple).

8. Graduer l’accès aux soins depuis la prévention et les soins de premier recours jusqu’à l’hôpital

L’équipe de soins intervenant quotidiennement auprès du malade, le besoin en médecine de ville sera plus espacé dans le temps, notamment dans le cadre des pathologies chroniques. La gestion du système de santé depuis sa base paramédicale utilisera au mieux les ressources intermédiaires (maison de santé pluriprofessionelle, maison de garde, hôpital de proximité, télémédecine…) en graduant l’accès pour réserver les situations cliniques les plus complexes aux superspécialistes hospitaliers et libéraux mobilisant les plateaux techniques lourds.

9. Ne plus penser en lits mais en réseau

Le lit est une unité de valeur obsolète au sein de l’hôpital. C’est sa quantité qui explique le poids financier des 3 000 structures hospitalières (35 % des dépenses d’assurance-maladie). Débarrassé de sa course au gigantisme et de la multiplication des établissements, l’hôpital concentrera ses efforts financiers sur la recherche et l’excellence médicale.

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