« La Mutualité française a récemment publié sa contribution au Ségur de la santé avec des propositions qui, si elles étaient appliquées, mèneraient à la disparition pure et simple de la médecine libérale de ville au profit des « réseaux de soins » mutualistes. Ces derniers n’ont pourtant jamais démontré leur efficacité dans les champs qui leur avaient été imprudemment confiés (optique, audio et dentaire), ce qui a conduit les Pouvoirs publics à mettre en place la réforme du « 100 % santé » dans ces trois secteurs.
On n’avait guère entendu la Mutualité pendant la pandémie, alors que les soignants, y compris les libéraux de ville qu’elle attaque aujourd’hui, étaient mobilisés pour combattre la pandémie.
On ne l’a pas plus entendue au déconfinement, lors de la mise en place d’un soutien financier par l’Assurance maladie pour les professionnels de santé libéraux qui avaient subi une chute d’activité due au manque d’EPI, chute d’activité qui a, au contraire, avantagé les complémentaires en diminuant leurs remboursements…
Ce silence persistant a amené Olivier Véran et Gérald Darmanin à adresser un courrier le 5 juin à la Mutualité. Les Ministres y évoquent les économies réalisées depuis le début du confinement. « Vos organismes doivent prendre leur juste part à l’effort consenti pour soutenir les professionnels et les établissements de santé massivement impactés par l’épidémie, et ne peuvent en aucune façon tirer un bénéfice économique de cette crise », écrivent-ils, ce qui indique que le doute subsistait sur les intentions des complémentaires.
Puisque l’un des objectifs du Ségur de la santé est de « simplifier radicalement les organisations », il est utile de relire la note « Refonder l’assurance maladie » publiée en 2014 par le Conseil d’analyse économique et signée par trois économistes dont Jean Tirole, prix Nobel d’économie. Constatant que « aucun autre pays n’a, comme la France, un système qui empile deux étages », l’assurance maladie et une assurance complémentaire remboursant chacun une partie de la même prestation ce qui double les frais de gestion, les auteurs considéraient qu’il était « impératif de mettre fin à ce système mixte d’assurance ». Ils proposaient par ailleurs de supprimer les différences de traitement entre contrats individuels et collectifs, ou de supprimer le ticket modérateur à l’hôpital.
Supprimer le ticket modérateur pour l’ensemble des soins hospitaliers est justement une des propositions portées actuellement par l’AP-HP afin que les patients soient remboursés à 100% par l’Assurance maladie et plus de 1 500 emplois de soignants soient créés, soit « l’équivalent de 1.500 emplois uniquement consacrés à facturer auprès des centaines d’organismes d’assurance complémentaire », écrit le directoire de l’AP-HP.
Quant aux libéraux de ville, ils n’ont que trop constaté que l’offre d’un tiers-payant généralisable, une simplification qui améliore l’accès aux soins, bute aussi sur la mauvaise volonté des complémentaires.
Alors que le Président de la République vient de nommer Jean Tirole et Olivier Blanchard à la tête d’une commission de 26 économistes pour penser l’après-crise, il est temps de passer du dire au faire en ce qui concerne la simplification de notre système de santé.
C’est d’autant plus nécessaire que l’esprit mutualiste a été perdu par les gestionnaires qui, sous couvert d’économie sociale et solidaire, gèrent aujourd’hui les principales mutuelles comme des sociétés commerciales. »
François BLANCHECOTTE, Président du Centre national des professionnels de santé (CNPS)
Daniel GUILLERM, Président de la Fédération française des praticiens de santé (FFPS)
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