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« Les moyens dédiés à la santé des guyanais·es sont indignes de la République et de la France » (Communiqué)

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« Depuis le début de l’année 2020, le coronavirus se répand dans le monde entier. En Guyane, l’épidémie est arrivée plus tardivement qu’ailleurs, pourtant rien n’a été préparé et anticipé correctement. Les moyens humains et matériels nécessaires pour empêcher la propagation du virus ne sont pas au rendez-vous et les stratégies mises en place ne sont ni adaptées ni efficaces. L’ensemble de la population est donc mise en danger de manière inacceptable et les réponses de l’état ne sont que mensonges et communication politique.

La Guyane connaît depuis de nombreuses années d’importants problèmes de moyens accordés à la santé. D’après les chiffres du ministère de la santé, le nombre de médecins généralistes est d’environ la moitié de ce que l’on observe dans l’Hexagone (55 pour 100 000 habitant·e·s contre 104 en métropole). Les médecins spécialistes sont eux plus de trois fois moins nombreux (27 pour 100 000 guyanais·e·s contre 94 dans l’Hexagone). Ce constat se retrouve dans toutes les dimensions de la santé, y compris dans les capacités deréanimation qui seraient toujours, selon les chiffres officiels, d’environ deux tiers de ce qui est disponible en France hexagonale (5,2 lits pour 100 000 habitant·e·s contre 8,4 en métropole).

Ces chiffres cachent commeen métropole d’importantes disparités. En effet, la totalité des capacités d’hospitalisation et des médecins spécialistes est concentrée sur le littoral laissant pour compte celles et ceux qui vivent à l’intérieur du territoire et qui sont aussi les plus défavorisé·e·s. Les femmes de l’intérieur en sont les premières victimes car malgré une natalité élevée, elles doivent systématiquement quitter leur famille et leur environnement culturel un mois avant leur date d’accouchement prévue et sont ainsi victimes d’un traitement qu’aucune personne honnête ne pourrait qualifier d’humaniste. Ajoutons que pour l’ensemble des guyanais·es, certaines spécialités médicales n’étant pas présentes, il est nécessaire de faire plusieurs milliers de kilomètres et là aussi de quitter son entourage pour bénéficier de certains soins.

Par ailleurs, malgré quelques aides del’état ces dernières années, la situation financière des établissements de santé reste extrêmement préoccupante. Le principal centre hospitalier du territoire étant incapable de payer ses factures en temps et en heure, certains prestataires ne veulent plus travailler avec lui.

Par ailleurs, comment attirer et motiver les personnels quand la grille utilisée pour établir les rémunérations des contractuel·le·s est celle de 2015 ? Ou est-il normal que des non-soignant·e·s soient recruté·e·s sur des grades inférieurs à leurs qualifications réelles et aux besoins attendus sur leurs postes ? Si différentes causes peuvent expliquer ce constat, c’est d’abord le manque de moyens qui est responsable de cette situation, l’état n’ayant pas tenu ces promesses de créer un CHU ou d’ouvrir des hôpitaux supplémentaires dans les communes de l’intérieur.

L’épidémie de coronavirus en Guyane a commencé à la fin du mois d’avril avec des cas importés de métropolequi restaient très peu nombreux au regard de ce qu’il se passait dans la région Grand Est ou en Île de France.La Guyane a pourtant subie un confinement similaire à celui de l’Hexagone alors même que le virus necirculait que très faiblement. C’est après le déconfinement que des clusters sont apparus comme à Saint- Georges-de-l’Oyapock, ville située à la frontière avec le Brésil, pays largement touché par la maladie. Ainsi au 15 juillet, on comptait 6299 cas positifs, c’est-à-dire ayant reçu un résultat positif au dépistage : soit plus de 2,5% de la population officielle. A cette même date, moins de 0,3% de la population avait été testée positive à la covid-19 en France métropolitaine.

Ces chiffres comme les calculs sur le R0 sont à prendre avec méfiance car ils sont directement liés au nombre de tests réalisés, aux critères déterminants l’accès aux dépistages et à la fiabilité des résultats des tests. L’accès au dépistage étant plus difficile en Guyane qu’ailleurs en France et le recours aux soins plus faible, beaucoup de personnes symptomatiques n’ont probablement pas été testées. Si on considère, en plus, que la moitié des cas sont asymptomatiques, le vrai nombre de cas doit être largement supérieur à ce qui est indiqué par les pouvoirs publics.

Cependant, bien avant la réelle circulation du virus sur le territoire, une vingtaine d’organisations (partis politiques, associations et syndicats) ont pris la décision de se coordonner et de se regrouper au sein d’uncollectif appelé le Mayouri Santé Guyane. Ce mouvement a réclamé davantage de moyens pour faire face à la propagation du virus, éviter sa généralisation sur le territoire et prendre correctement en charge les malades.

Ont été demandé :

-plus de capacités d’hospitalisation,
-plus de capacités de dépistage,
-plus d’équipements de protection individuelle,
-la désinfection des lieux publics,
-l’accès à l’eau potable ou encore
-la suppression des files d’attentes sur la voie publique.

A cette heure malgré de nombreuses demandes, les revendications du Mayouri Santé Guyane n’ont pas été entendues, la population n’est pas protégée, les soignant·e·s n’ont pas les moyens de prendre correctement en charge les malades et la progression de la pandémie n’est aucunement ralentie.

Depuis le début de la crise, l’Agence Régionale de Santé et la préfecture s’obstinent à répéter à la populationque tout va bien, que la situation est sous contrôle et se congratulent des capacités de dépistage alors même que leurs propres objectifs n’ont pas été atteints. Dans le même temps, la Guyane et Mayotte sont les seuls départements d’Outre-Mer à ne pas exiger de tests négatifs pour prendre l’avion vers la métropole alors que leurs populations sont plus souvent contaminées que le reste des territoires ultramarins.

Comment l’expliquer sinon par le fait qu’il n’y a pas suffisamment de tests et que ceux-ci sont réservés en priorité aux personnes symptomatiques ? Comment se glorifier des capacités de dépistage quand les délais pour être prélevé·e sont de plusieurs jours alors qu’il conviendrait d’avoir une réponse rapide pour que les malades puissent s’isoler et éviter de contaminer leurs entourages ?

Le couvre-feu, mis en place à partir de 17h la semaine et à partir de 13h le samedi, répond lui aussi très maladroitement aux besoins actuels. Il empire même les risques de contamination en obligeant l’ensemble des travailleurs à faire leurs courses alimentairesen même temps le samedi matin dans des supermarchés surchargés où la distanciation sociale est rendue impossible.

Récemment, le ministre de la santé, a affirmé que la Guyane et le service de réanimation de l’hôpital de Cayenne n’avait « jamais manqué de lits, […] jamais manqué de respirateurs, […] jamais manqué de places pour hospitaliser les malades et sauver des vies et […] jamais manqué de matériel de protection ». Tout cela est rigoureusement faux et on doit se questionner sur la source de telles inexactitudes.

On peut aussi s’interroger sur ses capacités à comprendre la situation de notre territoire que beaucoup de ministrescontinuent de voir comme une île. Si les capacités sont au rendez-vous, comment expliquer que des malades doivent être évacués vers les Antilles parfois sans même que leurs familles ne soient informées ? Si les capacités sont au rendez-vous, comment expliquer que l’état ait fait appel à la réserve sanitaire ou à un hôpital de campagne de mauvaise qualité (décisions, d’ailleurs tout à fait insuffisantes pour répondre à cettecrise sanitaire) ?

La réalité, c’est que des lits ont été ouverts à la va-vite, qu’ils ne permettent pas de prendre correctement en charge les malades. La réalité, c’est que le matériel à disposition des soignant·e·s du servicede réanimation est souvent défectueux rendant difficile les soins et l’utilisation des respirateurs. La réalité, c’est qu’on manque quotidiennement comme dans les autres services et hôpitaux de surblouses, lingettes etautres matériels jetables.

Mais cela n’est que le triste quotidien des soignant·e·s guyanais·es, les hôpitaux étant trop souvent incapables de fournir les moyens nécessaires à la prise en charge des malades. A titre d’exemples, les problèmes étant trop nombreux pour être tous cités ici, le laboratoire de Cayenne est couramment en rupture des produits permettant de réaliser les analyses et les centres de santé n’ont pastoujours de balances qui fonctionnent pour peser les bébés qu’ils reçoivent.

Dans la situation d’urgence extrêmement grave que nous connaissons aujourd’hui, la seule réponse de l’état est une communication politique basée sur l’autosatisfaction et le mensonge qui allie l’amateurisme et l’incompétence à une vision coloniale des territoires. Une motion commune reprenant les revendications du Mayouri Santé Guyane a été remise au premier ministre lors de sa visite éclair du 12 juillet dernier. Elle avait été signée par la totalité des parlementaires guyanais, par le président de la collectivité territoriale etpar le président de l’association des maires de Guyane, certains d’entre eux étant des élus La république en marche.

A cette heure, aucun retour ne nous ait parvenu et c’est en demandant une réponse que nos camarades ont été brutalisés à la préfecture le 17 juillet. Cette violence est inacceptable et pourraitdéboucher sur un conflit politique majeur qui n’est pas souhaitable en pleine épidémie mais qui semble êtrele seul moyen de se faire entendre par le gouvernement. Nous appelons nos adhérent·e·s et sympathisantes à participer au mouvement social suivant les formes qu’il prendra dans les jours à venir. Nous appelons la population à continuer à rejoindre la mobilisation car seule la lutte paie.

Nous appelons également le gouvernement à prendre conscience de la situation, à arrêter les mensonges et la violence et à donner immédiatement les moyens nécessaires à la prise en charge locale des malades et à la protection de lapopulation sans quoi la négligence grave dont nous sommes victimes pourrait faire d’important dégâts et laisser durablement une tâche supplémentaire dans les relations entre la France et les Guyanais·es. »

CONTACTS :

A propos du mouvement social et de la mobilisation, contactez l’union syndicale Solidaires Guyane : solidaires.973@laposte.net

A propos de la situation sanitaire et des moyens hospitaliers, contactez SUD Santé Sociaux Guyane : sudsanteguyane@gmail.com

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