L’extraordinaire acuité olfactive du chien est mise à profit depuis longtemps par les douanes pour détecter des explosifs, de la drogue ou certains aliments et par les équipes de premiers secours mobilisées en cas de catastrophe pour la recherche de personnes ensevelies. De même, cette faculté est exploitée dans le domaine médical pour détecter des affections humaines (cancers, paludisme, Clostridium difficile, maladie de Parkinson, etc) ou animales (pestivirose bovine, gale) [1].
L’idée d’utiliser l’olfaction des chiens pour détecter les patients atteints de Covid-19 a été envisagée par des équipes pluridisciplinaires (vétérinaires, médecins, biologistes, maîtres-chiens) pour répondre à la demande mondiale d’un test de dépistage rapide, simple, non invasif, sensible et spécifique, pouvant diminuer la charge des laboratoires de biologie médicale. En effet, devant l’accroissement des demandes de tests de détection de la Covid-19, l’utilisation de « chiens renifleurs » permettrait de réduire les délais encore trop élevés pour l’obtention d’un dépistage par RT-PCR, en particulier chez les cas suspects et les contacts [2].
Il importe de souligner que, si certains animaux de compagnie ont pu être contaminés par leur propriétaire atteint de Covid-19, les chiens sont peu sensibles à l’infection. Ils développent parfois des formes mineures mais ne transmettent pas le Sars-CoV-2 à l’Homme.
Les premiers résultats obtenus par une équipe allemande et une équipe française, utilisant de nouveaux tests olfactifs de biologie médicale, montrent que des « chiens renifleurs » entrainés sont capables de reconnaître une odeur spécifique de la Covid-19 correspondant à un ensemble de composés organiques volatils spécifiques ou d’autres substances métaboliques produites par l’organisme malade, appelé volatilome ou VOC (volatile organic compounds). Présent dans la circulation sanguine, le volatilome peut être excrété dans l’air expiré, l’urine, la salive, les fèces, le lait et la sueur. C’est une association complexe avec des substances endogènes ou exogènes (aliments solides ou liquides ingérés, produits d’hygiène utilisés, médicaments…). Pour cette raison, les chiens doivent être entrainés pendant deux à trois semaines pour la reconnaissance d’une odeur spécifique, aptitude validée par les maîtres-chiens.
L’étude allemande de l’Université vétérinaire de Hanovre, réalisée avec 7 chiens sur 10.388 échantillons salivaires et trachéobronchiques inactivés par la bêtapropiolactone, a conclu à une sensibilité de 82,6% et une spécificité de 96,3% [3]. L’étude française de l’École nationale vétérinaire d’Alfort (Projet NOSAÏS), utilisant la sueur axillaire considérée comme non contaminante, obtient des résultats similaires avec 8 chiens et 368 essais : 4 chiens étaient efficaces à 100%, les 4 autres l’étaient à 83%, 84%, 90% et 94% [4]. Des études ultérieures menées au Liban et aux Émirats arabes unis ont relevé une sensibilité de 92 à 98% ; certains cas pré-symptomatiques de Covid-19, négatifs en RT-PCR, ont été identifiés par la détection olfactive quelques jours avant l’apparition des symptômes et la positivité de la RT-PCR [5]. Un autre projet français (COVIDOG), soutenu par la Fondation de l’Université de Strasbourg et des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, utilise des cultures cellulaires issues de prélèvements de patients Covid-19 permettant ensuite d’identifier une odeur spécifique avec des « éponges à odeurs » (tubes en polymère absorbant ou masques chirurgicaux adaptés à la capture de VOC respiratoires) permettant d’envisager une détection à partir de groupes (aéroport, train, rassemblements divers, etc) ou à l’échelon individuel [6].
Les résultats prometteurs de ces différents tests olfactifs obtenus avec des chiens entrainés dans le respect du bien-être animal, l’Académie nationale de médecine et l’Académie vétérinaire de France recommandent :
– de compléter l’évaluation scientifique et le développement de ce nouveau test afin de le mettre en œuvre dans les meilleurs délais :
– d’en préciser les performances analytiques (sensibilité, spécificité) ;
– d’identifier dans le volatilome la ou les molécules spécifiques de la Covid-19 ;
– de promouvoir la constitution d’équipes dédiées (personnel, chiens) ;
– de sécuriser la présentation des échantillons à analyser, tant pour les chiens que pour le personnel ;
– et de définir les règles de bon usage de ce type de test.
Notes :
- Angle C et al. Canine detection of the volatilome: a review of implications for pathogen and disease detection. Front Vet Sci. 2016;3:1-7.
- Communiqué de l’Académie Nationale de Médecine « Covid-19 : dépister plus, dépister mieux », 3 août 2020.
- Jendrny M. et al. Scent dog identification of samples from COVID-19 patients – a pilot study. BMC Infectious Diseases (2020) 20:536 – https://doi.org/10.1186/s12879-020-05281-3.
- Grandjean D et al. Detection dogs as a help in the detection of COVID-19 Can the dog alert on COVID-19 positive persons by sniffing axillary sweat samples ? Proof-of-concept study. bioRxiv preprint doi: https://doi.org/10.1101/2020.06.03.132134.
- Grandjean D, communication personnelle.
- Escalón S. Covid-19 : les chiens renifleurs à la rescousse ? Journal du CNRS du 19.06.2020.
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Carly DOS SANTOS
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