Le Conseil Supérieur des Professions Médicales, composé des organisations représentatives des praticiens (hospitalo-universitaires, praticiens hospitaliers et non-titulaires) et des employeurs (Fédération Hospitalière de France : directeurs d’hôpitaux et présidents des Commissions Médicales d’Établissements – CME), réuni le 2 mars 2021 par la DGOS, vient de voter contre le projet d’ordonnance : par un vote unanimement défavorable des trois collèges statutaires de praticiens malgré le vote unanimement favorable de la FHF !
En somme, un projet de réforme de la gouvernance « relative aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation de la gouvernance » n’est approuvé que par la gouvernance en place !
Le Ségur devait tirer les leçons du COVID, et notamment des nouveaux modes de fonctionnement de l’hôpital qui avaient été inventés en urgence grâce à la créativité des professionnels de santé, et qui ont fonctionné avec le succès qu’on connaît. Alors que la loi HPST et ses effets délétères ont conduit l’Hôpital Public au bord de la rupture, il est évident – et nous l’avions déjà dit à l’époque – que la gouvernance ne peut plus être déconnectée du terrain.
Ségur en catastrophe, alors que nous n’étions pas relevés de la première vague ; concertations marathons qui ne font pas changer le fond des textes d’un iota ; textes indigestes écrits dans l’urgence, du fait d’un calendrier contraint lié à la décision de légiférer par ordonnance, et de fait, comprenant coquilles et incohérences, articulation hasardeuse avec la proposition parlementaire de loi (PPL) Rist…
Si ce n’était que ça… La réforme – issue de concertations débutées il y a deux ans, et finalement inspirée du rapport Claris (juin 2020) – est trop timide, et garantit au directeur d’être, sinon « seul maître à bord », au minimum « seul décideur en dernier recours » … ce qui n’est qu’une pirouette sémantique ! C’est probablement la raison pour laquelle elle satisfait la représentation de la gouvernance en place.
Deux mots manquent à l’esprit de cette réforme. Horizontalité et Démocratie.
Horizontalité du management. Alors que tous les travaux sur le management montrent qu’il faut passer des organisations verticales, archaïques, aux organisations horizontales, connectées au plus près du terrain, c’est un modèle obsolète qui est de mise, maintenant toutes les couches créées ces dernières années : renforcement des GHT, conservation des pôles, « médicalisation » réservée à un seul médecin de l’hôpital, le président de CME, permettant de se passer de l’expertise des médecins et des personnels paramédicaux : où est passée la leçon de la première vague du Covid-19 tant vantée pendant le Ségur ?
Démocratie sanitaire. La légitimité des responsables managériaux médicaux vient de leur reconnaissance par leurs pairs. Les chefs de service ou de pôles ont besoin de cette légitimité pour pouvoir défendre des projets de service et de pôle, participer à la construction d’un projet médical partagé. Dans le PPL Rist, le Sénat a même justifié un amendement sur l’élection des chefs de service et de pôle comme étant du « vernis démocratique » alourdissant les procédures. La CME ne récupère toujours pas le pouvoir décisionnaire qu’elle a perdu il y a quinze ans. Ce jour, on entend que le vote pourrait occasionner des « blocages ». L’espace de dialogue social pour les médecins est encore « oublié ». L’hôpital n’est pas prêt à la démocratie et à ses exigences ? Donc acte. La dictature managériale deviendrait-elle ainsi acceptable ?
Le Ségur n’a pas permis, par son volet des rémunérations, de valoriser à bonne hauteur l’investissement des professionnels de santé. Sous des termes aguicheurs « simplification », « confiance » ou « remédicalisation » il entérine un modèle du monde d’avant dépassé et dangereux pour une qualité de soin qui est devenue quantité depuis l’instauration de la T2A.
Si ce projet d’ordonnance est acté en l’état, il ne faudra pas s’étonner de voir professionnels paramédicaux et médicaux partir en masse de l’hôpital public.
Il ne faut pas confondre urgence et précipitation. C’est aussi une leçon de la première vague COVID.
Avenir Hospitalier et la Confédération des Praticiens des Hôpitaux, réunis dans Action Praticiens Hôpital, demandent la réécriture de l’ordonnance relative aux groupements hospitaliers de territoire et la médicalisation des décisions à l’hôpital et des décrets qui lui sont associés.
APH demande :
– L’élection par leurs pairs des chefs de services et de pôles.
– L’horizontalisation des décisions qui doivent se construire depuis la base en impliquant la participation de tous les professionnels de santé dans la genèse des projets d’équipe et de territoire.
– Le rétablissement du pouvoir décisionnaire des professionnels de santé dans l’hôpital : au niveau de la CME, au niveau de la gouvernance véritablement remédicalisée.
– La création, enfin, d’un espace de dialogue social pour les personnels médicaux avec la mise en place d’une instance pour les personnels médicaux hospitaliers en impliquant les organisations syndicales