A la maternité puis à domicile, pour un bébé prématuré ou né à terme, l’accompagnement de l’allaitement, pour les femmes qui le souhaitent, est parfois limité et incomplet, et une partie d’entre elles ne démarre pas ou stoppe l’allaitement faute de réponses à leurs questions.
Comment accompagner au mieux les femmes souhaitant allaiter ? Quelles organisations (hôpital- ville-domicile) peut-on mettre en place pour faciliter leur quotidien ? Professionnels de santé et entreprises du dispositif médical ont partagé leurs expériences et leurs recommandations lors du « RDV avec l’allaitement », organisé par le Snitem (Syndicat national de l’industrie des technologies médicales), le jeudi 11 mars 2021.
« Le choix d’allaiter est personnel mais il doit pouvoir s’appuyer sur un encadrement par des professionnels de santé formés, ainsi qu’un lien solide entre l’hôpital et la ville. L’information et le confort des mères sont essentiels à assurer », rappelle Brigitte Dumas, présidente du groupe sectoriel allaitement au Snitem
Pour la santé du futur adulte, la période des 1000 premiers jours de vie est primordiale et ouvre une opportunité pour lutter contre l’explosion des maladies non transmissibles tels le diabète, l’obésité, la maladie d’Alzheimer… « De nombreux déterminants sont définis dès le début de la vie, avec notamment l’action de l’épigénétique, qui module l’expression des gènes en fonction de l’environnement, de façon réversible mais transmissible. Certains facteurs environnementaux sont bien connus comme l’activité physique de la mère, le microbiome, le stress, les addictions…
Les 1000 premiers jours de vie ouvrent une fenêtre pour agir sur la santé de l’enfant et de l’adulte en devenir», souligne Sylvie Deghilage, sage-femme coordinatrice du projet FHU (Fédération hospitalo-universitaire) de Lille « Prendre soin avant de soigner ». La Commission des 1000 premiers jours, créée par le président de la République, a rendu son rapport en septembre 2020, elle revient sur l’importance de cette période en termes de santé publique mais également surl’accompagnement des parents.
Durant cette période, l’allaitement maternel pendant les 6 premiers mois de la vie a un impact important sur la santé de l’enfant. Les études menées sur des cohortes de nouveau-nés ont montré une réduction de l’obésité, de la pression artérielle à l’adolescence, un meilleur profil lipoprotéique chez les adultes et moins d’allergies pour les enfants allaités. Or à l’âge de 6 mois, seuls 25% des enfants français le sont.
Pour les enfants prématurés, également, le bénéfice de l’allaitement a été démontré avec à la clé moins d’infections, d’entérocoliteulcéro-nécrosante, de dysplasie broncho-pulmonaire, de rétinopathie durant l’hospitalisation, mais aussi des effets positifs à long terme pour la santé et le développement de ces enfants : diminution du risque de pathologies cardiovasculaire et métabolique, ainsi qu’un meilleur développement cognitif.
Afin de favoriser l’allaitement maternel pour ces enfants, le facteur important est une production de lait suffisante, notamment grâce au recueil précoce manuel du colostrum, au « peau à peau » régulier et prolongé et à une bonne utilisation du tire-lait (tirer le lait efficacement le plus tôt possible, les deux seins en même temps, avec des téterelles adaptées, fréquemment en accompagnant d’un massage du sein pour favoriser le flux de lait et une extraction efficace).
Quels sont encore les freins à une bonne organisation ?
En dépit des avantages démontrés de l’allaitement maternel, selon une étude menée en 2018 sur 8 maternités de l’AP-HP, 70% des mamans souhaitent allaiter exclusivement à l’entrée de la maternité, et elles ne seront déjà plus que 50% à la sortie. Nombre d’entre elles soulignent la discordance des discours et des conseils reçus. « La cause n°1 d’arrêt précoce de l’allaitement maternel est le manque d’accompagnement. Il y a un réel besoin de soutien des mères dans leur projet d’allaitement dès la maternité et à leur retour à domicile. Le numéro vert que nous avons créé SOS allaitement 75 reçoit près de 2000 appels par an. Il sera étendu à toute l’Ile de France au 1er avril 2021 », rappelle Dr Virginie Rigourd, pédiatre, hôpital Necker.
Chaque projet d’allaitement doit bénéficier d’un maillage de professionnels spécialisés pour assurer la continuité de l’accompagnement et gérer les urgences. Afin de créer ces réseaux, certaines maternités s’organisent. A l’hôpital Trousseau, à Paris, a ainsi été créé en 2008 un espace Parentèle où les futurs et jeunes parents peuvent échanger avec des professionnels de santé et d’autres parents. Plusieurs initiatives se sont développées autour d’association, comme Bulle de lait, sur Reims où les mères et parents peuvent poser leurs questions sur Facebook ou Instagram. Elodie Dhainaut, puéricultrice en néonatologie, CHU de Reims est l’une des référents Bulle de Lait qui leur répond, les rassure ou les oriente si besoin vers des consultations médicales.
Enfin, les pharmaciens eux-mêmes peuvent s’impliquer dans ces réseaux, comme l’a souligné Frédéric Roussel, membre de la CoFAM (Coordination française pour l’allaitement maternel), pharmacien, pharmacie Marceau – Courbevoie. « L’importance est de mettre en place une politique d’accueil pour informer de façon fiable les futurs et les jeunes parents, les rassurer, leur expliquer le fonctionnement des accessoires qui peuvent accompagner la reprise du travail de la mère qui souhaite poursuivre l’allaitement. L’ensemble de mon équipe est formé pour avoir un discours homogène. Ce travail doit se faire en réseau avec les autres partenaires », explique-t-il.
Informer de façon fiable, accompagner en étant formé, renforcer les liens entre hôpital et ville… De nombreux défis à relever pour que chaque mère souhaitant allaiter puisse le faire en toute sérénité.
Vous pouvez retrouver le replay de l’ensemble des sessions de ce Rendez-vous Avec l’allaitement.
Un réseau de 36 lactariums en France pour fournir du lait maternel
Les lactariums gèrent le recrutement des donneuses, la collecte, la pasteurisation et le stockage du lait maternel. Considéré comme un produit de santé et encadré par l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), ce lait est donc délivré uniquement sur prescription médicale. Il va être testé au niveau bactériologique avant d’être distribué aux enfants prématurés qui en ont besoin. Les lactariums ont également dans leurs missions la promotion de l’allaitement et le soutien des mères d’enfants prématurés. Il existe en France 36 lactariums répartis sur le territoire, qui collectent au total environ 80 000 litres de lait maternel par an. Comme dans la plupart des lactariums au niveau mondial, environ 15% sont rejetés, en majeure partie en raison de la présence de bactéries, liée à une contamination avec la flore cutanée, au moment du recueil du lait », explique le Pr Jean-Charles Picaud, chef du service de néonatologie et de réanimation néonatale, hôpital de la Croix Rousse – HCL, président de l’Association des lactariums de France.
Le lactarium de Marmande a mis au point une technique de lyophilisation du lait maternel de façon à pouvoir envoyer du lait aux territoires d’outre-mer si besoin ou gérer une subite baisse de collecte.