Le Ministre des Solidarités et de la Santé a échangé le mercredi 10 mars avec près de 22 000 pharmaciens toutes spécialités confondues au cours d’une visioconférence animée par l’Ordre des Pharmaciens.
Durant cette conférence, il s’est exprimé sur l’utilisation possible des autotests tout en restant méfiant sur leur performance, leurs modalités d’utilisation dans la stratégie tester-alerter-protéger, leur interprétation et la remontée des données épidémiologiques. Le ministre a également souligné à plusieurs reprises l’implication des biologistes et les a désignés comme «professionnels du dépistage » dont « le rôle n’est plus à démontrer […] puisqu’ils participent pleinement au dispositif tester-alerter-protéger ». Pourquoi prendre le risque aujourd’hui de mettre en péril ce dispositif ?
Un avis favorable – sous conditions – a été émis par la HAS le 16 mars 2021 concernant les autotests.
Cependant, les biologistes médicaux du secteur privé, du public et les internes alertent les français sur la bonne utilisation de ces tests dont la sensibilité ne dépasse pas les 50% chez les patients asymptomatiques. Cela signifie que 50% des patients porteurs de la COVID-19 ne développant pas de symptômes auront un test faussement négatif ; c’est comme tirer à pile ou face. Ce taux de tests faux négatifs se réduit chez les patients symptomatiques mais avoisinerait les 20% pour les tests les plus performants et dans les bonnes conditions d’utilisation.
Notre inquiétude s’est accrue à la suite de l’annonce du Directeur Général de la Santé, reprise par les médias, d’une éventuelle mise à disposition de ces tests dans les supermarchés…
La santé publique n’est pas un produit dont on peut faire commerce !
Nous rappelons que les tests antigéniques ne sont pas aussi fiables qu’un test RT-PCR, sensible à plus de 90%, qui reste le test de référence en offrant une meilleure qualité de dépistage, de traçabilité et de prise en charge.
Nous devons limiter le risque pour les Français d’être faussement rassurés par un résultat négatif alors qu’ils contaminent leur entourage, ou faussement alertés par un résultat positif, sans réel traçage par un professionnel.
Nous rappelons également que tout résultat positif doit être vérifié en laboratoire par un test RT- PCR.
La supervision par le biologiste médical de toutes les étapes du processus de dépistage biologique dans une démarche de qualité est indispensable pour assurer une stratégie tester-alerter-protéger optimale, que ce soit pour les tests RT-PCR ou les tests antigéniques de type TROD ou autotests.
En effet, il ne peut y avoir une biologie à deux vitesses avec une qualité prouvée des examens de biologie médicale par une très lourde accréditation d’un côté et de la biologie sauvage de l’autre, avec des dispositifs moins performants et non contrôlés.
Par ailleurs nous notons qu’il est paradoxal d’imposer une remontée informatique des résultats par l’ensemble des biologistes, pharmaciens, médecins et établissements de santé afin de mieux contrôler l’épidémie, et dans le même temps de laisser des tests en vente-libre sans encadrement par un professionnel de santé.
De telles mesures pourraient mettre à mal toute la stratégie tester-alerter-protéger.
Nous appelons solennellement le gouvernement à ne pas sacrifier la qualité du dépistage que les biologistes médicaux et les différents acteurs se sont efforcés à mettre en place depuis maintenant plus d’un an.
Nous demandons une clarification par le ministère sur l’utilisation de ces dispositifs et rappelons un principe simple :
La Santé n’est pas une marchandise.
Signataires :
Dr. Lionel BARRAND – Président des Biologistes Médicaux
Dr Tristan CELSE – Président de la FNSIP-BM
Dr. Claude COHEN – Président du SNMB
Pr. Jean-Paul FEUGEAS – Président du SNMB-CHU
Pr. Jean-Gérard GOBERT – Président de la FNSPBHU
Dr. Carole POUPON – Présidente du SNBH