Le signalement d’évènements indésirables de type thrombo-embolique a conduit la France, comme plusieurs autres pays de la communauté européenne, à suspendre l’utilisation du vaccin COVID-19 AstraZeneca® le 15 mars 2021, dans l’attente d’un avis du comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance del’Agence européenne des médicaments (EMA) [1]. Cet avis a été rendu le 18 mars ; il confirme que les bénéfices du vaccin COVID-19 AstraZeneca® surpassent les éventuels risques qui lui sont associés, affirmant que « c’est un vaccin sûr, efficace, non associé à un risque accru de formation de thrombose ». Il ajoute toutefois que des incertitudes concernant les très rares cas de thrombose veineuse cérébrale avec thrombopénie observés chez les patients plus jeunes nécessitent une attention particulière.
Le 19 mars, considérant 18 cas de thrombose veineuse cérébrale et 7 cas de coagulation intravasculaire disséminée déclarés pour un total de 20 millions de personnes vaccinées en Europe par le vaccin COVID-19 AstraZeneca® et estimant qu’un lien entre ces 25 événements (ayant entraîné 9 décès) et la vaccination ne pouvait être formellement exclu, la Haute Autorité de Santé (HAS) a recommandé de n’utiliser ce vaccin que pour les personnes âgées de 55 ans ou plus [2].
Cet avis, rapidement relayé par la Direction générale de la santé, va à l’encontre de la recommandation émise le 2 février par la même HAS, qui enjoignait d’utiliser préférentiellement le vaccin COVID-19 AstraZeneca® chez les personnes de moins de 65 ans [3]. Initialement motivée par le manque de données après 65 ans dans l’étude clinique pivot de phase 3, cette réserve avait pu être levée par la vaste étude écossaise montrant l’efficacité du vaccin COVID-19 AstraZeneca® chez les personnes âgées [4].
Une telle volte-face, uniquement justifiable par le principe de précaution, comporte deux inconvénients majeurs :
- elle perturbe gravement la progression de la campagne nationale de vaccination, cette décision conduisant les centres de vaccination et les médecins généralistes à annuler des convocations, à modifier les plans de rendez-vous et à jeter des doses de vaccin inutilisées, accroissant le regrettable taux de gaspillage ;
- elle induit le doute sur les homologations délivrées par l’EMA et suscite ainsi une défiance du public envers les différents vaccins contre la Covid-19 mis sur le marché.
La recrudescence épidémique actuelle de la Covid-19 observée dans plusieurs départements
Français impose d’atteindre le plus rapidement possible une couverture vaccinale efficace dans l’ensemble de la population. Consciente de la nécessité d’adapter la campagne de vaccination au rythme parfois imprévisible de livraison des doses de vaccins tout en maintenant une pharmacovigilance renforcée, l’Académie nationale de médecine recommande :
– de ne pas suspendre l’utilisation d’un vaccin bénéficiant de l’AMM sur la base de signalement d’évènements indésirables très rares dont l’incidence chez les vaccinés n’est pas significativement supérieure à l’incidence attendue en population générale ;
– de ne pas outrepasser les avis de l’EMA au nom d’un principe de précaution qui devrait d’abord s’appliquer au risque bien réel que constitue la Covid-19 ;
– de tout mettre en œuvre pour réduire le taux de gaspillage des doses de vaccin ;
– de renforcer les moyens du dispositif national de suivi de pharmacovigilance des vaccins pour assurer l’évaluation clinique approfondie de chaque évènement indésirable déclaré, avec une attention particulière pour les accidents thrombotiques ;
– de partager avec le grand public les données actualisées sur l’efficacité et l’innocuité des vaccins anti-Covid-19 utilisés en France par une communication soutenue, claire, transparente et non anxiogène.