La Cour des Comptes vient de rendre un rapport sur l’organisation des soins critiques pendant la crise COVID, pointant du doigt l’état de déliquescence de la réanimation en France, et notamment de ses ressources humaines médicales et paramédicales; concernant l’anesthésie-réanimation, elle rappelle que 60 % des postes de praticiens hospitaliers n’ont pas été pourvus ces 4 dernières années, et que le taux de vacance statutaire dans cette spécialité s’élève à 42 %! La plasticité des réanimations éphémères, seule solution raisonnable pour pouvoir absorber un afflux de patients pendant une période limitée de quelques jours à quelques mois, et rendue possible par la compétence en réanimation de tous les anesthésistes-réanimateurs, se heurte au problème de la pénurie de médecins, entretenue par l’inaction des différents gouvernements qui se sont succédé depuis plus de 20 ans. Les déprogrammations opératoires, majeures actuellement, et le recours massif à l’intérim ne datent pas de la crise sanitaire « COVID ».
A son tour, la Cour Régionale des Comptes de Bretagne (rapport sur le CHU de Brest) pointe la pénurie d’anesthésistes-réanimateurs et de médecins d’autres spécialités « à risques » et qui comportent un important travail en période nocturne, imposant le recours à l’intérim, dans un cruel dilemme: «Il existe une contradiction : soit l’établissement respecte strictement le décret [plafonnant les rémunérations de l’intérim], au risque de mettre en péril la continuité des soins, soit il accepte des rémunérations non réglementaires, et rend le directeur responsable sur ses propres deniers. Se pose ainsi un conflit de normes : le respect du projet régional de santé (précisant les modalités de la permanence et de la continuité des soins), ou le respect du décret du 24 novembre 2017 (plafonnant les rémunérations des intérimaires). »
L’ordonnance sur l’attractivité hospitalière parue le 24 mars avait pourtant été retoquée par notre intersyndicale Action Praticiens Hôpital, majoritaire pour la représentation des praticiens hospitaliers – et celle sur la gouvernance, qui est un des facteurs d’attractivité, par l’ensemble des représentations des praticiens. La sanction de l’intérim, fausse bonne idée pourtant reprise par notre actuel Ministre, ne peut être la réponse à la pénurie !
Les travaux du Ségur n’ont apporté aucune réponse à l’attractivité hospitalière pour les praticiens hospitaliers : le sujet de la permanence des soins, du temps de travail et de son décompte (le décompte horaire est obligatoire, et jamais réalisé hors services « en temps continu »), de la pénibilité du travail de nuit ont été tout simplement évacués des concertations au Ségur.
Pourtant, tous ces médecins remplissent la mission de l’hôpital public « ouvert à toute heure, toute l’année, pour tous ». Au-delà de l’anesthésie-réanimation, toutes ces spécialités médico-chirurgicales observent une fuite des praticiens vers des structures où les conditions de travail sont meilleures.
Il est temps de s’occuper sérieusement des conditions de travail des spécialités à permanence des soins, sans attendre que la déliquescence de l’hôpital public aggrave la mise en péril de la santé de nos concitoyens, déjà éprouvée par les déprogrammations pour cause de COVID.
Nous demandons au Ministre des Solidarités et de la Santé l’ouverture du chantier de la permanence des soins, tenant compte des propositions des représentations syndicales (juste décompte du temps travaillé, « 24 heures = 5 demi-journées », durée du travail, valorisation financière de la garde, reconnaissance de la pénibilité pour la retraite).
Nous rappelons enfin au Ministre des Solidarités et de la Santé que la juste reconnaissance de ces médecins qui font tenir jour et nuit l’hôpital public passe par l’octroi des 4 ans d’ancienneté de manière superposable à l’ensemble du corps des praticiens hospitaliers, comme cela a été accordé lors du Ségur aux PH nommés à partir du 1er octobre 2020.
Contact :
Dr Anne Wernet, présidente du SNPHARE : anne.wernet@snphare.fr
Dr Franck Verdonk, président du SNJAR
Dr Denis Cazaban, président du SMARNU
Dr Patrick Pelloux, président de l’AMUF
Dr Pascale Le Pors, vice-présidente du SYNGOF, pôle praticiens hospitaliers