Emmanuel Macron a déclaré le 19 avril qu’il faut agir dans la lutte contre les drogues « à tous les niveaux : le grand trafic, le petit deal, la consommation », en centrant son discours sur la sécurité et la répression. Il s’est aussi positionné contre la dépénalisation du cannabis à usage récréatif.
Depuis des années, la France fonce droit dans le mur.
Alors que la plupart des pays européens, données scientifiques à l’appui, abandonnent les politiques répressives inefficaces et néfastes, la France fait preuve d’un entêtement stupéfiant. Récemment, AIDES, la Fédération Addiction, Médecins du monde et bien d’autres ont rappelé que les mesures répressives s’empilant depuis des années n’ont pas « le moindre effet sur le niveau de consommation en France, ni sur l’ampleur de la circulation des produits » .
La répression en France est non seulement archaïque et moralisatrice, mais également raciste. En effet, la prohibition des drogues permet de stigmatiser des populations issues de l’immigration. Ciblant les personnes racisées, ces contrôles aboutissent à leur surreprésentation dans les prisons, pour des faits mineurs de consommation et/ou de possession de drogue: « Les hommes noirs et arabes représentent les deux tiers de l’ensemble des détenus et même plus des trois quarts des moins de 30 ans ».
C’est d’autant plus frappant que les principaux consommateurs de drogue sont des personnes de classe supérieure, vivant par exemple dans les beaux quartiers parisiens, ayant peu de risque d’être interpellés.
Dans une optique de santé publique, il nous semble urgent de repenser l’ensemble des politiques des drogues. Cela nécessite de rediriger les fonds utilisés pour la répression vers le financement d’alternatives.
• Les stratégies de réduction des risques doivent être favorisées : les approches communautaires portées par les usager.es de drogues eux-mêmes sont les plus pertinentes, en évitant une surmédicalisation systématique de l’accompagnement.
• Les CARUD (Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues), unités mobiles et salles de consommation à moindre risque doivent être mieux réparties sur le territoire et en mesure d’accueillir des internes et externes volontaires en stage.
• Les programmes d’échanges de seringues doivent être généralisés, et opérants partout où des usager.es peuvent en avoir besoin, y compris dans les lieux de lieux de détention.
• Les usager.es de drogue qui le désirent doivent avoir accès à un accompagnement au sevrage ou à la substitution, en ambulatoire ou hospitalier par des équipes pluridisciplinaires en CSAPA (Les Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie), en soulignant que l’abstinence ne doit plus être une finalité absolue pour tout accompagnement.
• Les soignant.es intervenants en santé primaire doivent être davantage formé.es à l’accompagnement addictologique, pour permettre l’accès à ces soins pour toutes et tous sans stigmatisation.
Il faut prendre garde aux approches psychiatriques se développant actuellement, fondées sur un dogme bio-cognitiviste qui tendent à effacer les dimensions sociales des addictions en privilégiant les traitements pharmacologiques sur les prises en charge globales.
En outre, nous appelons à l’organisation d’une réflexion nationale et démocratique sur la notion de drogue, sur les critères définissant leur illégalité, et leur potentiel usage thérapeutique.
La légalisation n’est pas un tabou, dans la mesure où elle s’accompagne de mesures de prévention pour les plus jeunes et des mesures listée plus haut. Elle a déjà démontré son efficacité dans de nombreux pays.
Dans un contexte de renforcement du pouvoir policier et de surenchère autoritariste d’un gouvernement en chute de popularité à l’approche du nouveau scrutin présidentiel, il ne fait aucun doute que ces annonces constituent des appels du pied à un électorat à droite de l’échiquier politique. Quand les enjeux électoralistes prennent le pas sur les données scientifiques et la santé publique, ce sont des années de lutte pour une politique de réduction de risques qui partent en fumée.
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Dépénaliser ? Il aurait fallu le dire à Mme Halimi !