Après de longs mois d’attente, la stratégie nationale de santé annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale en juillet 2012 semble se dessiner. On comprend qu’elle sera centrée sur une approche rénovée du parcours de soins des patients aujourd’hui exposés à l’absence de coordination entre les acteurs d’un système de santé éclaté, pensé pour les cas aigus, alors que nous vivons au temps des maladies chroniques. Nous savons tous que ces prises en charge rénovées ne seront possibles que si la fongibilité des enveloppes de financement est au rendez-vous. Cela semble enfin à l’ordre du jour.
Pour autant, si rien n’est fait pour renforcer la participation des citoyens aux décisions de santé qui les concernent, nous aurons une réforme tout aussi technique que les précédentes. Il ne s’agit donc pas de promettre un parcours de soins mieux adapté aux attentes des patients et de leurs proches s’il reste toujours aussi illisible dans ses modalités ou dans sa tarification. Il ne s’agit donc pas non plus de continuer à tenir à l’écart des décisions les associations dont se sont dotés les usagers.
Information de l’usager et parcours de soins
Nous ne pouvons nous satisfaire de la faiblesse actuelle de l’information de l’usager. Chaque jour qui passe amène son lot d’exemples où nos concitoyens n’ont pas choisi leur traitement, et plus généralement leurs soins, en toute connaissance de cause. Et cela fait maintenant une bonne décennie que l’on nous promet un portail d’information grand public censé répondre à cette attente. Rien n’est plus urgent. A condition qu’il ne s’agisse pas d’un porte-voix entaché du soupçon. Or, après tant de scandales sanitaires, l’information publique en santé ne peut être que le fait d’une autorité indépendante. La réorganisation annoncée des différentes agences de santé, toutes émettrices publiques d’information, devrait être l’occasion d’un changement d’échelle dans l’information des usagers. Il en va de la citoyenneté comme du parcours de soins, qui commence d’ailleurs par de l’information.
L’open data en santé, au bénéfice de tous
Les organisations non gouvernementales n’ont pas d’accès effectif aux données de santé anonymisées. Alors que l’Open Data progresse dans l’environnement, les transports et dans les collectivités locales, nous restons à la traîne dans le domaine de la santé alors que les enjeux sont colossaux : sécurité des soins, qualité des soins, prix de référence. Il nous arrive de voir nos propositions écartées, quand ce n’est pas moquées, au motif qu’elles ne s’appuient que sur des témoignages, même s’ils sont nombreux. Les pouvoirs publics doivent nous assurer les moyens d’une utilisation de ces données, pour mettre fin à cet entre-soi institutionnel de l’accès aux données publiques qui joue contre les citoyens et, plus globalement, contre l’organisation éclairée de notre système de santé.
Mobilisation citoyenne et démocratie sanitaire
Si l’information et l’accès aux connaissances sont décisifs, le soutien à la mobilisation citoyenne est tout aussi essentiel. Or, depuis l’avènement de la loi du 4 mars 2002, nous assistons à un lent délitement des ambitions portées à l’époque. Si le modèle de la représentation des usagers est perfectible, il ne mérite pas d’être étouffé comme cela semble en mauvaise voie. Il s’agit d’un service public : celui de l’expression des attentes collectives en santé. À service public, financement public, d’autant qu’aucune association d’usagers ne dispose des ressources pour répondre à cet objectif. Il s’agit aussi d’une exigence démocratique au moment où tout montre, scandale sanitaire après scandale sanitaire, que le renforcement de la place des usagers dans les instances de santé est la seule voie pour changer d’ère. A charge pour le parlement de dessiner les contours de ce service public, tant dans son organisation que dans les formes qu’il convient de lui déléguer : représentation, participation, interpellation…
Place et rôle des associations dans l’accompagnement
Enfin, les associations de patients, notamment, attendent toujours la reconnaissance de leur rôle dans l’accompagnement des patients et des proches. D’autant par exemple que le modèle français de l’éducation thérapeutique, contre toute attente, n’a pas décollé ; ou que les aidants ne bénéficient toujours pas du légitime soutien de leur intervention pourtant essentielle. C’est donc une autre voie qu’il convient d’emprunter. Des organisations locales, avec les associations de patients, voire conduites par elles, sont à concevoir pour accompagner les patients dans les parcours de santé et de soins qui sont au centre de la réforme promise.
La stratégie nationale de santé doit aussi être l’occasion d’un changement de méthode dans l’implication des usagers dans les décisions, individuelles ou collectives, qui les concernent : ouvrir ce chantier sans les associer à tous les niveaux serait mal commencer !
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