Après des semaines de discussion avec les Etats membres à propos des aliments contaminés à l’oxyde d’éthylène, la Commission européenne vient enfin de remettre de l’ordre dans ses rangs et reconnaît ainsi que l’alerte de foodwatch appelait une réponse politique musclée.
La France a appliqué le principe de précaution à la lettre et déjà rappelé près de 7.000 lots depuis l’automne – du sésame aux glaces en passant par le poivre, gingembre, échalotes, café, pain, biscuits, plats préparés, etc. Mais voyant que certains pays de l’Union européenne ne rappelaient pas les produits contaminés (glaces notamment), foodwatch a alerté la Commission.
Aujourd’hui, l’organisation de défense des consommateurs se réjouit que la réglementation qui garantit la sécurité sanitaire des Européens depuis 2002 soit réellement appliquée. Même si cela aurait dû couler de source.
Des aliments non-conformes contenant des ingrédients traités illégalement à l’oxyde d’éthylène – un désinfectant cancérogène, mutagène et reprotoxique interdit en Europe – circulent en Europe depuis plusieurs mois voire des années. Face au chaos à l’échelle européenne sur l’évaluation du risque pour une substance toxique pourtant interdite, foodwatch a alerté par courrier la Commission sur le non-respect de la réglementation par plusieurs pays européens. Après foodwatch France, les bureaux de Berlin et Amsterdam de l’association ont également fait pression sur leurs gouvernements respectifs pour exiger qu’ils protègent les consommateurs.
Les dissensions au sein de l’Europe ont donné lieu à de longs débats – fallait-il vraiment respecter la réglementation à la lettre comme la France l’a fait ? Vendredi 16 juillet, le couperet de la Commission est tombé : tous les Etats membres vont bel et bien devoir garantir la sécurité sanitaire des Européens et rappeler massivement les produits concernés par cette contamination à l’oxyde d’éthylène, y compris ceux contenant de gomme de caroube (additif E410).
Le communiqué de la Commission européenne est on ne peut plus clair :
Les États membres ont conclu que, conformément aux dispositions légales énoncées dans la GFL (general food law) :
- pour les produits contenant l’additif E410 connu pour être contaminé par de l’oxyde d’éthylène, aucun niveau d’exposition sûr ne peut être défini pour les consommateurs ;
- aucun niveau d’exposition sans danger pour les consommateurs ne peut être défini et donc tout niveau auquel les consommateurs peuvent être exposés représente un risque potentiel pour les consommateurs ;
- en conséquence, il est nécessaire, pour assurer un niveau élevé de protection de la santé, que les exploitants du secteur alimentaire ou du secteur de l’alimentation animale qui ont mis ces produits sur le marché de l’UE retirent, sous le contrôle des autorités nationales compétentes, ces produits du marché de l’UE et les rappellent auprès des consommateurs.
Le 28 juin dernier, alors que les autorités françaises avaient déjà commencé à communiquer aux opérateurs (fabricants, distributeurs) la possibilité d’un relâchement dans les rappels de produits contaminés à l’oxyde d’éthylène, foodwatch avait tiré la sonnette d’alarme en écrivant également à Bercy. D’après plusieurs documents que foodwatch avait pu consulter, la Commission et les Etats membres envisageaient sérieusement un assouplissement des rappels en laissant s’écouler sur le marché européen des produits traités illégalement à l’oxyde d’éthylène, mais pour lesquels les opérateurs n’avaient pas pu mesurer cette contamination lorsqu’elle est en-dessous du seuil détectable (0,02mg/kg, pour les produits fabriqués avant le 14 juin 2021).
Pour foodwatch, ce prétexte était inacceptable. Les aliments dont la traçabilité montre qu’ils ont été traités par cette substance illégale violent clairement les articles 11 et 14 sur la sécurité des denrées alimentaires du règlement européen 178/2002. Le syndicat Solidaires CCRF & SCL, majoritaire au sein de la Répression des fraudes, avait dénoncé dans un communiqué : « Hasard ou coïncidence, cela fait bien les affaires de l’industrie agro-alimentaire et de certains lobbies ».
Certains pays européens ou fabricants n’hésitaient pas à minimiser les risques pour la santé alors qu’on parle bien d’une substance cancérogène, mutagène et reprotoxique qui, selon l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), présente des risques pour la santé sans seuil de dose : « Même de très faibles niveaux d’exposition sont associés à un excès de risque de cancer ».
La réglementation européenne est protectrice mais souvent mal mise en œuvre au sein des Etats membres qui s’arrogent le droit de l’interpréter à leur guise. « Cet épisode démontre une fois de plus que la pression d’organisations indépendantes comme foodwatch, contre-pouvoir citoyen, est malheureusement nécessaire et contribue à garantir la sécurité sanitaire des Européens », conclut Karine Jacquemart, Directrice générale de foodwatch France.
Contact: media@foodwatch.fr,