Monsieur le président du Sénat, Monsieur le président de l’Assemblée nationale,
Le 12 octobre dernier, le Sénat adoptait en seconde lecture la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, dont une des dispositions vise à la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes en situation de handicap (AAH). Il est indispensable que le processus parlementaire aille à son termeet que les députés, les sénatrices et les sénateurs s’accordent définitivement sur le texte. C’est pourquoi nous nous adressons aujourd’hui conjointement à vous pour solliciter la convocation d’une commission mixte paritaire.
Comme vous le savez, la déconjugalisation de l’AAH a été adoptée en première lecture par les deux chambres du Parlement après qu’une large mobilisation des personnes concernées et des associations a conduit à ce qu’une pétition de la plateforme du Sénat atteigne pour la première fois les 100 000 signatures nécessaires pour imposer la mise à l’ordre du jour du sujet.
Les sénatrices et sénateurs ont entendu le consensus de la société civile sur la question de l’autonomie financière des personnes éligibles à l’AAH. Leur volonté, que nous partageons, d’éviter que des foyers soient perdants, les a toutefois amenés à amender le texte pour que les personnes concernées puissent choisir le mode de calcul le plus favorable à leur foyer durant une période transitoire de dix ans.
En seconde lecture, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a cependant vidé la proposition de loi de sa substance, remplaçant la mesure de déconjugalisation par un abattement fixe sur les revenus du conjoint.
Or, l’abattement forfaitaire ne permet pas de répondre à l’enjeu d’indépendance financière des personnes éligibles à l’AAH. A titre d’exemple, une personne sans enfant, en couple et ne travaillant pas, dont les revenus du conjoint s’élèvent à 2 270 Euros, verra le montant de son AAH passer de 0 Euro à 7,5 Euros. Pourtant, le gouvernement est passé en force en imposant un vote bloqué sur le texte, empêchant ainsi les députés de débattre de la nécessité d’y réintégrer le principe de déconjugalisation de l’AAH.
Le 12 octobre dernier, les sénatrices et sénateurs ont donc rétabli en deuxième lecture la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le mode de calcul de l’AAH, à 320 voix contre 23, sans que les deux chambres parlementaires ne se soient accordées.
La question de la désolidarisation des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH rencontre aujourd’hui un large consensus qui dépasse les clivages politiques traditionnels et s’inscrit aussi dans un soutien large de la société civile, des personnes concernées et de leurs proches. Et pour cause, il s’agit d’une avancée sociale d’ampleur, dont dépend le respect des droits, de la santé, et de la dignité des personnes concernées.
Cette revendication est par ailleurs largement partagée par des institutions indépendantes telles que la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, le Défenseur des Droits ou encore le Comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unies. Parmi ses recommandations publiées le 14 septembre dernier à la suite de l’examen du rapport initial de la France sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, on retrouve le principe de désolidarisation des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH : « réformer la réglementation de l’allocation adulte handicapée afin de séparer les revenus des personnes handicapées de ceux de leurs conjoints, et prendre des mesures pour assurer et promouvoir l’autonomie et l’indépendance des femmes handicapées vivant en couple ».
Monsieur le président du Sénat, Monsieur le président de l’Assemblée nationale, vous avez aujourd’hui l’opportunité de convoquer une commission mixte paritaire afin que la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale introduisant le principe de déconjugalisation de l’AAH soit débattue conjointement par les sénatrices, les sénateurs et les députés dans le respect de notre Etat de droit et des principes issus de la démocratie représentative. Par la présente lettre, nous tenions à vous signifier solenellement l’importance de vous saisir de cette opportunité. Il en va des droits fondamentaux des personnes éligibles à l’AAH.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le président du Sénat, Monsieur le président de l’Assemblée nationale, l’expression de notre plus haute considération.
Associations signataires : Aides, APF France Handicap, ASEI, CFPSAA, Collectif Handicaps, FFDys, Fisaf, FNATH, France Assos Santé, Ligue des droits de l’Homme, Santé Mentale France, Sidaction, Solidarité Sida, Unafam, Unanimes, Unapei, Uniopss, Voir Ensemble.
Contacts presse :
- Aides : Margot Cherrid / mcherrid@aides.org
- APF France Handicap : Sophie Lasbleis / sophie.lasbleis@apf.asso.fr
- ASEI : Aude Morvan / aude.morvan@asei.asso.fr
- CFPSAA : Edouard Ferrero
- Collectif Handicaps : Stéphane Lenoir
- FISAF : Florence Delorière / f.deloriere@fisaf.asso.fr
- FNATH : Sophie Crabette / sophie.crabette@fnath.com
- France Assos Santé : Sophie Bancet / communication@france-assos-sante.org
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