Exposée à la 5e vague épidémique de Covid-19 qui se propage d’est en ouest sur le continent européen, la population française sera-t-elle suffisamment protégée pour échapper à une nouvelle saturation des moyens hospitaliers et des lits de réanimation ?
Bien que le taux de couverture vaccinale de 75% soit parmi les plus élevés au monde, il reste près de 7 millions de personnes âgées de plus de 12 ans non vaccinées, laissant au SARS-CoV-2 la possibilité de se propager une nouvelle fois dans l’ensemble du territoire et de générer des milliers de contaminations. Il faut donc s’attendre à une recrudescence des formes sévères et des décès qui frapperont surtout les personnes vulnérables par leur âge ou leurs comorbidités, principalement celles qui n’ont pas encore été vaccinées.
Chez les personnes à risque déjà vaccinées, l’administration d’une dose de rappel six mois après la deuxième injection de vaccin va prolonger la protection contre les formes graves, mais elle aura peu d’impact sur la circulation du virus. En effet, si la prévention des formes graves persiste durablement, la protection contre la contamination diminue en moins de 6 mois1. Mais c’est actuellement dans la tranche d’âge 20-50 ans que les taux d’incidence les plus élevés sont observés.
Deux approches complémentaires pourraient augmenter le taux de couverture vaccinale de la population au-dessus de 90%, considéré comme nécessaire pour contrôler la circulation du variant Delta : (1) l’instauration d’un passe vaccinal rendant obligatoire la vaccination des personnes âgées de 12 ans et plus, recommandée depuis le mois de mai 2021 par l’Académie nationale de médecine2, (2) l’extension de la vaccination aux enfants âgés de 5 à 11 ans, mesure déjà approuvée aux États-Unis et en Israël.
En France, on ne peut calquer les bénéfices/risques d’une vaccination des enfants contre la Covid-19 sur ceux pris en compte dans les pays étrangers, aussi bien au plan individuel qu’au plan collectif. Il faut distinguer :
Les arguments en faveur la vaccination des enfants :
– l’immunogénicité et le profil de tolérance d’un schéma vaccinal comportant 2 doses de 10 μg de vaccin BNT162b2 (BioNtech/Pfizer) à 21 jours d’intervalle ont été considérés comme très satisfaisants chez les enfants âgés de 5 à 11 ans dans l’essai NCT04816643, avec un taux d’efficacité vaccinale de 90,7%3 ;
– le bénéfice individuel direct lié à la prévention des cas graves, des hospitalisations et des formes prolongées de Covid-19 dont la fréquence, plus faible chez les enfants, n’est cependant pas négligeable ;
– la réduction potentielle de circulation du virus dans l’entourage familial des enfants et la protection indirecte des personnes à risque qui en font partie ;
– la réduction potentielle de circulation du virus dans les établissements d’enseignement primaire, évitant les fermetures de classes, les retards d’apprentissage et les coûts sociaux et économiques pour les familles ;
– le possible tarissement du réservoir de SARS-CoV-2 dans la population enfantine, d’où pourraient éclore de nouveaux foyers épidémiques et émerger de nouveaux variants.
Les arguments en défaveur de la vaccination des enfants :
- le nombre d’enfants recrutés dans les essais cliniques de phases 2/3 (1517 vaccinés vs 751 avec placebo), encore très insuffisant pour détecter d’éventuels évènements indésirables sévères et rares3 ;
- la rareté des formes graves de Covid-19 chez l’enfant, sauf chez ceux qui sont porteurs de comorbidités (la principale étant l’obésité, significativement plus prévalente aux États-Unis qu’en France dans la population enfantine) ;
- le principe éthique selon lequel la vaccination des enfants, qui ont peu de risques de développer des formes sévères de la maladie, ne doit pas servir, pour atteindre l’immunité collective, à compenser le refus de vaccination de certains adultes ;
- l’avantage spéculatif d’une stratégie laissant se développer une immunité naturelle dans la population en laissant le virus circuler dans les groupes les moins à risque de formes graves de Covid-19.
- d’élargir l’immunisation contre la Covid-19 par le vaccin BNT162b2 aux enfants à risque de formes graves en raison de comorbidités, quel que soit leur âge, ainsi qu’aux autres enfants vivant dans leur environnement familial et scolaire ;
- de vacciner les enfants vivant dans l’entourage d’adultes vulnérables, en particulier les immunodéprimés et les personnes atteintes de maladies chroniques ;
- de renforcer la prévention de la transmission en milieu scolaire par le maintien des mesures barrière, l’aération régulière des locaux et l’utilisation périodique des tests de dépistage.
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