« Un médecin ne prescrit pas un dépistage du cancer de la prostate, son patient l’attaque ».
Dans un entretien accordé au « Quotidien », le Dr Leicher évoque la position de l’Association Française d’Urologie (AFU) qui demeure, selon lui, en faveur du dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage PSA.
Le Dr Leicher rappelle que l’INCa, la HAS et le Collège de médecine générale sont clairement opposés à un tel dépistage.
Rappelons que la HAS a conclu dans son communiqué du 4 avril à l’absence d’intérêt démontré actuel, à l’échelle populationnelle, de la mise en œuvre d’un dépistage systématique organisé dans une population d’hommes considérés comme à haut risque. Elle l’avait déjà énoncé pour la population générale, du fait notamment, dans la balance bénéfice/risque, du risque de sur-diagnostic et de sur-traitement [Haute Autorité de Santé. Dépistage du cancer de la prostate chez les populations d’hommes présentant des facteurs de risque. Questions/Réponses 4 avril 2012; http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1238094/depistage-du-cancer-de-la-prostate-par-dosage-du-psa-interet-non-demontre-chez-les-hommes-presentant-des-facteurs-de-risque].
Rappelons que la position de l’Association Française d’Urologie (AFU) n’est pas contradictoire. Elle ne recommande pas le dépistage systématique organisé du cancer de la prostate par dosage du PSA. Elle dit, dans ses recommandations 2010 : « Une détection précoce du cancer de la prostate peut être proposée à titre individuel après information objective, pour ne pas méconnaître et laisser évoluer un éventuel cancer agressif de la prostate » [Salomon L., et al., Recommandations en onco-urologie 2011-0, Cancer de la prostate. Prog Urol, 2010, 20 Suppl, 4, S224].
Elle souligne donc que l’absence d’intérêt démontré d’un dépistage systématique à une échelle populationnelle – tant en population générale que chez les sujets avec facteurs de risque (FR) – ne dispense pas d’une démarche individuelle de diagnostic précoce, seule à même de diagnostiquer à temps les formes agressives qui nécessitent un traitement actif avec un impact sur la vie des patients [Association Française d’Urologie. Cancer de la prostate et dépistage. 15 mars 2012 12/04/2012];http://www.urofrance.org/fileadmin/medias/afu/communiques/2012-03-15_cancer-prostate.pdf].
Rappelons que le cancer de la prostate est la 3ème cause de mortalité par cancer chez l’homme avec 8 700 décès en France (projection pour l’année 2011), que la mortalité est en baisse constante depuis 1990 : elle est passée de 17, 8/100 000 en 1990 (taux standardisé monde) à 10, 8/100 000 en 2011, soit une baisse de 26 % sur toute la période. Compte tenu de l’évolution démographique de la population masculine – donc de l’augmentation de la population exposée au risque – la réduction de la mortalité spécifique en France a été d’au moins 4 % par an les 15 dernières années.
Plusieurs hypothèses peuvent rendre compte de cette baisse de la mortalité alors même que le taux d’incidence a augmenté fortement :
Le développement du dépistage individuel par le PSA qui a permis le diagnostic, à un stade plus précoce donc localisé, des cancers à haut risque, beaucoup plus curables que les stades avancés. Une modélisation a suggéré que plus de 50 % de cette réduction de mortalité est liée au dépistage (réf Cancer Cases Control 2008;19:175-181). L’évolution concomitante de l’accès à des prises en charge standardisées et à des progrès thérapeutiques y a aussi largement contribué.
L’augmentation de la survie des patients au stade métastatique, grâce aux traitements anti-tumoraux et aux soins de support. En effet, à ce stade, le traitement, même palliatif, entraîne une augmentation de la survie qui, fut-elle modeste, peut accroître la probabilité d’un décès lié à une autre cause que le cancer (compétitive). Cela peut donc diminuer la mortalité spécifique observée (liée spécifiquement au cancer de la prostate).
Cette dernière hypothèse est cependant peu convaincante dans la mesure où 64 % des décès ont lieu chez les hommes avant 85 ans. Or, il a été observé que depuis 2009, le cancer toutes localisations confondues, était devenu la première cause de mortalité avant cet âge, prenant la place des maladies cardio-vasculaires.(Réf. Projection de l’incidence et de la mortalité par cancer en France en 2011. Rapport technique. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire; 2011. 78 p.).
Rappelons que cette démarche individuelle de diagnostic précoce repose sur :
- une information suffisante pour parvenir à une décision éclairée ;
- la recherche, par l’interrogatoire, de l’existence de facteurs de risques ;
- l’examen clinique de la prostate par un toucher rectal ;
- l’utilisation pertinente du dosage du PSA, à proposer de façon plus précoce en présence de facteurs de risque, à ne plus proposer quand l’espérance de vie est estimée inférieure à 10 ans en raison de l’âge avancé ou des comorbidités ;
- la réalisation de biopsies prostatiques lorsqu’elles sont indiquées, en tenant compte des données du toucher rectal et de la valeur du PSA (interprétée selon l’âge, la cinétique, le volume prostatique, les maladies intercurrentes).
Rappelons que la politique actuelle de l’AFU vise un double objectif :
- d’une part, ne pas sous-traiter les hommes porteurs d’un cancer de la prostate agressif, ce qui implique de les diagnostiquer précocement pour proposer un traitement offrant les meilleures chances de guérison ;
- d’autre part, éviter le diagnostic inutile des cancers de la prostate de faible volume et peu agressifs (diminuer le « sur-diagnostic »), et leur traitement abusif (diminuer le « sur-traitement »). Devant un cancer de la prostate de ce type, on propose au patient une « surveillance active », et il doit être informé de cette possibilité avant la réalisation de la biopsie.
L’AFU souligne aussi l’importance de la discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire de chaque cas de cancer de la prostate diagnostiqué.
Le cancer de la prostate et son dépistage est un problème complexe qui ne se résume pas à des positions tranchées « noir ou blanc ». Les prises de paroles régulières de l’AFU visent à intégrer les dernières données des études afin de proposer des positions aussi justes que possible, loin des dogmatismes, dans l’intérêt des patients.
Pour mettre en œuvre cette politique, l’AFU développe la recherche scientifique, évalue les pratiques, met en place des programmes de formation, et participe aux groupes de travail coopératifs avec l’Institut National du Cancer (INCa) et la HAS.
L’AFU n’est pas un syndicat qui cherche à avoir une attitude protectrice catégorielle. Elle est une société savante qui n’a qu’un seul objectif, celui de promouvoir la science urologique au service du patient.
L’AFU et les médecins généralistes doivent travailler ensemble dans cette même voie.
Dr Patrick COLOBY
Président de l’Association Française d’Urologie
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