Deux amendements déposés à l’automne 2021 avaient passé le filtre de l’Assemblée Nationale, faisant naître l’espoir d’un meilleur contrôle de l’ouverture et du fonctionnement des centres de santé dentaire « à but non-lucratif », causant de nombreuses victimes. Alors que ces avancées avaient été adoptées et (trop vite) saluées par les différentes corporations, le Conseil constitutionnel en a décidé autrement en annulant en catimini l’article 70 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS2022). Retour ou presque à la case départ.
Comme détaillé dans notre précédent communiqué, deux amendements (n°AS1100 et n°327) avaient été déposés et adoptés (le 29 novembre 2021) qui auraient pu doter l’Assurance Maladie de nouveaux moyens pour contrôler les centres de santé, en particulier dans le secteur dentaire (à la fois le plus concerné et le plus problématique).
Ces textes, bien qu’imparfaits et lacunaires, avaient le mérite de commencer à adresser le problème du risque posé par certains centres dentaires de type « loi 1901 » et cela au travers d’une stratégie multi-leviers : en proposant de jouer sur le conventionnement des centres, en instaurant des sanctions en cas de mauvaises pratiques, en restaurant l’autorisation préalable à leur ouverture et en améliorant le phénotypage de leurs équipes médicales. Ces nouvelles mesures formaient le cœur des articles 70 et 71 initialement inscrits dans le PLFSS pour 2022.
Alors que ces propositions paraissaient déjà bien timides au regard des récents scandales de masse (Dentexia en 2016 et Proxidentaire en 2021) et des béances tenaces de la « loi Bachelot » (détaillées dans notre pétition), c’est le scénario du pire qui s’est produit : le Conseil Constitutionnel a, par décision du 16 décembre 2021, déclaré contraire à la Constitution l’article 70, c’est-à-dire l’article qui précisement aurait introduit les mesures d’encadrement les plus attendues et les plus pertinentes.
Ainsi, sous prétexte d’un « vice de procédure », le Conseil Constitutionnel a balayé :
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- La nécessité d’obtenir un agrément pour ouvrir un centre de santé dentaire. Depuis l’instauration de la loi Bachelot en 2009, une simple déclaration sur la base d’un projet de santé et d’un règlement intérieur déposés auprès de l’Agence régionale de santé suffisent, autant dire des formalités purement bureaucratiques (voire bureautiques). Or, la restauration de l’autorisation préalable à l’ouverture aurait placé un obstacle tangible sur la route des fondateurs les moins motivés par la médecine dentaire et permis de détecter précocement les centres dentaires les plus à risque de fonctionner comme des sociétés commerciales déguisées. Nous voici donc contraints de repartir de zéro pour ce qui est d’assainir, au profit de la patientèle, l’écosystème des centres de santé dentaire, notamment ceux à bas coûts (également appelés centres « low-cost », de manière plus ou moins justifiée).
- La nécessité de contrôler les qualifications des équipes médicales officiant dans les centres. Pourtant, les règles d’exercice du dentiste salarié en centre de santé associatif se devaient d’être clarifiées de façon urgente, pour protéger les patients en cas de faute médicale et surtout leur épargner des souffrances qui auraient pu être évitées. Nous tenons à rappeler qu’il n’existe aucune métrique permettant d’évaluer la douleur et la détresse psychologique et sociale d’une victime du dentaire. Aux douleurs physiques causées par un praticien incompétent s’ajoute bien souvent un sentiment de désarroi lorsque ce même praticien se retranche derrière la personne morale de l’association « loi 1901 » pour échapper en toute impunité aux procédures assurantielles et (lorsque son identité est connue, ce qui est loin d’être toujours le cas) aux sanctions du Conseil de l’Ordre des Chirurgiens- Dentistes.
- La nécessité de nommer un chirurgien-dentiste référent, qui aurait été responsable de la qualité et de la sécurité des soins. Le rejet de cette mesure par le Conseil constitutionnel symbolise et subsume à elle seule l’annulation des deux précédentes : alors qu’un dentiste salarié aurait du être nommé dans chaque centre pour rendre des comptes auprès de l’ARS en cas de suspicion « d’atteinte à la santé des patients et à la santé publique », il n’en sera finalement rien. Dès lors, les gestionnaires gardent les pleins pouvoirs et ne peuvent que se réjouir de ce status quo. Il n’est pas aberrant de penser que les plus cupides d’entre eux profiteront d’avoir les mains libres pour monter leur petite affaire crapuleuse (subventionnée par l’argent public), qui ne manquera pas de leur rapporter de juteux bénéfices tout en causant moultes dégâts sur plusieurs années, impactant la vie de maintes victimes.
- La nécessité d’obtenir un agrément pour ouvrir un centre de santé dentaire. Depuis l’instauration de la loi Bachelot en 2009, une simple déclaration sur la base d’un projet de santé et d’un règlement intérieur déposés auprès de l’Agence régionale de santé suffisent, autant dire des formalités purement bureaucratiques (voire bureautiques). Or, la restauration de l’autorisation préalable à l’ouverture aurait placé un obstacle tangible sur la route des fondateurs les moins motivés par la médecine dentaire et permis de détecter précocement les centres dentaires les plus à risque de fonctionner comme des sociétés commerciales déguisées. Nous voici donc contraints de repartir de zéro pour ce qui est d’assainir, au profit de la patientèle, l’écosystème des centres de santé dentaire, notamment ceux à bas coûts (également appelés centres « low-cost », de manière plus ou moins justifiée).
Sans changement, le futur n’est plus ni moins que le passé. Les mêmes causes génèrent inlassablement les mêmes conséquences. Ces lapalissades n’en sont pas vraiment. Nous déplorons qu’après deux scandales de masse et des lots de plaintes accumulés sur l’ensemble du territoire, qu’après deux rapports de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (2016-075R et 2016-107R) et un autre de la CPAM (« Charges et produits » du 2 juillet 2020), rien ne change. Nous avions cru que, dans un soubresaut tardif, le Législateur allait enfin prendre la mesure des effets délétères de la Loi Bachelot et tout mettre en œuvre pour corriger le tir.
Quand bien même l’article 70 aurait été entériné, de multiples chantiers seraient restés en friche, comme nous l’avions détaillé dans notre précédent communiqué. Mais cet article 70 a été annulé, laissant l’article 71 seul face à ses carences, à son manque de portée et, il faut bien le reconnaitre, à ses contradictions :
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- Il est bien question de punir financièrement les centres et/ou leurs gestionnaires en cas défaut de conformité constaté. Cette idée de taper là où ça fait mal, c’est-à-dire au porte-monnaie des centres uniquement intéressés par le caractère lucratif de l’activité dentaire, semble à première vue intéressante. Toutefois, on peut s’interroger sur le rationnel (pour ne pas dire le bon sens) d’établir des sanctions financières en cas de dysfonctionnement avéré des centres au moment même où les mesures sensées éviter de tels dysfonctionnement disparaissent du projet de texte de loi !
- En outre, aucun élément ne vient éclairer la manière dont les recettes des sanctions récupérées par l’Assurance Maladie viendront éventuellement « ruisseler » jusqu’aux victimes, si telle est l’intention du Législateur (ce qui reste à prouver dans les faits) ;
- Enfin, le bénéfice direct pour la patientèle de la dernière mesure survivante prévue à l’article 71, à savoir la « fin du conventionnement d’office des centres de santé », s’avère particulièrement abscons pour notre association d’usagers du secteur dentaire.
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Au final, nous regrettons la décision du Conseil constitutionnel d’avoir annulé les dispositions législatives énumérées ci-dessus qui, bien que largement insuffisantes, auraient permis de faire un pas dans la bonne direction. Nous regrettons également l’absence de consultation des instances de représentation de la patientèle (les collectifs d’usagers, notre association…), dont la voix est systématiquement court-circuitée par les professionnels, leurs syndicats et les lobbies du secteur dentaire. De son côté, le Législateur (dont le rôle est d’anticiper les effets qu’auront ses lois) n’a pas jugé utile de suivre les recommandations que nous lui avions faites sur son projet d’ordonnance, publié le 12 janvier 2018, qui n’a fait que promouvoir l’essor des centres dentaires associatifs, sans introduire aucun garde-fou.
Après s’être abondamment et trop rapidement congratulés d’avoir enfin réussi à modifier le corpus législatif, rares ont été les instances et les protagonistes à dénoncer le « hold-up » institutionnel qui vient de se produire et la situation d’échec dans laquelle nous nous trouvons collectivement. L’hystérisation actuelle autour de la pandémie et de l’élection présidentielle à venir ne doivent pourtant pas occulter les autres sujets essentiels.
D’aucuns avanceront que le formalisme dont a fait preuve le Conseil constitutionnel s’avère normal et incontournable, qu’il prouve la bonne santé d’institutions veillant au grain à ce que les lois s’implémentent selon le modus operandi « ad hoc ». Que leur répondre ? Que ce manque de réalisme et de vista nous sidère. Nous n’avons aucun mal à reconnaître que nous avions nourri de faux espoirs, aujourd’hui douchés par l’excès de zèle des « Sages de la République ». Nous poursuivrons nos efforts pour tenter de faire bouger les lignes, nonobstant. Pour éviter la survenue d’autres scandales, d’autres victimes et pour éviter que nos dents (ou leur absence) ne deviennent définitivement une marchandise soumise à la rentabilité économique.
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Merci pour cet article clair et précis. Le pouvoir des instances démocratiques a décidemment été détourné dans tous les domaines au profit de ceux dont l’objectif est… le profit; Triste et révoltant. Nous informer c’est résister. Vous montrer que des solutions existent.