Les chercheurs de l’institut du thorax (Nantes Université, Inserm UMR1087/CNRS UMR6291, CHU de Nantes) ont mis en évidence un nouveau mécanisme impliqué dans la bonne santé du tissu adipeux, le tissu gras particulièrement abondant chez les obèses. Ces travaux sont publiés aujourd’hui dans la revue scientifique Cell Reports.
Ils ouvrent des perspectives thérapeutiques prometteuses pour prévenir les maladies cardiovasculaires et métaboliques chez les personnes obèses ou en surpoids.
Pourquoi s’intéresser au tissu adipeux ?
L’obésité touche une personne sur cinq en France et constitue une grave menace pour la santé publique. L’obésité est due à un déséquilibre entre la quantité d’énergie ingérée par l’organisme via les repas d’une part et celle dépensée pour le maintien des fonctions vitales et l’exercice physique d’autre part. Le surplus d’énergie non-utilisé est stocké sous forme de lipides dans le tissu adipeux, communément appelé « tissu graisseux ».
Mais la capacité de stockage du tissu adipeux a une limite. Une fois que cette limite, propre à chaque individu, est dépassée, les cellules du tissu adipeux ou « adipocytes » deviennent dysfonctionnelles. C’est alors que l’excès de graisse va se déposer dans le cœur, le foie, les vaisseaux, favorisant ainsi le développement de maladies cardiovasculaires et du diabète de type 2, notamment chez les personnes obèses. A ce jour, les causes du dysfonctionnement du tissu adipeux chez les personnes obèses sont toujours inconnues.
A l’inverse, une maladie génétique rare, la lipodystrophie généralisée, se traduit par une absence totale de tissu adipeux. Paradoxalement, ces patients développent les mêmes maladies que les sujets obèses : problèmes cardiaques et diabète de type 2. En effet, chez les patients lypodystrophiques, le gras ne peut être stocké dans le tissu adipeux et se dépose partout dans l’organisme. Cette maladie est causée par des mutations d’une protéine des adipocytes, la seipine. La fonction de la seipine était jusqu’alors inconnue, mais on sait que les individus dépourvus de seipine ont un tissu adipeux qui dégénère rapidement dès la petite enfance, avant de disparaître.
La seipine, clef de la bonne santé du tissu adipeux
Au sein de l’équipe « Maladies cardiométaboliques » de l’institut du thorax dirigée par le Pr Bertrand Cariou, le Dr Xavier Prieur, en collaboration avec l’équipe finlandaise du Pr Elina Ikonen à l’université d’Helsinki, a mis en évidence un nouveau rôle central de la seipine dans la bonne santé de l’adipocyte.
En utilisant des techniques d’imagerie de pointe, il a pu observer en direct la localisation de la seipine au sein de la cellule. Après un repas, les lipides, c’est-à-dire les constituants de la matière grasse, arrivent dans les adipocytes et sont acheminés dans un compartiment appelé le réticulum. La seipine va alors orienter les lipides vers une gouttelette lipidique géante qui permet leur stockage. A l’inverse, à distance des repas, la seipine va modifier l’organisation des compartiments cellulaires pour que les lipides puissent être orientés vers la mitochondrie, l’usine énergétique de la cellule, où ils sont brulés pour apporter l’énergie nécessaire à l’adipocyte.
Ainsi, parce qu’elle interagit soit avec le compartiment de stockage des graisses, soit avec celui qui est responsable de leur dégradation, la seipine est un élément clef du contrôle de l’énergie au sein du tissu adipeux.
Pour aller plus loin et comprendre l’impact de cette « mécanique cellulaire » sur la santé, les chercheurs ont reproduit ce mécanisme chez l’animal. Ils ont ainsi démontré que la destruction de la seipine induit en quelques jours une souffrance cellulaire majeure des adipocytes, une dégénérescence du tissu adipeux qui perd sa capacité de stockage, entraînant en quelques semaines le développement d’un diabète. Ce travail montre pour la première fois l’importance des connexions entre les compartiments cellulaires de l’adipocyte pour assurer son bon fonctionnement. Cette étude établit que nous avons besoin d’un tissu adipeux en bonne santé pour nous protéger des complications métaboliques comme le diabète de type 2. Par la suite, les travaux de l’équipe vont chercher à montrer si, chez les individus obèses, ces connexions entre les compartiments de l’adipocyte sont en effet altérées et si on peut les réparer pour améliorer l’état de santé global de l’individu.
Contact : vimla.mayoura@univ-nantes.fr