Après les ordonnances du 17 février 2021 sur « la protection sociale complémentaire dans la Fonction publique », les négociations avec les partenaires sociaux ont abouti fin janvier 2022 sur un accord unanime pour la Fonction publique d’État. S’il généralise – enfin – la contribution de l’employeur public au financement de la complémentaire santé, les Mutuelles de France regrettent qu’il s’inscrive dans le contexte de gel continu du point d’indice et identifient des limites inquiétantes à cet accord, pointant de nombreuses incertitudes. Cette réforme, en l’état, n’est toujours pas synonyme de progrès social !
Les résultats obtenus par les organisations syndicales
Par rapport aux premières versions soumises aux organisations syndicales, trois points ont fait l’objet d’une évolution favorable à souligner :
- Un panier de soins minimum plus qualitatif que celui proposé initialement. On notera qu’il est nettement plus protecteur que celui défini en 2016 pour les salariés du privé.
- L’introduction de mécanismes de solidarités entre différents niveaux de revenus et, trop modestement, à l’égard des retraités.
- Une gouvernance paritaire pour assurer le suivi du dispositif.
Les limites et les trompe-l’œil de l’accord
1. La petite moitié de l’employeur…
La promesse de la prise en charge de la moitié de la cotisation de la complémentaire santé par l’employeur sera rarement tenue : le mode de calcul laissant certaines composantes de la cotisation à la charge exclusive des agents 1 , le gouvernement ne peut ignorer que leur part sera généralement supérieure à la moitié. Les retraités, quant à eux, ne bénéficieront d’aucune participation.
2. La solidarité intergénérationnelle, victime collatérale.
La philosophie même du projet, inspirée de l’expérience douloureuse des contrats collectifs pour les salariés du privé, compromet les solidarités intergénérationnelles. L’accord prévoit :
- Un dispositif d’augmentation progressive des cotisations à une complémentaire santé pendant les 5 premières années de la retraite.
- Le plafonnement de la cotisation des retraités à 175% de la « cotisation d’équilibre » des actifs.
- Le blocage de la cotisation à partir de 75 ans.
- Un – petit – financement de solidarité pour les seuls retraités modestes.
Toutefois, le calcul de la « cotisation d’équilibre » est basé sur le coût des garanties des agents actifs (dite « cotisation de référence ») et intègre les mécanismes de solidarité, notamment pour les retraités. Mais ces différents mécanismes seront remis en cause en cas de déséquilibre. Les plafonds seront alors revus à la hausse, ce qui se traduira par l’augmentation des cotisations des retraités. C’est précisément ce qu’empêchait la solidarité intergénérationnelle telle qu’elle fonctionnait auparavant ; solidarité qui risque d’être ainsi brisée par la réforme.
3. Le financement de la prévention, variable d’ajustement
Une autre limite apparaît à la lecture de l’accord : les acteurs mutualistes historiques ont développé des actions spécifiques de prévention à destination des personnes couvertes et pour venir en aide en cas de difficulté ponctuelles. Ces mécanismes sont sous-financés par l’accord interministériel, compromettant l’accès effectif des agents à la santé. Le frêle espoir d’accords « mieux disant » en la matière par ministère ne saurait être complètement rassurant.
4. Un accord sans prévoyance ni garantie dépendance !
Une forte incertitude pèse sur la prise en charge de la prévoyance. Souvent incluse dans les garanties des mutuelles historiques, partageant ainsi ce risque lourd sur une vaste population, celle-ci est sortie du champ de la négociation par l’accord interministériel. Si l’ouverture de négociations est prévue, rien n’oblige les partenaires à trouver une solution partagée. La garantie dépendance est, elle, exclue purement et simplement du champ de la négociation.
5. Quand c’est flou…
Enfin, les modalités de sélection des opérateurs de complémentaire santé ne sont pas connues. De même on ne sait pas si les nécessaires frais de gestion des contrats seront inclus ou pas dans la « cotisation d’équilibre ». Rien n’est dit sur la possible évolution des cotisations durant la vie d’un contrat, or sur le temps long, l’évolution du coût des soins, à mesure que les affections évoluent et que la technique médicale progresse, est inévitable.
De manière générale, la vie de l’accord, sa mise en œuvre et son suivi seront déterminants pour apprécier les impacts réels et à moyen-terme de cette réforme.
Les singularités des “territoriaux” et des “hospitaliers” devront être prises en compte
Cet accord concernant la Fonction publique d’État constituera nécessairement un point de repère pour les négociations en cours dans la Fonction publique territoriale et à venir pour la Fonction publique hospitalière. Les Mutuelles de France rappellent que les singularités de ces secteurs doivent être prises en compte, notamment :
- Les fonctionnaires territoriaux bénéficient d’un dispositif de labellisation des organismes complémentaires qui a fait ses preuves.
- Les hospitaliers, quant à eux, doivent pleinement bénéficier de la prise en charge de leurs soins par l’employeur (conformément à l’article 44 de leur statut).
Dans le cas contraire, toute évolution ne pourra être analysée que comme des reculs.
Pour les Mutuelles de France, la priorité reste de maintenir une Sécurité́ sociale de haut niveau pour les agents publics comme pour tous les assurés sociaux. Il est primordial d’éviter que cette réforme touchant la fonction publique accroisse les injustices sociales et les inégalités dans notre pays.
Contact Presse :
Denis QUINQUETON – denis.quinqueton@mutuelles-de-france.fr