Alors que l’on identifiait de plus en plus d’espèces animales sensibles à l’infection par le SARS-CoV-2 dans les conditions naturelles ou expérimentales, le risque de zoonose a été suspecté par l’Académie nationale de médecine dès l’origine de la pandémie, puis confirmé lorsque les Pays-Bas ont démontré une contamination de l’Homme par des visons d’élevage.
Par la suite, plusieurs cas de contaminations animales par différents variants de SARS-CoV-2 d’origine humaine ont été rapportés, touchant une grande diversité d’espèces parmi les animaux de compagnie, d’élevage (mustélidés) ou de la faune sauvage. Des animaux de zoo (grands félins, grands singes, hippopotame, loutre) ont été contaminés par leurs soigneurs. En Inde, un léopard sauvage en liberté a été contaminé par le variant Delta.
Bien que les cas de contamination de chiens et de chats par l’Homme soient sporadiques, la constitution d’un réservoir de virus chez les chats nomades reste possible en raison de leurs contacts avec la faune liminaire d’origine sauvage, encore peu étudiée, et de la sensibilité des félidés aux différents variants du SARS-CoV-2. Parmi des nouveaux animaux de compagnie, une infection naturelle chez deux lapins par le SARS-CoV-2 a été rapportée en France.
À Hong-Kong, en janvier 2022, des hamsters dorés, importés de Tchéquie via les Pays-Bas, auraient été à l’origine d’un foyer épidémique par le variant Delta ayant débuté chez une employée d’animalerie avant d’atteindre 58 personnes. Depuis l’épisode des visons d’élevage, c’est la première fois qu’une contamination de hamsters d’origine humaine serait suivie d’une transmission en retour vers l’Homme, puis d’une propagation épidémique par transmission interhumaine.
La grande sensibilité du hamster au SARS-CoV-2 désigne cet animal de compagnie comme un réservoir potentiel. De plus, l’enquête menée autour de ce foyer épidémique révèle que le commerce international des animaux de compagnie représente un risque de dissémination à distance du SARS-CoV-2.
En Amérique du Nord, le cerf de Virginie (Odocoileus virginiatus) pourrait constituer un réservoir animal de SARS-CoV-2. L’hypothèse s’est renforcée en 2022 : cette espèce en surpopulation approche les zones urbaines ou suburbaines, ce qui a vraisemblablement favorisé sa contamination par l’Homme.
La séroprévalence des anticorps anti-SARS-CoV-2 a été évaluée entre 13,5 et 70% chez ces cervidés sauvages, avec un pic à 82,5% pendant la saison de chasse aux États-Unis. Elle s’élève à 94,4% chez les animaux en captivité, probablement en raison de leur promiscuité. En Pennsylvanie, où la population de cerfs de Virginie est la plus dense (30 cerfs par mile carré), le variant Alpha circulait simultanément avec le variant Delta pendant l’automne-hiver 2021 alors que le variant Delta prédominait dans la population humaine.
La dynamique de transmission intraspécifique a été étudiée expérimentalement après inoculation intranasale de faons par le suivi des animaux contacts. Enfin, une nouvelle lignée très divergente du SARS-CoV-2, découverte au Canada chez le cerf de Virginie a été isolée d’un cas humain dans la même région, suggérant une possible transmission du cerf à l’Homme.
En Europe l’hypothèse d’un réservoir chez les cervidés n’a pas été confirmée, mais d’autres espèces de la faune sauvage sont très sensibles au SARS-CoV-2. C’est le cas de mustélidés sauvages ou féraux découverts séropositifs : loutres et visons en Espagne [8], martres et blaireaux en Bretagne. En France, la diffusion épidémique de Covid-19 due au variant Marseille-4 (B.1.160) en 2020 semble avoir émergé d’un élevage de visons en Eure-et-Loir. Plusieurs espèces, classées nuisibles en France du fait de leur prolificité, sont aussi très sensibles au SARS-CoV-2 : le vison d’Amérique, le chien viverrin et le renard roux.
Dans la déclaration conjointe du 7 mars 2022, l’OIE, l’OMS et la FAO insistent sur le risque que représente le réservoir animal de SARS-CoV-2 et sur son rôle potentiel dans l’émergence de nouveaux variants par mutation ou par recombinaison. De plus, il ne faut pas oublier que le réservoir animal de coronavirus à l’origine de la pandémie de Covid-19 était probablement une chauve-souris et que des coronavirus très proches du SARS-CoV-2 ont été récemment identifiés dans cette espèce qui doit désormais être particulièrement surveillée.
C’est pourquoi l’Académie nationale de médecine recommande :
- de maintenir une surveillance continue des infections détectées chez les animaux domestiques ainsi que dans la faune sauvage et liminaire sensible au SARS-CoV-2 ;
- d’effectuer un séquençage systématique pour chaque cas trouvé positif en RT-PCR ;
- d’avertir les personnes infectées, symptomatiques ou non, qu’elles doivent appliquer aussi les mesures d’isolement vis-à-vis des animaux vivant dans leur entourage ;
- d’informer les chasseurs, les travailleurs forestiers et toute personne exerçant une activité au contact de la faune sauvage et liminaire (centres de soins spécialisés, zoos…), ainsi que les visiteurs des parcs animaliers, sur les risques zoonotiques encourus.
Contact presse : Virginie Gustin – virginie.gustin@academie-medecine.fr