Le BEH n°24-25 « Prévention et dépistage du VIH et des infections sexuellement transmissibles (Journée mondiale de lutte contre le sida, 1er décembre) » a été publié mardi 29 novembre.
Il est composé d’un éditorial et de cinq articles.
Résumé du contenu :
- Editorial : Accélérons la réponse vis-à-vis du VIH et des infections sexuellement transmissibles pour tenir les objectifs de 2030, Dr Pascal Pugliese, Praticien hospitalier, CHU de Nice, Président du Corevih Paca-Est, Membre du Conseil national du sida et des hépatites virales
- Evolution du niveau de protection contre le VIH parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes séronégatifs pour le VIH – Résultats de l’enquête Rapports au sexe 2017-2019-2021, Annie Velter et coll., Santé publique France
La fin des années 2000 a été marquée par l’arrivée d’une approche biomédicale de la prévention du VIH, et, en 2016, les autorités françaises ont introduit la prophylaxie pré-exposition (PrEP). Dans ce contexte de changements notables, mesurer l’évolution du niveau global de protection contre le VIH des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) est primordial.
Les données mobilisées pour cette étude, sont issues des éditions 2017, 2019 et 2021 de l’enquête Rapport au sexe (Eras), enquête en ligne transversale et anonyme, auto-administrée et basée sur le volontariat. L’utilisation de différents outils de prévention (prévention biomédicale, préservatif) du VIH par les HSH séronégatifs lors de leur dernier rapport anal (DRA) avec un partenaire masculin occasionnel, a été comparée au cours des trois éditions.
Le niveau global de protection, intégrant le traitement comme prévention (en anglais, Treatment as Prevention (TasP)), la PrEP, le traitement post-exposition (TPE) ou le préservatif, est élevé et stable entre 2017 et 2021, sans différence significative. Même si le préservatif reste l’outil de protection le plus utilisé, une baisse continue de son usage est observée passant de 67% en 2017 à 60% en 2019 et 45% en 2021 (odds ratio ajusté : 0,74 ; intervalle de confiance à 95% : [0,72-0,77] ; p<0,001). Cette baisse est contrebalancée par l’augmentation significative de l’usage de la PrEP. La proportion des HSH séronégatifs qui prenaient la PrEP lors de leur DRA avec un partenaire occasionnel est passé de 7% en 2017 à 28% en 2021 (1,58 [1,52-1,65] ; p<0,001).
Malgré la mise à disposition de moyens de prévention biomédicaux efficaces, dont l’utilisation de la PrEP qui va croissant, en plus de l’utilisation du préservatif, pour autant, le niveau global de prévention contre le VIH n’augmente pas dans cette population d’HSH séronégatifs exposés au risque de contamination. L’ouverture de la primo-prescription de la PrEP en médecine de ville et des actions associatives d’ « allervers » pourraient permettre de poursuivre la tendance de manière plus soutenue, alors que l’utilisation du préservatif ne cesse de s’éroder. Aussi, les programmes de prévention doivent être poursuivis en s’adaptant à l’ensemble de la population HSH dans toute sa diversité et en promouvant l’ensemble des outils de prévention actuels.
- La PrEP chez les migrants : y sommes-nous vraiment ? Hugues Cordel et coll., Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Avicienne, APHP, Bobigny
Près de 40 000 personnes utilisent actuellement la prophylaxie pré-exposition (PrEP) en France, majoritairement des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH). Les personnes migrantes et en particulier les femmes et les hommes originaires d’Afrique et des Caraïbes en restent éloignées.
Trois enquêtes transversales auprès des prescripteurs ont évalué en 2018, 2019 et 2021 la fréquence de prescription de la PrEP auprès des personnes migrantes (toutes orientations sexuelles), les obstacles rencontrés et les perspectives d’amélioration. L’expérience de certains répondants ayant développé des approches innovantes sont ensuite décrites.
De 60 à 113 professionnels ont répondu aux enquêtes annuelles. La fréquence de prescription à au moins une personne migrante a augmenté de 27% en 2018 à 70% en 2021. Une grande partie des prescripteurs l’ont prescrite à moins de 5 personnes migrantes. Les HSH migrants représentent une part importante des files actives. La proportion de femmes, d’hommes et de personnes trans migrants non HSH bénéficiaires de la PrEP a progressivement augmenté en 4 ans.
Les principaux obstacles rencontrés par les prescripteurs sont la difficulté à suivre les personnes migrantes mises sous PrEP, la méconnaissance de la PrEP par ces dernières, les barrières à l’accès aux droits et leur manque d’intérêt pour cet outil de prévention.
La prescription de la PrEP chez les personnes migrantes est une réalité en France, mais reste rare et bénéficie surtout aux HSH nés à l’étranger. Elle doit être encouragée et facilitée par différentes approches novatrices.
- Couverture vaccinale contre les infections à Papillomavirus humains des filles âgée de 15 à 18 ans et déterminants de vaccination, France 2021, Rémi Hanguehard et coll., Santé publique France
Notre étude vise à estimer la couverture vaccinale contre les infections à papillomavirus (HPV) chez les filles de 15 à 18 ans en France, à explorer les déterminants associés à cette vaccination et à décrire les raisons de non-vaccination en France métropolitaine.
L’étude s’appuie sur les données recueillies lors de l’enquête Baromètre santé 2021. Les participants ont été sélectionnés par une génération aléatoire de numéros de téléphone fixe et mobile, et interrogés entre février et décembre 2021. Les parents de filles de 15 à 18 ans ont été interrogés sur la vaccination HPV de leur(s) fille(s). Les déterminants de la vaccination HPV ont été étudiés par régression univariée et multivariée de Poisson. Les analyses ont été réalisées sous Stata® SE.64 15.1 (StataCorp, États-Unis).
La couverture vaccinale contre les infections à HPV est estimée à 43,6% [40,1-47,1] en France métropolitaine, à 13,8% [7,8-23,0] en Guadeloupe, à 17,2% [9,5-29,2] en Martinique, à 22,6% [14,4-33,5] en Guyane, et à 24,0% [16,3-33,2] sur l’île de La Réunion.
En France métropolitaine, les couvertures vaccinales sont plus élevées chez les filles âgées de 18 ans (48,7% [40,6-56,9], ratio de prévalence ajusté (RPa)=1,30 [1,04-1,62], p=0,022) versus celles de 15 ans (39,0% [32,4-46,0]), chez les filles aînées (46,8% [42,9-50,8], RPa=1,34 [1,08-1,67], p=0,008) vs celles ne l’étant pas (31,8% [25,2-39,2]), lorsque les parents ont les plus hauts revenus (2e et 3e terciles de revenus par unité de consommation : 53,8% [47,2-60,2] et 56,4% [50,1-62,6]) vs 1er tercile : 32,9% [28,0-38,2], respectivement RPa=1,35 [1,10-1,66], p=0,004 et RPa=1,24 [0,99-1,55], p=0,063), se considèrent à l’aise financièrement en comparaison avec ceux ayant une situation financière plus défavorable : « à l’aise » : 58,8% [50,9-66,2] vs « y arrive difficilement » : 25,6% [15,5-39,3], RPa=0,56 [0,35-0,88], p=0,013 et « n’y arrive pas sans dettes » : 14,5% [5,7-32,2], RPa=0,35 [0,14-0,85], p = 0,02), ont au moins 5 années d’études après le bac (59,2% [52,1-66,1], RPa=1,32 [1,06-1,65], p=0,012) vs ceux sans diplôme ou avec un diplôme inférieur au bac (36,7% [30,5-43,4]), et ceux de nationalité française de naissance (46,3% [42,5-50,0]) vs ceux qui ont acquis la nationalité française (24,1% [14,9-36,4], RPa=0,59 [0,38-0,91], p=0,017).
Malgré une amélioration des couvertures vaccinales contre les infections à HPV chez les filles en France, elles restent modérées notamment dans les populations les moins favorisées économiquement. Ces résultats invitent à renforcer les actions de promotion de vaccination notamment auprès de ces populations en vue de réduire les inégalités de santé.
- Dépistage du VIH et des infections sexuellement transmissibles bactériennes en France 2014-2021, Cheick Haïballa Kounta et coll., Santé publique France
Le dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) est un élément essentiel de la prévention. Cet article décrit l’activité de dépistage du VIH et de trois IST bactériennes (syphilis, gonococcies et infections à Chlamydia trachomatis (Ct)) en 2021 en France, et les tendances récentes, à partir des données individuelles de remboursement du Système national des données de santé (SNDS).
Les données du SNDS permettent de suivre le nombre de remboursements par l’Assurance maladie des tests de dépistage du VIH, de la syphilis, des infections à gonocoque et à Ct, réalisés en secteurs privé et public (hors hospitalisation), et de personnes bénéficiant de ces remboursements. L’analyse a porté sur les bénéficiaires de 15 ans et plus. Les taux nationaux de dépistage ont été calculés pour 1 000 personnes de 15 ans et plus, selon l’âge et le sexe.
En 2021, 4,59 millions de dépistages du VIH ont été réalisés chez 3,98 millions de bénéficiaires (soit un taux de 70,7 pour 1 000 habitants). La même année, 2,97 millions de tests de dépistages de l’infection à Ct ont été réalisés chez 2,32 millions de bénéficiaires (41,3/1 000). Toujours en 2021, 4,74 millions de tests de dépistage de l’infection à gonocoque ont été effectués chez 2,69 millions de bénéficiaires (47,9/1 000). Enfin, 3,39 millions de tests de dépistage de la syphilis ont été réalisés chez 2,84 millions de bénéficiaires (50,6/1 000). Les taux de dépistage étaient plus élevés chez les femmes que chez les hommes, et chez les jeunes femmes et hommes de moins de 26 ans pour les IST bactériennes. Ces taux ont augmenté de 2014 à 2019 pour toutes les infections (VIH, gonocoque, Ct et la syphilis), ont ensuite diminué en 2020, puis augmenté de nouveau en 2021.
Les données de remboursement, bien que ne représentant pas la totalité des dépistages réalisés, permettent de mettre en évidence les variations des taux de dépistages selon l’âge et le sexe, au cours du temps. Après une période d’augmentation des dépistages, la chute observée en 2020 au début de la pandémie à Covid-19, a été rattrapée en 2021 pour les IST bactériennes, mais pas encore pour le VIH, d’où l’importance de remobiliser sur le dépistage.
- Découvertes d’infection à VIH chez les enfants en France, 2010-2021, Pierre Pichon et coll., Santé publique France
Cet article présente les données de la déclaration obligatoire du VIH chez les enfants (moins de 15 ans) en France.
Entre 2010 et 2021, le nombre d’enfants ayant découvert leur infection par le VIH est estimé à 581 (intervalle de confiance à 95% (IC95%): [355-808]), soit un peu moins de 1% de l’ensemble des découvertes sur la même période. Chez les 54% d’enfants dont le lieu de naissance est connu, 51% sont nés en Afrique subsaharienne, 32% en France et 17% dans d’autres pays. Chez les 49% d’enfants dont le mode de contamination est connu, 90% ont été contaminés par transmission mère-enfant (TME), 5% par transfusion sanguine dans un pays autre que la France et 4% lors de rapports hétérosexuels.
Chez les enfants contaminés par TME, près d’un tiers sont nés en France. Ces derniers n’ont bénéficié d’aucune prophylaxie antirétrovirale dans 28% des cas et la séropositivité de leur mère a été découverte après l’accouchement dans 46% des cas. Une amélioration du dépistage des femmes enceintes, si besoin répété en cours de grossesse ou d’allaitement, et de leur conjoint, permettrait de réduire encore le nombre de contaminations par TME chez les enfants nés en France.
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