L’édition 2022 du Téléthon s’est déroulée le week-end dernier et a permis de récolter plus de 78 millions d’euros de promesses de dons. En partenariat étroit avec l’Association française contre les myopathies (AFM), les HCL mènent, tout au long de l’année, des travaux de recherche sur les maladies rares. Pour les équipes du Centre de biotechnologie cellulaire du CHU, cette année 2022 s’est révélée particulièrement prolifique, avec l’obtention de résultats extrêmement encourageants en vue de l’élaboration de traitements contre plusieurs maladies neuromusculaires.
Charcot-Marie-Tooth : l’identification d’un gène ouvre la porte à un nouveau traitement
Maladie neuromusculaire héréditaire du nerf périphérique, la maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) entraine une diminution de la force musculaire et de la sensibilité, principalement dans les membres inférieurs. Touchant environ 1 personne sur 5000 en France, elle reste encore méconnue, comme bon nombre de maladies génétiques rares, ce qui, pour la personne atteinte, ajoute aux symptômes une errance de diagnostic génétique. En clair, les patients ne savent pas précisément quel(s) gène(s) provoque(nt) cette maladie chez eux. De même, les traitements contre cette pathologie demeurent rares et encore expérimentaux.
En 2022, les travaux de l’équipe du Professeur Laurent SCHAEFFER, responsable du Centre de biotechnologie cellulaire, qui héberge l’une des cinq biothèques des HCL, ont permis d’identifier un nouveau gène dont la mutation peut causer un CMT. Baptisé COQ7, ce gène code une protéine nécessaire à la synthèse du coenzyme Q10, un acteur important dans le mécanisme de production d’énergie de l’organisme. Outre l’importance d’identifier un nouveau gène dans une maladie génétique, ce travail ouvre surtout la possibilité d’un nouveau traitement pour les patients atteints. En cours d’expérimentation aux HCL, celui-ci s’effectue à partir de cette molécule coenzyme Q10, dont il existe des formulations pharmacologiques (lire encadré ci-contre).
«Ce gène COQ7 avait été identifié dans des syndromes neurologiques complexes, mais c’est la première fois que l’on démontre qu’il est responsable d’un Charcot Marie-Tooth (CMT). Comme il intervient dans la synthèse du coenzyme Q10, cela laisse entrevoir une nouvelle thérapie, ce qui constitue une réelle avancée, puisqu’il en existe peu à l’heure actuelle. Nous avons d’ailleurs déjà commencé à traiter des patients des HCL avec ce coenzyme Q10. On ne connait pas encore les résultats, car il s’agit d’une maladie à évolution lente. Il faudra patienter deux ans. Mais cela ouvre assurément de nouvelles perspectives », se félicite le Pr Laurent SCHAEFFER.
« Un réel espoir pour moi et toutes les personnes atteintes »
Patient du Dr Antoine PEGAT au sein du service d’électroneuromyographie et pathologies neuro- musculaires de l’hôpital Pierre Wertheimer, Fabio, 37 ans, a commencé le traitement à base de coenzyme Q10 en septembre dernier. « C’est exceptionnel d’avoir pu trouver un traitement, je suis très reconnaissant envers les médecins et chercheurs des HCL. J’ai une forme particulière de la maladie de Charcot-Marie-Tooth. Depuis l’adolescence, j’ai des difficultés à marcher, à trouver l’équilibre, une partie de mes muscles aux extrémités des membres, sous les genoux et les avant-bras, est atrophiée. Jusqu’à présent, je n’avais aucun traitement, si ce n’est des séances de kiné et des recommandations à suivre. La prise quotidienne de gélules de coenzyme Q10 devrait permettre de freiner la progression de la maladie. C’est un réel espoir pour moi, ma sœur et mon frère qui sont aussi atteints, et toutes les personnes victimes de cette pathologie».
Principalement financé par l’AFM-Téléthon, le travail de l’équipe du Pr Schaeffer fera, courant décembre, l’objet d’une publication dans la revue internationale de référence Brain, avec comme premier auteur Arnaud JACQUIER, assistant hospitalo-universitaire au Centre de biotechnologie cellulaire (CBC) des HCL. En grande partie réalisée au laboratoire de Physiopathologie et de Génétique du Neurone et du Muscle à la faculté de médecine Lyon Est, l’étude, menée en collaboration avec l’AP-HP, a impliqué le CBC ainsi que les services de biochimie, de génétique, et d’électro-neuromyographie et de pathologies neuromusculaires de l’hôpital Pierre Wertheimer.
La découverte d’un nouveau gène impliqué dans l’amyotrophie spinale
Lauréats, en 2021, de l’appel à projets RHU (Recherche hospitalo-universitaire) de l’Agence Nationale de la Recherche, le Pr SCHAEFFER et ses équipes travaillent par ailleurs, dans ce cadre, sur le projet SMART, dédié à l’étude de l’amyotrophie spinale ou SMA (spinal muscular atrophy). Concernant près de 1 naissance sur 10 000 en France, soit entre 120 et 150 nouveau-nés par an, la SMA fait partie des maladies génétiques les plus fréquentes.
Affectant la moelle épinière, qui contrôle l’activité des muscles squelettiques, elle entraine soit une paralysie complète des muscles, soit une faiblesse musculaire invalidante, selon la gravité. Dans la très grande majorité des cas, la SMA est causée par la mutation du gène SMN1. S’intéressant également à des cas particuliers de patients développant une SMA sans mutation du gène SMN1, l’équipe du CBC a permis de prouver qu’un gène responsable d’un autre type de maladies neuromusculaires, les myasthénies congénitales ou SMC, pouvait également causer une SMA.
Plusieurs patients présentant des signes cliniques de SMA sans mutation de SMN1 ont ainsi été diagnostiqués comme en réalité atteints par un SMC causé par une mutation du gène de l’agrine, comme l’ont prouvé les travaux des chercheurs de SMART, financés par l’AFM-Téléthon et la Fondation pour la Recherche Médicale et réalisés en collaboration avec les services de réadaptation adultes et pédiatriques des professeurs Gilles RODE (hôpital Henry Gabrielle) et Carole VUILLEROT (hôpital Femme Mère Enfant), ainsi que l’AP-HP et le CHU de Ottawa au Canada.
Récemment publiés dans une autre revue internationale de premier plan, Acta Neuropathologica, les résultats de ces travaux ajoutent un nouveau gène à la liste des gènes à considérer dans les cas de SMA sans mutation de SMN1. Ces résultats ouvrent également de nouvelles perspectives thérapeutiques, en montrant que les mutations identifiées entrainent un blocage de la sécrétion de l’agrine par les neurones. Des approches pharmacologiques pour restaurer la sécrétion de l’agrine mutée par les neurones sont actuellement testées dans le cadre du programme Myopharm de l’AFM-Téléthon.
Des résultats prometteurs dans la lutte contre la myopathie de Duchenne
Enfin, le Centre de biotechnologie cellulaire des HCL est associé à une autre publication scientifique en cette année 2022 prolifique. Parue dans la prestigieuse revue Nature Communications, elle concerne une autre maladie rare neuromusculaire : la myopathie de Duchenne. Celle-ci touche 1 garçon sur 3000 et demeure sans solution de traitement, à l’heure actuelle.
L’équipe du CBC étudie depuis de nombreuses années les fonctions de l’enzyme HDAC6 (histone désacétylase 6) et a identifié une nouvelle cible cellulaire de l’enzyme qui régule la masse musculaire. Sur cette base, Alexis OSSENI, assistant hospitalo- universitaire dans l’équipe du Pr SCHAEFFER, a testé l’effet d’un inhibiteur pharmacologique de HDAC6 dans le contexte de la myopathie de Duchenne. Les résultats prometteurs obtenus laissent espérer que les inhibiteurs de HDAC6 pourraient un jour profiter aux patients atteints de cette myopathie.
Menés en collaboration avec le Centre pour les maladies neuromusculaires de Ottawa au Canada, les travaux de l’équipe du CBC, financés eux aussi par l’AFM-Téléthon et la Fondation pour la Recherche Médicale, vont se poursuivre dans ce sens.
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