Après les atermoiements du Dossier Médical Partagé, Mon Espace Santé s’imposera-t-il dans les pratiques des usagers et des professionnels de santé ? Si les voyants sont globalement au vert, près d’un an après son lancement, l’étude réalisée par l’institut CSA pour France Assos Santé démontre qu’il reste des freins à lever pour amplifier l’appropriation et l’utilisation de l’outil.
Après une phase test dans trois départements pilotes à l’été 2021, Mon Espace Santé a été lancé officiellement en janvier 2022 par l’Assurance Maladie et le ministère de la Santé, et déployé progressivement dans les départements français.
Très attendu, ce nouvel outil ambitionne d’offrir à tous les usagers la possibilité de gérer plus simplement leurs documents et données médicales, avec un bouquet de services et fonctionnalités largement revu à la hausse par rapport au Dossier Médical Partagé.
Messagerie sécurisée citoyenne et catalogue d’applications figurent notamment parmi les nouveautés marquantes, en plus d’une ergonomie revue et de l’ouverture automatique pour tous, sauf opposition de l’usager.
Afin de mesurer le niveau de connaissance, de compréhension, d’appropriation et d’utilisation de Mon Espace Santé par les usagers, France Assos Santé a réalisé en novembre 2022 avec l’institut CSA une enquête auprès d’un panel représentatif de la population française de 1 505 personnes. L’enquête ayant été réalisée en ligne, les répondants sont des usagers particulièrement connectés et donc familiers des usages du numérique. De ce fait, le taux d’activation de Mon Espace Santé au sein du panel interrogé est significativement plus élevé dans les résultats de l’enquête que dans la population générale selon les chiffres de la CNAM: 38% dans notre panel, à comparer aux 7,2 millions de comptes activés (chiffres de novembre 2022).
Avec un haut niveau de notoriété de 82%, dû avant tout au courriel de l’Assurance Maladie mais aussi aux campagnes média grand public, près des deux-tiers affirment savoir qu’un compte a été créé pour eux. Au total quatre répondants sur cinq ayant activé leur compte estiment que le service est facile d’utilisation, mais long à renseigner, surtout la première fois.
Une fois leur compte activé, les répondants se sont montrés actifs sur le service en ligne. 71% ont utilisé au moins une fonction, en particulier ils ont commencé à remplir leur profil médical et ajouté eux-mêmes des documents, une observation en cohérence avec les constats de la CNAM selon lesquels 7,24 millions de documents ont été ajoutés par les usagers à fin septembre 2022. Un répondant sur trois n’est cependant jamais retourné sur son compte depuis son activation, mais une proportion équivalente y est retournée plusieurs fois, démontrant ainsi que Mon Espace Santé présente pour eux une simplicité d’utilisation et une utilité certaines.
L’utilité perçue de Mon Espace Santé fait en revanche défaut chez les répondants qui ne l’ont pas activé, la moitié d’entre eux désirant en savoir plus sur ses bénéfices, voire recevoir un courriel de rappel. Sur la totalité du panel, près des trois-quarts identifient au moins un frein à l’activation de Mon Espace Santé en particulier le manque d’information et le manque de bénéfices identifiés, soulignant encore le besoin d’une pédagogie plus grande. Sur ce point, le dialogue avec les professionnels de santé peut être un levier pertinent : seuls 18% des répondants ont échangé avec un professionnel de santé concernant Mon Espace Santé, ces derniers s’étant très majoritairement montrés positifs par rapport au service ce qui constitue un point encourageant.
Les résultats de cette enquête en ligne sont de bon augure pour l’avenir de Mon Espace Santé. Ils démontrent un bon accueil de l’outil tant du côté des usagers que des professionnels de santé.
En revanche, notre enquête démontre la nécessité de renforcer auprès de tous les publics l’information sur les bénéfices attendus de Mon Espace Santé afin d’amplifier son appropriation et son utilisation. L’information et la pédagogie doivent être poursuivies par l’Assurance Maladie et les pouvoirs publics. Les professionnels de santé ont également un rôle majeur de prescripteurs et nos chiffres indiquent qu’ils sont pourtant encore nombreux à ne pas s’être impliqués dans la réussite du déploiement de l’outil. Enfin, ces résultats ne doivent pas faire oublier les difficultés des publics éloignés du numérique et/ou du système de santé : plus que jamais les pouvoirs publics doivent répondre à cet enjeu pour éviter la superposition des inégalités, en proposant un accompagnement toujours plus humain et de proximité.