Ce samedi 17 décembre, à l’hôpital de la Croix-Rousse, par la main du Dr MEZOUGHI, les HCL ont pratiqué leur 100e greffe de foie adulte de l’année 2022. Ajoutée aux 23 greffes pédiatriques déjà réalisées, jamais le CHU lyonnais n’avait atteint un total annuel aussi important. Ce record doit beaucoup à l’innovation continue des équipes de transplantation hépatique de la Croix-Rousse et de l’hôpital Femme Mère Enfant.
Avec plus de 1300 transplantations pratiquées chaque année, le foie constitue le deuxième organe le plus greffé, en France, derrière le rein (environ 3500 greffes par an)1. La transplantation hépatique est une intervention cruciale : contrairement au rein, aucun palliatif, naturel ou artificiel, ne peut reproduire les fonctions vitales du foie. En résumé, chaque greffe de foie permet de sauver une vie. Loin d’être anecdotique, le record réalisé par les HCL, en cette année 2022, est à la fois un accomplissement collectif et un réel espoir pour les receveurs potentiels, qui demeurent, en France, 2,4 fois plus nombreux que les donneurs1 (lire encadré).
Tandis que son activité globale de transplantation – tous organes confondues – retrouve peu à peu le niveau d’avant-Covid, le CHU lyonnais, en matière de greffes de foie et sous la houlette du Pr Jean-Yves MABRUT, fait mieux qu’en 2018 et 2019 avec déjà 123 greffes effectuées depuis le 1er janvier2. Comptant parmi les trois seuls centres de greffe hépatique, en France, à transplanter aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant, les HCL améliorent leur total dans les deux catégories : 100 greffes adultes depuis ce samedi 17 décembre (89 en 2018) et 23 greffes pédiatriques (21 en 2019).
« Ce record résulte de la conjonction de plusieurs facteurs. Pour commencer, il faut souligner l’implication et le professionnalisme de l’ensemble des équipes de transplantation hépatique, que ce soit le secteur « adulte », concentré à l’hôpital de la Croix-Rousse, ou « pédiatrique », à l’hôpital Femme Mère Enfant. Par ailleurs, l’équipe d’hépatologie dirigée par le Pr Fabien ZOULIM a été renforcée avec notamment le recrutement du Dr Teresa ANTONINI comme coordonnatrice médicale, qui nous a apporté son savoir-faire et a été à l’origine de la création d’une hotline « urgence foie », ce qui a offert de la visibilité au centre, permettant que les centres périphériques adressent plus facilement les patients pour une greffe. Enfin, et surtout, nous avons continuellement innové, ce qui nous a permis de trouver des sources supplémentaires de greffons », souligne le Pr Kayvan MOHKAM, chef de service adjoint du service de chirurgie digestive et de transplantation hépatique adulte des HCL.
Les machines de perfusion hypothermique, une bouffée d’oxygène
Parmi les innovations, le centre de transplantation hépatique du CHU a été le premier, au plan national, à réaliser en février 2015, une greffe à partir d’un donneur décédé d’un arrêt cardiaque lié à l’arrêt des soins. Ces prélèvements dits « Maastricht III », autorisés depuis fin 2014, ont permis d’augmenter significativement le nombre de greffons disponibles. Ils représentent aujourd’hui jusqu’à 15% des greffes adultes réalisées aux HCL, devenus une référence dans le domaine.
Autres domaines dans lequel le CHU lyonnais fait figure de référence, grâce à sa double activité adulte et pédiatrique : la bipartition et le prélèvement sur donneur vivant. La bipartition consiste, à partir d’un même greffon de foie, à extraire deux parties de l’organe : une grosse, le lobe droit, pour transplanter un adulte ; une petite, le lobe gauche, pour transplanter un enfant. Un seul donneur permet ainsi de greffer deux receveurs. Le prélèvement sur donneur vivant, qui concerne des membres d’une même famille, permet, lui, de prélever ce même lobe gauche sur un donneur vivant adulte et de le greffer sur son enfant malade. En 2022, huit prélèvements sur un parent vivant ont été pratiqués aux HCL, un autre record.
Mais l’une des principales innovations a résidé dans l’acquisition, à l’hôpital de la Croix-Rousse, de machines de perfusion hypothermique oxygénée (la « Liver- Assist » et, plus récemment, la « Vita-Smart »). En 2017, dans le cadre d’une étude européenne baptisée HOPE, les HCL sont devenus le premier établissement français à utiliser ces machines de pointe conçues aux Pays-Bas. Remplaçant les caissons réfrigérés utilisés pour conserver un foie prélevé en instance de transplantation, les Liver-Assist apportent au foie de l’oxygène, des antioxydants et limitent les effets de l’ischémie (diminution de l’apport de sang oxygéné au niveau d’un organe).
De nouvelles innovations et la 2000e greffe en 2023
En régénérant ainsi l’organe, ces machines renforcent l’efficience de la greffe et
permettent, en outre, de recourir aux greffons dits « marginaux ». L’avantage s’avère considérable puisqu’il ouvre la porte à une utilisation optimale de greffons qui restaient sous-utilisés jusque-là, par crainte d’échec de reprise de fonction. Issus de donneurs « à risques » (plus de 65 ans, en surpoids, ayant séjourné plus de 7 jours en réanimation…), ces greffons « marginaux » représenteraient une manne supplémentaire de 50% de greffons disponibles.
« Dans un contexte de pénurie d’organes (lire encadré), les machines, en nous permettant d’utiliser davantage de greffons, avec une sécurité améliorée, offrent une vraie plus-value. Aux HCL, nous sommes même allés plus loin, puisque nous avons eu l’idée de réaliser des bipartitions sous Liver-Assist, qui préservent encore mieux le foie au moment de sa scission. Nous sommes parmi les premiers au monde à avoir testé cette technique. Après avoir rédigé plusieurs publications scientifiques, nous nous apprêtons à lancer la toute première étude randomisée évaluant les bénéfices de ce nouveau protocole. Baptisée HOPE-split, elle devrait impliquer, en 2023, plusieurs centres de transplantation hépatique nationaux, voire européens », se réjouit le Pr Kayvan MOHKAM.
Portées par leur enthousiasme, leur bilan 2022 et la présence de quatre chirurgiens-experts en greffes « adultes », à l’hôpital de la Croix-Rousse, et de deux autres « pédiatriques », à l’hôpital Femme Mère Enfant, les équipes de transplantation hépatique du CHU travaillent déjà sur d’autres innovations. Avec l’arrivée des robots Da Vinci Xi, elles espèrent bientôt pouvoir développer les prélèvements à partir de donneur vivant par chirurgie robotique mini-invasive. En parallèle, l’année 2023 sera marquée par la 2000e greffe réalisée dans le service de transplantation hépatique de l’hôpital de la Croix-Rousse, depuis la première pratiquée par le Pr Michel POUYET en 1985. Autant d’avancées qui permettront de prolonger la vie d’un nombre toujours plus significatif de receveurs : à 1 an, la greffe se révèle un succès pour 89% d’entre eux ; 10 ans après, ils sont encore 60% à vivre parfaitement avec leur nouveau foie.
Face à la hausse du taux de refus de don d’organes, l’enjeu essentiel de l’information.
Réglementairement parlant, en France, depuis la loi Caillavet du 22 décembre 1976, chaque individu est présumé donneur d’organes après sa mort. Il peut toutefois s’y opposer, de son vivant, en s’inscrivant sur le Registre National des Refus. En pratique, cependant, la situation s’avère plus complexe. Même si la personne décédée est présumée donneuse, l’équipe médicale doit s’efforcer de recueillir auprès de ses proches sa position sur le don de ses organes.
« Or, bien souvent, celle-ci n’est pas explicitement connue. Et malheureusement, dans l’incertitude, de plus en plus de familles refusent le prélèvement. Ces dernières années, le taux de refus est passé de 30%, un chiffre quasiment constant depuis 30 ans, à près de 50% dans certaines régions », relève le Pr Kayvan MOHKAM.
Dans le même temps, le nombre de patients en attente d’un organe n’a cessé de croître, en raison du vieillissement de la population, mais aussi, paradoxalement, de l’amélioration des techniques chirurgicales et des traitements immuno- suppresseurs, qui ont élargi les indications de greffe. Avec la progression, notamment, de la « maladie du foie gras », ainsi que des cancers (1 greffe sur 3 est aujourd’hui due à un carcinome hépatocellulaire), le foie est particulièrement concerné.
D’après les derniers chiffres de l’Agence de Biomédecine, il y a actuellement 2,4 receveurs potentiels pour 1 greffon de foie disponible. Afin d’enrayer cette conjoncture, le ministère de la Santé a lancé, en mars dernier, un nouveau plan quinquennal sur le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus.
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