« J’appelle les médecins à la responsabilité », François Braun, Ministre de la Santé et de la Prévention, Journal du Dimanche, 18 décembre 2022.
Vous la reconnaissez ? C’est la petite musique du Gouvernement, celle qui revient dès qu’il se trouve dans une situation complexe voire politiquement intenable et dont il voudrait justement ne porter aucune responsabilité.
Alors que les médecins libéraux annoncent un mouvement de grève reconductible à compter du 26 décembre, que de nombreux hôpitaux ont déclenché le plan blanc pour assurer la continuité du service public, que la France fait face à une triple épidémie de bronchiolite – grippe – covid, que des patients voient leurs opérations chirurgicales déprogrammées par milliers, bref, alors que le système de santé se désagrège, préparez-vous au retour de cette petite musique !
C’est plus facile – et moins emmerdant – de ne pas avoir à assumer l’attente interminable dans les services d’urgence, les brancards qui se multiplient dans les couloirs, les patients qui perdent une chance de se rétablir. C’est plus facile de culpabiliser les médecins – et surtout les grévistes – de la dégradation de l’offre de soins et de leur mettre sur le dos les catastrophes humaines qui pourraient bien arriver dans un contexte aussi dramatique pour la santé publique. C’est plus facile de se dédouaner maintenant, pour passer Noël l’esprit tranquille.
Les « héros » de la crise sanitaire ont bon dos. Jeunes Médecins rappelle qu’ils sont sur le front de toutes les épidémies, que si l’hôpital est dans un si mauvais état c’est à cause des logiques budgétaires et des politiques menées ces trente dernières années, et que les médecins libéraux quant à eux restent les grands oubliés du Ségur.
Dans ce contexte, la responsabilité c’est d’abord celle des dirigeants, seuls à mêmes de véritablement changer la donne en réorientant le budget de l’État au profit des enjeux de santé publique, en allouant des moyens supplémentaires pour rendre les carrières du soin attractives et réduire les délais de prises en charge de la population.
Le 5 août dernier, nous avons remis plus de 60 questions au Ministre de la Santé et de la Prévention, pour connaître sa position et obtenir son soutien à des mesures fortes pour sauver notre système de santé. Les mesures gouvernementales des cinq derniers mois n’ont apporté aucune réponse aux questions relatives à la valorisation du temps de travail additionnel, au déploiement difficile des assistants médicaux, au déplafonnement de la téléconsultation notamment en psychiatrie, aux difficultés rencontrées par les médecins à diplôme hors Union européenne, à la revalorisation des honoraires des médecins libéraux, au projet d’une « grande sécu », à la gouvernance et au management hospitaliers, à l’iniquité dans la grille de rémunération des praticiens hospitaliers, à l’impossibilité pour les contractuels de bénéficier de l’IESPE, aux effets délétères de la clause de non concurrence, à la libération du temps médical.
Cette semaine, dans la presse locale et nationale, le Ministre de la Santé et de la Prévention, se dit « à l’écoute » des soignants, et déterminé à « prendre soin » d’eux. Sa responsabilité, c’est de tenir parole, maintenant, pour endiguer la fuite des soignants : ceux qui démissionnent, ceux qui « déplaquent », ceux qui se déconventionnent, ceux qui sont arrêtés pour épuisement professionnel.
Il faut sortir de la logique de « gestion de crise » en continu, qui n’apporte que des réponses conjoncturelles à des problématiques structurelles, et donne un sentiment d’impréparation généralisé. Les épidémies hivernales sont connues de tous, tout comme le contexte hospitalier et libéral et les attentes – trop souvent déçues – des soignants.
À quelques jours de la fin de l’année, les organisations syndicales viennent d’être conviées par deux fois à un échange avec le Ministre sur la mobilisation des acteurs de santé et ont appris le lancement d’une mission flash pour « libérer du temps médical ». On a du mal à croire que la magie de Noël puisse changer la donne, mais Jeunes Médecins ne loupera pas ces occasions de rappeler à nos responsables politiques nos attentes collectives.
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