La proposition parlementaire de loi n° 362 dite « PPL Rist » a été adoptée en première lecture à l’Assemblée Nationale le 17 janvier 2023, selon un parcours législatif accéléré. Cette PPL permet, dans son article 1er, le primo-recours, primo- diagnostic et la primo-prescription aux infirmiers de pratique avancée. Ce texte, dont l’ambition à peine voilée est de créer un « Canada dry » de docteur, permettant d’irriguer l’ensemble des territoires, en ville et à l’hôpital, déserts médicaux compris, a été voté par 88 sur 577 députés élus des territoires : 73 votes pour, 15 abstentions, zéro vote contre.
Ce vote n’est pas sans rappeler les propos, dans la même Assemblée Nationale, de Guillaume Daignant en 1789, défendant le droit de tout patient de consulter n’importe quel professionnel de santé, dont une des conséquences fut la majoration des déserts médicaux, une médecine à deux vitesses, et dont la conclusion législative fut la loi du 19 ventôse an XI « Nul ne peut exercer la médecine ou la chirurgie sans avoir été reçu docteur » qui, jusqu’à mardi dernier, demeurait la clé de voûte de l’exercice professionnel médical.
Si la pratique avancée est inscrite dans la loi française depuis 2016, elle n’avait pas vocation, initialement, à traiter des pathologies d’urgence ou à autoriser l’accès direct, comme c’était le cas des « officiers de santé » de la période révolutionnaire. Cette évolution s’est prise sans la concertation avec les médecins, et contre leur avis, exprimé lors de rendez-vous et par voie de presse, et sans attendre l’expérimentation prévue au PLFSS 2022, dont le décret d’application a été examiné le 10 janvier 2023 : expérimentation qui n’a donc même pas débuté !
APH dénonce cette fuite en avant qui cherche à décider d’abord, et sans réfléchir avec les publics concernés.
APH affirme que l’exercice médical, qui plus est à l’hôpital, ne se conçoit que dans la coordination d’une équipe médicale et paramédicale, dont le médecin est, entre autres, le coordonnateur de la stratégie thérapeutique. Le médecin doit rester celui qui réalise le diagnostic et la stratégie thérapeutique, car seule la formation de médecin le permet.
APH s’interroge sur la préoccupation des élus pour la santé dans leur territoire, alors que tout le système de santé en France s’écroule : contrairement aux propos du ministre, l’adoption de cette PPL n’est pas la première marche de la refondation, bien au contraire.
APH regrette le principe de cette marche forcée qui clive les professionnels de santé, alors qu’au quotidien, ils exercent jusqu’ici de manière coordonnée en excellente entente.
APH demande le retrait de l’article 1 de la PPL Rist dans sa totalité, et met en garde sur les risques d’embrasement d’une profession qui subit la double peine : une attractivité en berne, notamment à l’hôpital, et des solutions non concertées et inquiétantes pour la santé des Français.
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