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PLFRSS 2023 : le Conseil de la CNSA émet un avis défavorable (Communiqué)

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Le 23 janvier 2023, le Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a été rendu destinataire pour avis d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) intégrant une réforme des retraites.

Réunis en Conseil extraordinaire le 2 février 2023, les membres du Conseil ont examiné ce PLFRSS pour 2023 dans le cadre de l’article L. 200-3 du code de la sécurité sociale dans sa version rénovée par la loi du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Eclairé notamment par les débats tenus en séance, le conseil, dans sa majorité, a émis un avis défavorable au texte dont il était saisi. Les représentants de l’État n’ont pas pris part au vote.

Résultat du vote

Pour : 12 voix – Contre : 18 voix – Abstentions : 5 voix – Ne prennent pas part au vote : 38 voix – Prises d’acte : 1 voix

L’avis motivé du Conseil de la CNSA

« Les membres du Conseil ont pris connaissance des mesures proposées dans ce projet de loi.

En tant que branche de sécurité sociale, la branche autonomie est particulièrement sensible à la nécessité d’équilibrer les comptes des différentes branches à moyen et long termes. Malgré le solde prévu pour les prochaines années pour la branche autonomie, les membres du conseil entendent rappeler que cette question de l’équilibre n’est pas, à leurs yeux, encore assurée pour la branche compte tenu des enjeux de financement induits par la transition démographique. Une grande loi autonomie s’avère nécessaire pour répondre aux besoins des personnes âgées, des personnes en situation de handicap et de leurs proches pour les prochaines années. Concernant l’équilibre proposé pour la branche vieillesse, ils souhaitent alerter sur l’impact potentiel d’un allongement de la durée du travail sur l’équilibre des autres branches, en particulier pour les professions présentant un niveau élevé de pénibilité, si cette dernière n’était pas bien prise en compte. Ils rappellent à ce titre les conclusions de l’INSEE et de l’observatoire des inégalités sur l’existence de différences d’espérance de vie en bonne santé entre les catégories sociales et la nécessité de lutter contre ces inégalités.

Concernant les mesures de prévention et de réparation de la pénibilité au travail, le conseil alerte sur la nécessité de prendre en compte la situation spécifique des professionnels du secteur de l’autonomie en établissement et à domicile, particulièrement exposés à la pénibilité et à l’usure, y compris psychologique, et aux difficultés de maintien dans l’emploi pour les séniors. Ses membres entendent rappeler les conclusions du rapport remis par Myriam El Khomri relatif au plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand-âge, selon lequel le secteur se trouve affecté par la dégradation des conditions de travail et présente un taux d’accidents du travail / maladie professionnelle et d’absentéisme parmi les plus élevés, devant le secteur du BTP, ainsi que les conclusions de différents rapports proposant une augmentation du nombre de personnels en établissement et à domicile. Pour cette raison, il leur apparaît impératif que les mesures d’assouplissement des modalités de points au titre du C2P soient pensées de façon à en faire bénéficier les professionnels du secteur de l’autonomie par la prise en compte des spécificités des tâches qu’ils doivent accomplir et de ces métiers. Les parcours de reconversion professionnelle qui seront proposés devront également s’adresser à ces professionnels et leur donner des perspectives au sein même du secteur et au-delà de ce dernier.

Les métiers de l’autonomie sont aussi des métiers fortement féminisés et qui conduisent bien souvent à des carrières hachées et à de faibles salaires. Les membres du conseil souhaitent que les professionnels du secteur puissent bénéficier du relèvement à 85 % du SMIC du minimum de pension pour les retraités partant à la retraite dès septembre 2023, de l’indexation de ce minimum sur le SMIC au moment du départ à la retraite, ainsi que la hausse de 100 € appliquée aux retraités actuels ayant cotisé au moins 120 trimestres et bénéficiant du minimum de pension, mais ils craignent que ces professionnels ne se heurtent en réalité aux conditions posées par le texte au regard des difficultés qu’ils éprouvent souvent à remplir les conditions pour bénéficier du taux plein. Ils considèrent par ailleurs que la prise en compte des trimestres validés au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) pour l’attribution de la majoration du minimum contributif et pour le dispositif de carrières longues est très insuffisante pour réduire les inégalités entre les femmes et les hommes.

Les membres du conseil prennent acte de la création de l’assurance vieillesse des aidants (AVA) et de l’élargissement du dispositif actuel de validation de trimestres à davantage d’aidants par la prise en compte des personnes extérieures au cercle familial, celles qui ne résident plus au domicile de la personne aidée ou encore des aidants d’enfant ayant un taux d’incapacité inférieur à 80 % et éligible à un complément de l’AEEH. Ils reconnaissent la volonté d’unifier un système aujourd’hui complexe, mais souhaitent toutefois alerter sur le fait que le rôle des aidants est insuffisamment reconnu à l’heure actuelle au regard de leur contribution à la politique d’autonomie et à la soutenabilité du système, et que cette réforme ne parvient pas à prendre en compte la réalité de la situation des aidants, exposés à la fois à une usure et à des carrières très hachées ou arrêtées précocement. Ils regrettent notamment que ce droit soit, dans le texte, limité à 4 trimestres et tiennent à rappeler que le congé de proche aidant (CPA), qui constitue une des voies d’affiliation à ce dispositif, se trouve actuellement largement sous-employé par rapport au nombre d’aidants en activité, comme le montrent les derniers rapports sur ce sujet. Il leur apparaîtrait opportun que de nouvelles mesures soient prises pour augmenter le recours à ce congé et à l’allocation journalière du proche aidant (AJPA). Concernant le financement de l’AVA, les membres du conseil s’inquiètent de l’absence de compensation de cette réforme qui représente pour la branche un coût évalué à 140 M€ par an. Ils appellent à ce que ces dépenses soient compensées par de nouvelles recettes.

Les membres du conseil ont également exprimé de très fortes réserves sur les mesures formulées en direction des personnes invalides ou en situation de handicap. Il leur apparaît en effet contestable de présenter certaines mesures de statu quo ou de faible avancée telles que le maintien de la retraite anticipée pour inaptitude à 62 ans et pour handicap à 55 ans, ou la réduction de la durée d’assurance nécessaire pour accéder à la retraite anticipée, comme des progrès sociaux. Avec des taux de chômage et de pauvreté largement supérieurs à la moyenne nationale, une fatigabilité importante et des carrières en dents de scie, les personnes en situation de handicap sont fortement pénalisées à l’âge de la retraite. La réforme proposée n’apporte pour la majorité des membres du conseil aucune réponse à la hauteur des enjeux et va même renforcer la précarisation de ces personnes.

Enfin, les membres du conseil constatent que plusieurs mesures, telles que le calcul des trimestres dans le cadre de l’AVA ou celles relatives à la pénibilité, nécessitent pour leur mise en œuvre la parution de décrets. Ils seront donc attentifs à ce que ces derniers respectent les ambitions énoncées dans la loi pour ces mesures.

Ils ont également pu exprimer leurs positions respectives sur l’opportunité globale de la réforme. Ces dernières seront annexées au présent avis. »

 

Contact : maxime.lemen@cnsa.fr

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