Les « négociations » se sont donc terminées hier, comme elles avaient commencé : par un arrêt autoritaire du directeur de l’Assurance Maladie. Comme une sorte de pièce rendue, à la suspension unitaire des négociations par les syndicats représentatifs, lors de la première plénière, probablement mal digérée par celui-ci.
Soyons clair, et sans état d’âme, ces négociations n’en sont pas
Une lettre de cadrage, qui reproduit point par point les axes définis par le président de la République, et un directeur de l’Assurance Maladie, chargé de construire un texte conventionnel qui mette en application cette lettre de cadrage.
Des séances plénières ou le directeur écoute, mollement, les représentants des médecins, écarte chaque revendication tarifaire, et justifie le cadre du texte conventionnel : l’engagement territorial, par … la demande du président de la République…
La réalité est là, l’explication est là. Il n’y a pas de négociations, car il ne peut pas y avoir de négociations, dès l’instant où l’oukase présidentiel tombe sur le haut fonctionnaire. Ne reste que l’application, modifiée de quelques marges. Et la marge… c’est là où nous faisions les dessins quand nous étions petits, bref, ce n’est jamais très sérieux…
Le président a ordonné vouloir des médecins qui s’engagent, face aux 6 millions de Français sans médecin traitant et aux 657 000 patients en Affection de Longue Durée (ALD) également sans médecin traitant. Peu importe que ces chiffres ne soient pas détaillés, pas analysés. Ils choquent, c’est le propre de leur fonction. Et, comme ils choquent, il faut désigner un responsable et coupable : le médecin libéral fera l’affaire. Responsable : il ne travaille pas assez. Coupable : il devra s’engager à travailler plus. Le président l’a dit, il faut l’appliquer.
Le texte conventionnel tourne, dès lors, le dos au réel, oublie la logique et construit encore et encore l’échec des années à venir… à moins que… nous y reviendrons…
Il y a des années a été prise la décision de diminuer le nombre des médecins. Nous en payons encore lourdement les conséquences. Cette décision fut prise par des hommes qui géraient l’instant et non l’avenir. Rien n’a changé. Nous pouvons l’affirmer, ce texte conventionnel porte en lui les mêmes germes. Il est construit sur le manque et sa gestion immédiate. Il ne vise pas à porter des solutions curatives, mais bien à délivrer des solutions palliatives. Il répond à une réalité fantasmée, et organise la disparition de la médecine libérale telle que nous la connaissons, et comme de la crise, naissent les monstres, il ouvre la voie à la financiarisation. Rien dans ce texte n’aborde la construction de l’attractivité de l‘exercice libéral et de la facilitation de l’installation, rien.
Ce texte, en un cynisme méprisant, propose le choix entre le risque économique et l’engagement dans un contrat de travail construit sans respect du Code du travail. Le choix d’une augmentation tarifaire de 1,50 euro, soit à peine l’inflation, pour un acte de base non réévalué depuis 6 ans et qui ne le sera plus pendant au minimum 5 ans, sous une inflation galopante, qui en 2 ans, sera égale à celle des 10 dernières années. Il n’a qu’une fonction : mettre sur la tempe du médecin, le revolver de la fragilité économique engendrée par son exercice, et l’engagement à travailler plus, beaucoup plus.
Il est ainsi proposé l’ouverture du cabinet 50 semaines par an, ou 24 samedi par an, l’augmentation régulière des patientèles (50 patients par an, ce qui en 5 ans fait tout de même 250 patients de plus) et peu importe la difficulté ou l’irréalisme de la proposition, le fait d’adresser un pourcentage non négligeable de ses patients aux Infirmiers en pratiques avancées (IPA), de répondre au Service d’accès aux soins (SAS) au moins 5 fois par mois (c’était même 15 fois au début), de participer à la Permanence de soins ambulancière (PDSA), de réaliser ses actes en tarifs opposables, et en tiers payant pour la part Assurance Maladie Obligatoire (AMO). Tout cela pour percevoir, fin 2024, le bénéfice de son engagement à l’épuisement, et au risque médico-légal!
Ce texte n’a rien de logique, rien de médical. Il lie les augmentations tarifaires légitimes à un engagement qui n’a pas lieu d’être. Les médecins libéraux ne sont ni des agents de la fonction publique ni des salariés dont l’employeur s’arrogerait le droit de se délivrer de tout respect du Code du travail.
La signature d’une telle convention qui organise les déplaquages et la non-installation des plus jeunes, créerait une jurisprudence contractuelle. Plus aucune discussion tarifaire des médecins libéraux ne se ferait sans engagement à faire toujours plus, pour répondre aux besoins politiques du moment. Ce serait dès lors, la fin du modèle même de l’exercice libéral.
Cela, l’UFML-S l’a compris dès le début de la comédie des négociations. En ce sens nous avons toujours été clairs, nous ne pouvons signer ce texte dangereux pour les médecins et donc dangereux pour les patients.
C’est en ce sens que nous avons organisé dès la fin de ces « négociations » les assises du déconventionnement, pour explorer une nouvelle voie et pouvoir ainsi la construire tout en protégeant celles et ceux qui s’y engagent, disposer par la même, d’une force politique d’imposition de retour à de vraies négociations ou de mise en œuvre d’un nouvel avenir.
Nous y sommes …
Les 3 et 4 mars à Cité internationale universitaire de Paris se tiendront les assises du déconventionnement
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