Action Praticiens Hôpital a pris acte du bilan sans équivoque exposé le 5 janvier 2023 par le Président de la République sur les échecs itératifs d’une méthode globale qui dure depuis deux décennies et qui a systématiquement écarté les acteurs de terrain des décisions en creusant la désertification médicale des territoires pour un accès aux soins de qualité et en sécurité pour tous nos concitoyens. L’absence de politique de santé visionnaire était ainsi entérinée.
APH s’insurge sur la litanie qui explique à la population que le Ségur de la Santé a soldé les comptes pour l’Hôpital Public. Quand sur les 15 dernières années, il manque pour l’ONDAM hospitalier entre 150 et 200 milliards d’euros, insister sur les 19 milliards de rattrapage alloués nous interroge. Ce sous-financement est-il devenu la norme avec des malades qui dorment plusieurs heures ou jours sur des brancards aux urgences ? Aujourd’hui, dire que l’hôpital est défaillant, que la qualité et la sécurité des soins ne correspondent pas aux attendus et qu’il existe des pertes de chance pour les patients est banalisé : c’est devenu une fatalité, une normalité.
Comment les professionnels de santé peuvent-ils encore trouver du sens à leur métier dans de telles conditions ?
Action Praticiens Hôpital a entendu, le 30 janvier 2023, le Ministre de la Santé et de la Prévention et la Ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriales et des Professions de santé qui ont annoncé le grand changement en dix points avec une mesure phare qui le 3 avril 2023 marquera la mise en action définitive du plan national pour lutter contre l’« intérim hospitalier cannibale ». L’application de l’article 33 de la « loi Rist » de mars 2021, après un premier recul salvateur en octobre 2021, obligera à plafonner les émoluments perçus par nos collègues intérimaires à 1170 euros bruts pour 24 heures de garde.
Action Praticiens Hôpital alerte le gouvernement sur l’ineptie de cette mesure, qui si elle n’est pas accompagnée pour les praticiens en poste d’une juste reconnaissance de leur dévouement en valorisant le travail de celles et ceux qui vont devoir encore écoper dans le navire « hôpital usine » qui prend l’eau de toute part, entraînera une dégradation de l’accès aux soins, de leur qualité et de leur sécurité et de notre qualité d’exercice.
Action Praticiens Hôpital rappelle au gouvernement que l’intérim permet à certains directeurs d’hôpitaux de maintenir une présence médico-chirurgicale pour garantir la continuité d’un accès au soin sur le territoire. L’intérim autorise aussi à certains médecins de choisir leur organisation de travail et en travaillant moins d’avoir des émoluments supérieurs car chaque heure travaillée est décomptée et rémunérée. La majorité des médecins intérimaires sont des professionnels de santé engagés dans le soin : ils ont choisi dans ce mode d’exercice une qualité de vie et d’exercice conforme à leurs attentes. Action Praticiens Hôpital précise que certains statuts hospitaliers permettent à d’autre praticiens d’avoir, sous couvert d’un statut de contractuel, des émoluments bien supérieurs à ceux des intérimaires.
Le statut de praticien clinicien a effectivement disparu dans les suites du Ségur mais aujourd’hui certains praticiens contractuels perçoivent jusqu’à 2 600 euros mensuels de plus que les sommes que percevaient les praticiens cliniciens et ceci en toute légalité. Ainsi avec une charge de travail équivalente, ces salaires atteignent parfois le double de celui des praticiens titulaires. Si l’intérim est qualifié de « cannibale », comment doit-on désigner ce type de contrats ?
Le 3 avril, une vague de fermetures d’unité de proximité mais également d’autres services dans des structures hospitalières plus conséquentes semble se profiler. Il va être demandé une nouvelle fois aux praticiens d’annuler leurs congés, leurs formations et surtout de bien vouloir venir travailler encore plus que leurs obligations maximales de service de 48 heures hebdomadaires quand elles sont payées sur une base de 39 heures. Dans certains hôpitaux, il pourrait être proposé à des praticiens dont les unités vont devoir fermer d’aller travailler dans d’autres centres hospitaliers dans la cadre d’une solidarité territoriale en bénéficiant d’une prime.
Ce tetris sanitaire s’organise à marche forcée et les ARS comme certaines directions hospitalières sont dans une dynamique qui pourrait nous conduire à un désastre sanitaire mais également à une nouvelle vague de départs de praticiens hospitaliers lassés de ne pas être considérés comme il se doit, épuisés de ne pouvoir faire leur métier en assurant la qualité et la sécurité des soins qu’ils doivent à leurs malades.
Action Praticiens Hôpital attend un véritable plan d’action pour le sauvetage de l’Hôpital Public incluant un volet social pour que nous puissions exercer dans des conditions simplement plus humaines tout en respectant la dignité des malades qui nous sont confiés.
Action Praticiens Hôpital demande que le financement de la santé soit abordé autour du besoin de soins de nos concitoyens en intégrant les ratios soignants-praticiens et malades pour une plus juste allocation des moyens, élément majeur systématiquement oublié dans les discours du gouvernement.
Action Praticiens Hôpital rappelle que le temps de travail de très nombreux praticiens hospitaliers est invisibilisé par les directions hospitalières grâce à un système opaque. APH rappelle à ce titre la décision du Conseil d’Etat de juin 2022 qui stipule clairement à tous les directeurs des établissements de santé la nécessité de comptabiliser et de faire apparaître comme la loi le leur impose le nombre d’heures de travail réalisées par les praticiens hospitaliers. Décision toujours ignorée par la grande majorité des directions hospitalières.
APH exige que l’injustice sur la pénibilité de la Permanence des Soins, mission qui repose quasi exclusivement sur les praticiens hospitaliers, soit immédiatement corrigée en l’intégrant de manière rétroactive pour la prise en compte de nos retraites.
Dans un but d’équité et de reconnaissance, Action Praticiens Hôpital demande au Ministre de la Santé et de la Prévention, à la Ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriales et des Professions de santé :
- La mise en place d’un nouveau système de financement Santé basé sur la pertinence et la qualité des soins intégrant les ratios soignants – praticiens avec les besoins de soins de nos concitoyens ;
- Une gouvernance humanisée, plus sociale et plus démocratique pour organiser la réponse sanitaire hospitalière depuis ;
- L’ouverture immédiate du chantier de la permanence des soins avec un pilotage porté par les représentants élus des soignants et des praticiens et non par l’IGAS ;
- La juste considération de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ;
- Le décompte réel du temps de travail et son affichage pour faire valoir nos droits et la prise en considération de l’exacerbation d’une pénibilité qui sur les horaires de la Permanence des Soins repose quasi exclusivement sur le système hospitalier ;
- La restitution immédiate des 4 années d’ancienneté spoliées au décours du Ségur pour les praticiens nommés avant octobre 2020.
Action Praticiens Hôpital, conformément aux principes portés par celles et ceux qui ont construit notre système de santé solidaire, se rappelle de Saint Exupéry : « L’avenir, tu n’as point à le prévoir mais à le permettre. ». Action Praticiens Hôpital portera ce combat.
Contact : jf.cibien@sudf.fr