La raison d’être d’un dispositif « Mesures Transitoires » est de permettre aux établissements de santé et aux professionnels de soins de maintenir l’offre de soins et non pas de complexifier l’organisation des blocs au détriment de la sécurité des patients.
Le Conseil National Professionnel des infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État souhaite réagir aux derniers travaux initiés par la DGOS au sujet des mesures transitoires en rappelant que SEULE la formation IBODE spécialise les IDE à la prise en soins spécifique des patients au bloc opératoire, garantissant la qualité et la sécurité des soins aux patients.
Le CNP IBODE réaffirme que confier des actes à des IDE dont la qualification est très hétérogène, aléatoire et ne pouvant être garantie, constitue une rupture dans le contrat soigné/soignant et la charte de la personne hospitalisée qui doit garantir une obligation de moyens et de qualité des soins, ainsi qu’une information accessible, intelligible et loyale permettant au patient de donner son consentement libre et éclairé pour la réalisation des actes de soins dont il a besoin.
Dans sa décision du 30 décembre 2021, le Conseil d’État – saisi notamment par l’Union des chirurgiens de France (UCDF) et la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) – demande au Premier ministre d’adopter de nouvelles dispositions réglementaires concernant le dispositif transitoire vers les actes exclusifs des IBODE. Le Conseil d’État estime que le décret du 29 janvier 2021 « en tant qu’il se borne à prévoir un dispositif transitoire limité aux seuls actes d’aide à l’exposition, à l’hémostase et à l’aspiration réalisés au cours d’opérations chirurgicales — soit trois actes exclusifs IBODE — méconnaît le principe de sécurité juridique ».
Le ministère de la santé avait 4 mois pour produire un nouveau texte, en vue de permettre l’accomplissement des actes relevant désormais de la compétence exclusive des IBODE « par un nombre suffisant d’infirmiers diplômés d’État. »
Les mesures transitoires, même si elles sont incontournables du fait de l’impossibilité pour les IBODE d’occuper tous les postes ouverts à l’offre de soins, sont des dispositions temporaires mises en place pour faire face à une situation particulière, généralement pendant une période de transition ou de changement. En ce sens, elles ont la nécessité d’exister pour gérer les effets d’un changement important, pour fournir une stabilité temporaire et pour annoncer et faciliter la mise en place de politiques ou de réglementations qui doivent devenir permanentes, incontestables et incontournables, c’est-à-dire à terme, une exclusivité de fonction pour les IBODE et une obligation de formation à ce métier pour tous ceux qui désireraient accéder à ces pratiques.
Même si l’effort de formation des établissements de santé, largement dominé par le secteur public, est continu mais partiel, il reste largement insuffisant !
Il est insuffisamment investi notamment par nombre d’établissements de santé privés, et ce malgré les injonctions des pouvoirs publics et les remarques du Conseil d’État qui dans sa décision N° 434004 du 30 décembre 2021 rappelait « qu’il apparaît ainsi qu’alors que le déficit structurel d’infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État peinait à être comblé, du fait notamment d’une insuffisance de personnel en formation dans les vingt-cinq écoles spécialisées qui, […], remplies qu’à 80 %, […]
Ainsi, en l’absence persistante d’un nombre suffisant d’infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État, le bon fonctionnement des blocs opératoires rendait nécessaire que, malgré le dispositif transitoire déjà mis en place par le décret du 28 juin 2019, un nombre plus important d’infirmiers diplômés d’État y exerçant, dont seuls certains d’entre eux étaient désormais autorisés à réaliser les seuls actes d’aides à l’exposition, à l’hémostase et à l’aspiration en application du décret litigieux, puisse accomplir, non seulement ces actes, mais aussi des actes qui, en vertu des dispositions du a) du 1° et du 2° de l’article R. 4311-11-1, relèvent, depuis l’entrée en vigueur de cet article, de la compétence exclusive des infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État. »
Aujourd’hui, les IBODE suivent une formation exigeante, d’une durée de 4 semestres universitaires, comportant des enseignements théoriques et cliniques abordant la très grande majorité des savoirs nécessaires à l’exercice paramédicale en bloc opératoire, y compris pour accomplir l’ensemble des actes exclusifs IBODE, leur permettant d’acquérir l’ensemble de 9 compétences nécessaire à l’exercice de ce métier.
À ce titre, il serait absolument incompréhensible et inconcevable que des infirmiers qui suivraient uniquement 28 ou 21 heures de formation non spécifique au bloc opératoire, obtiennent une autorisation d’exercice pour accomplir l’ensemble des actes exclusifs IBODE dans des conditions relativement similaires, sans qu’aucune contrepartie ne soit donnée aux IBODE pour leur assurer que ce dispositif ne soit que temporaire, qu’il débouche sur une exclusivité de fonction et que l’obligation de formation soit bien formulée de manière ferme et non négociable quel que soit les circonstances.
Ainsi, pour qu’elles soient acceptables, ces mesures transitoires doivent :
- S’inscrire dans une temporalité définie, déterminant une date butoir d’inscription
- Préciser le nombre exact des IDE nécessaires à tenir ces postes pour n’ouvrir cette possibilité qu’uniquement au nombre utile des personnes à ces postes et en interdire de nouveau accès.
- Prévoir un contrôle précis et rigoureux des profils des IDE demandant l’intégration dans le dispositif afin de ne pas voir « fleurir » de fausses déclarations et/ou attestations, la production des contrats de travail avec fiches de salaire pourraient permettre d’éviter cela
- Permettre la vérification et le contrôle des établissements de santé et des chirurgiens employeurs quant à la qualité des personnes affectées à ces postes et la réalité de leur autorisation d’exercice
- Rendre impossible pour toutes personnes dans le futur, d’entrer dans ce dispositif ou dans un autre dispositif de la sorte, quelle que soit la conjoncture, quelle que soit la politique menée par certains établissements de santé en matière de formation professionnelle.
- Rendre impossible toute manœuvre ou politique de lobbying du moins offrant auprès des pouvoirs publics, visant à négliger la formation des professionnels et l’accès à la formation.
- Ouvrir une large politique de formation IBODE obligatoire pour tous les IDE souhaitant travailler au bloc opératoire donnant accès au financement de la formation même quand leur employeur refuse d’en assumer la charge.
- Inscrire une obligation réglementaire de formation IBODE pour accéder aux fonctions et à la profession IBODE »
Alain CARTIGNY
Président du CNP IBODE presidencecnpibode@gmail.com