Un nouveau rapport du Conseil International des Infirmières (CII) indique que la pénurie mondiale d’infirmières doit être traitée comme une urgence sanitaire mondiale. Selon le rapport, les systèmes de santé à travers le monde ne pourront se relever et être reconstruits que si l’on investit suffisamment dans des personnels infirmiers bien outillés.
Le rapport, Recover to Rebuild: Investingin the Nursing Workforce for HealthSystem Effectiveness (Se relever pour reconstruire – Investir dans les personnels infirmiers pour des systèmes de santé efficaces – La version française de ce rapport sera bientôt disponible.), coécrit par le professeur James Buchan et Howard Catton, le Directeur général du CII, prend le relais du rapport d’analyse du CII Pérenniser et fidéliser les effectifs en 2022 et au-delà, publié l’année dernière, et qui soulignait les lourdes répercussions de la pandémie sur les infirmières et les effectifs infirmiers dans le monde.
Se relever pour reconstruire cite plus de 100 études, qui montrent que 40 à 80 % des infirmières déclarent avoir ressenti des symptômes de détresse psychologique, le taux de volonté de départ des infirmières atteignant 20 % ou plus, et le taux de roulement annuel dans les hôpitaux augmentant de 10 %, voire plus.
Le rapport expose le rôle vital et souvent dangereux joué par les infirmières durant la pandémie et présente des données factuelles d’études sur les infirmières menées en Afrique du Sud, en Allemagne, en Australie, en Belgique, au Canada, dans les Émirats arabes unis, en Espagne, aux États-Unis d’Amérique, au Ghana, en Inde, en Iran, en Irlande, en Jordanie, en Malaisie, au Mexique, en Norvège, aux Pays-Bas, dans les Philippines, en Pologne, en République de Corée, en République tchèque, en Roumanie, au Royaume-Uni, en Suède et dans d’autres pays. Ces données révèlent à quel point l’effet COVID-19 a aggravé la fragilité de nos systèmes de santé, mais également le besoin radical d’investissements substantiels et durables.
Pamela Cipriano, la Présidente du CII, a déclaré : « Notre rapport confirme ce que nous affirmons depuis le début de la pandémie : les infirmières ont été en première ligne, et souvent sous le feu nourri, et cela a fait des ravages. Les infirmières sont les professionnelles qui peuvent nous sortir de ce marasme postpandémie qui touche les soins de santé, mais elles ne peuvent agir que si elles sont en nombre suffisant, si elles sont soutenues et rémunérées comme il faut, et si les systèmes de santé fragiles dans lesquels elles travaillent sont régénérés grâce à des investissements importants des pouvoirs publics, partout dans le monde. »
« Les systèmes de santé fonctionnent partout à flux tendus à cause de la pénurie d’effectifs, et les dirigeants sont bien conscients que le personnel est la clé pour régler la crise des soins de santé. Dans notre rapport, nous avons souligné les besoins, mais seuls les responsables publics peuvent y répondre. Les investissements réalisés par les responsables politiques dans les personnels infirmiers et les systèmes de santé contribueront à rendre accessible la couverture sanitaire universelle et à assurer un retour sur investissement à la population pour les décennies à venir.
Mais le temps presse. On ne peut plus ignorer les solutions et des mesures décisives doivent être prises dès maintenant. Les infirmières sont la force vive primordiale pour bâtir des collectivités en meilleur état de santé, et donc avoir des travailleurs en bonne santé, la sécurité sanitaire et la sécurité économique. »
Le rapport indique que le stress, le surmenage, les arrêts de travail et les grèves qui touchent le personnel infirmier sont des symptômes de l’état précaire dans lequel se trouvent actuellement les soins de santé, et qu’il faut y remédier de toute urgence si l’on veut que les infirmières assument avec succès leur rôle central dans le relèvement des systèmes de santé à l’échelle mondiale.
Elle a ajouté qu’on ne peut pas tout faire reposer sur la résilience des infirmières et que les pouvoirs publics doivent assumer leurs responsabilités et corriger leurs erreurs de planification et de stratégie, à l’origine d’une pénurie chronique d’infirmières dans le monde.
Selon le rapport, de nombreux pays n’ont pas suffisamment investi dans la formation pour disposer d’infirmières en nombre suffisant et ainsi satisfaire les besoins de leur population, ce qui entraîne une surcharge et un surcroît de travail pour le personnel en place, ainsi qu’une dépendance à l’égard de la solution rapide qui consiste, pour les pays plus riches, à recourir au recrutement international, néfaste et non durable.
Les pays qui ont une longue tradition de formation d’infirmières « à l’export » font également face à des problèmes. L’Inde connaît actuellement une forte augmentation de la demande d’infirmières au niveau national, et les pouvoirs publics dans les Philippines ont reconnu une pénurie de 350 000 infirmières, ce qu’avait préalablement souligné l’Association philippine des infirmières.
Howard Catton a déclaré : « La pénurie mondiale d’infirmières doit être considérée comme une urgence sanitaire mondiale et se relever de la situation actuelle doit constituer une priorité pour les pouvoirs publics partout dans le monde. »
« L’année dernière, nous avons communiqué des données montrant les immenses répercussions de la pandémie sur le bien-être des infirmières, et nos toutes dernières données montrent que non seulement les effets préjudiciables de la pandémie se poursuivent, mais qu’ils s’accentuent. De nombreuses infirmières quittent la profession et celles qui restent sont si préoccupés des contrecoups de la pandémie sur la sécurité des patients et le bien-être de leurs collègues qu’elles n’ont d’autre choix que de mener des actions revendicatives, voire des grèves. »
« Tout cela se produit alors qu’il y a d’énormes retards de prise en charge des soins, une hausse de la demande en santé et une noble ambition au niveau mondial d’assurer la santé pour tous. Reconstituer les effectifs infirmiers est une condition préalable fondamentale à la reconstruction de nos systèmes de santé, et penser le contraire est pur fantasme. Et sans des effectifs infirmiers dans le monde qui soient pérennes et justement répartis, réaliser la santé pour tous restera un vœu pieux. »
James Buchan, professeur adjoint à l’Université de Technologie de Sydney (Australie), a déclaré :
« La situation actuelle est le résultat direct du manque d’action et d’absence de vision à long terme et de plan pour les effectifs infirmiers dans le monde. Les traumatismes de la pandémie ont fait d’énormes dégâts aux personnels infirmiers, et devoir reconstruire nos services de santé est un poids supplémentaire à porter. »
« Sans infirmières en nombre suffisant, motivées, formées et soutenues, le système de santé mondial ne peut être reconstruit. Il faut des réponses stratégiques coordonnées, tant au niveau national qu’international, qui assurent protection et appui au personnel infirmier dans le monde afin qu’il puisse de façon efficace jouer son rôle vital dans la reconstruction de nos systèmes de santé. »
Le rapport indique que pour remédier à la situation actuelle, les pouvoirs publics doivent prendre des mesures urgentes et planifier plus concrètement l’avenir.
Parmi les mesures qui doivent être prise immédiatement, il faut actualiser le rapport 2020 de l’Organisation mondiale de la Santé et du CII sur La situation du personnel infirmier dans le monde, évaluer l’impact des politiques publiques sur les personnels infirmiers, s’engager à soutenir l’accès rapide à des schémas de vaccination complets pour l’ensemble des personnels infirmiers et établir des niveaux sûrs de dotation en personnel.
Des plans devraient également être mis en place pour examiner et, le cas échéant, renforcer les capacités des systèmes nationaux de formation des infirmières, contrôler le degré d’autosuffisance en termes d’infirmières formées dans le pays, investir dans le recrutement et la fidélisation des infirmières et améliorer les perspectives professionnelles des infirmières.
En outre, un accord doit être conclu pour appliquer et mesurer des approches concrètes et éthiques de la gestion du recrutement international d’infirmières, ainsi que l’engagement à investir pour rendre pérennes les effectifs infirmiers dans les petits États, les États à revenu faible et les États fragiles, qui sont le plus durement atteints par la pandémie et dont le personnel est le plus susceptible d’être visé par le recrutement international.
Note :
Le Conseil International des Infirmières (CII) est une fédération de plus de 130 associations nationales d’infirmières, représentant les millions d’infirmières et d’infirmiers dans le monde. Géré par des infirmières et à l’avant-garde de la profession au niveau international, le CII œuvre pour des soins de qualité pour tous et pour des politiques de santé solides, partout dans le monde.
Contact presse : madarasz@icn.ch