Cette décision instaure ainsi un accès aux soins à deux vitesses sur les territoires et porte un coup majeur au déploiement des CPTS, par un manque de confiance des parlementaires dans les professionnels de santé.
L’Ordre National des Infirmiers exprime son incompréhension devant l’issue de la commission mixte paritaire qui a examiné le 6 avril la proposition de loi sur l’amélioration de l’accès aux soins.
La Commission a certes retenu des dispositions qui constituent de réelles avancées : l’évolution des compétences de l’ensemble des infirmières et infirmiers de France dans le domaine des plaies et cicatrisations ; leur intégration à la permanence des soins ; l’ouverture de l’accès direct et de la Primo-prescription aux Infirmiers en Pratique Avancée dans le cadre d’un exercice coordonné.
Mais le choix fait de ne pas réintégrer dans la loi les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé, qui sont précisément les structures qui permettraient de faire vivre l’exercice coordonné des professionnels au service des patients, est à la fois incohérent et incompréhensible, puisque cette disposition avait été votée à l’unanimité par l’Assemblée avant d’être repoussée par le Sénat. Cette position était aussi soutenue par les associations de patients et l’ensemble des travaux scientifiques sur les CPTS en montrait les bénéfices. Corporatisme, insultes, menaces et désinformations auront eu raison de l’intérêt du patient.
Cette décision fragilise considérablement l’équilibre et la portée du texte. Elle ressort d’un réflexe corporatiste qui donne la priorité à la défense des intérêts de certains plutôt qu’à l’intérêt supérieur des patients, et notamment des 6 millions de Français qui n’ont pas accès à un médecin traitant. Là est vraiment la médecine à deux vitesses : entre ceux qui ont un médecin traitant et ceux qui n’en ont pas ! Pour rappel, la première mission des CPTS est de faciliter l’accès à un médecin traitant et cette suppression, faite sans aucune argumentation, va à l’encontre de cet objectif.
L’expérimentation extrêmement limitée retenue dans la loi témoigne aussi d’un manque de considérations envers les expériences menées par les professionnels de terrain qui, au quotidien, collaborent avec efficacité dans les CPTS au service des patients, et qui espéraient pouvoir franchir un nouveau cap avec cette loi.
Cela crée de facto une France à 2 vitesses pour l’accès aux soins entre les zones où les expérimentations se déroulent et celles qui sont maintenues dans le statu quo.
Enfin, ce choix de la non-réintégration des CPTS témoigne d’un manque de reconnaissance des compétences et de l’engagement des infirmiers à qui on demande toujours plus – en termes d’horaires, d’implication personnelle, d’acceptation de la pénibilité de leur métier – sans leur donner les éléments de considération auxquels ils ont droit.
« Nous n’avons plus le temps d’attendre et de prendre des demi-mesures. Car les non-choix d’aujourd’hui amènent le système de santé de notre pays dans le mur.
En conséquence, l’Ordre National des Infirmiers appelle à un sursaut des pouvoirs publics pour prendre enfin les décisions nécessaires permettant la montée en compétence des infirmiers au service des patients, notamment par la réforme urgente du décret de compétences infirmières, mais aussi par la fin du protocole liant IPA et médecins, protocole qui n’a aucune base légale et qui porte atteinte au libre choix des patients.
Ni les professionnels, ni les patients ne peuvent attendre plus longtemps. A trop vouloir protéger les intérêts corporatistes d’un autre temps, on instaure de facto une prise en charge à deux vitesses et on crée des territoires oubliés de la République en matière d’accès aux soins », explique Patrick Chamboredon, président de l’Ordre National des Infirmiers.