Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président-directeur général de la RATP,
L’alcool est une drogue, un poison ; l’alcoolisme est une addiction durable qui détruit l’être humain sa famille et la société. Il détruit la santé, le travail, le psychisme de celui qui le consomme comme la vie de son entourage, ou de tiers. 12% des Français adultes, soit 6 millions de personnes consomment 5 verres de vin + 1 verre de spiritueux par jour, 8%, soit 4 millions de personnes consomment 12 verres de vin + 4 bières + 4 verres de spiritueux/jour (50% de la consommation totale en France). Aussi, les plus jeunes adoptent depuis plusieurs années le « binge driking », l’alcoolisation massive du vendredi soir recourant notamment de plus en plus aux spiritueux, ceux dont la RATP a autorisé la publicité.
L’alcool c’est un cortège de maladies chroniques et d‘accidents graves, c’est 41 0001 décès prématurés chaque année, dont 30 000 décès chez les hommes et 11 000 chez les femmes. Ceci inclut 16 000 décès par cancers, 9 900 décès par maladies cardiovasculaires et 6 800 maladies digestives. C’est aussi un cortège de victimes directes et indirectes injustement frappées, des familles et des enfants violentés, des femmes et des enfants parfois tuées, des bébés alcoolisés in utero (le syndrome d’alcoolisation fœtale touche environ 1 000 enfants par an en France), des personnes accidentées de la route tuées ou handicapées à vie, et accidentées du travail, c’est aussi des services et entreprises en tension, des animaux torturés, des unités d’urgences débordées par des accidents domestiques et des victimes évitables… et aussi des pertes économiques lourdes pour l’Assurance maladie et la société en général.
Monsieur le Président-directeur général de la RATP, vous ne pouvez être indifférent aux effets de la campagne de publicité sur vos lignes de transport de décembre 2022, à janvier 2023 ; les écoliers, collégiens, lycéens et étudiants parisiens empruntant le métro ont été soumis à une campagne agressive de panneaux de publicité de 4m/4m faisant la promotion d’alcools forts et de vin à table ou de petit ballon, délivrant un message dangereux, le bonheur passe par l’alcool ; l’alcool c’est la fête, le petit ballon, c’est un cadeau de Noël, voilà ce qui s’est imprimé dans leurs jeunes cerveaux dans les couloirs du métro.
Monsieur le Président-directeur général de la RATP, vous avez été le Premier ministre de la France et vous avez piloté une politique de santé publique, avec un plan national de santé publique et un plan national de lutte contre les addictions. Dans la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé 2018/2022, votre gouvernement s’est engagé résolument « pour que la prévention ne soit plus seulement un concept mais une réalité : une réalité pour chacun de nos concitoyens, quels que soient son âge ou sa condition…avec une obsession : celle de l’efficacité et des résultats concrets » ! L’avez-vous oublié ? C’est ainsi que la stratégie interministérielle prévoit notamment en mesure phare d’instaurer des zones physiques (abords des établissements scolaires) et en ligne (sites ou réseaux fréquentés par une proportion significative de mineurs) sans publicité pour protéger les plus jeunes2.
Monsieur le Président-directeur général de la RATP, les associations de santé de France Assos Santé en appellent à votre sens élevé des responsabilités pour faire en sorte que le plus grand réseau de transports urbain de France ne contribue plus à la promotion de l’alcool dans ses couloirs et encourage la normalisation de sa consommation, visant sans distinction toute la population dont les plus jeunes. Ce même réseau, votre réseau, ne pourra se cacher derrière un constat d’impuissance, puisqu’il a déjà fait preuve d’un volontarisme remarqué il y a quelques années en supprimant la moindre référence visuelle au tabac dans les publicités affichées sur ses murs, même si celles-ci n’en faisaient plus directement la promotion.
OUI, France Assos Santé et ses associations déclarent la guerre à une cynique promotion de l’alcool sur le chemin des écoliers, au mépris de la loi Evin, déjà bien affaiblie, voire bafouée dans son esprit.
C’est pourquoi, dès aujourd’hui, France Assos Santé, la Ligue Nationale Contre le Cancer, l’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF) et la Fédération Nationale des Amis de la Santé (FNAS) déposent une plainte à l’encontre des promoteurs de cette campagne d’affichage pro-alcool que de jeunes Parisiens et Franciliens ont subie au moment des fêtes de fin d’année et qui s’est poursuivie en plein dry january, véritable mépris envers ceux qui œuvrent pour réduire les dommages dus à l’alcool.
Et dès demain, considérant l’affaiblissement de la loi Evin comme un coup inutile porté à la prévention primaire et comme le soutien à une catastrophe humaine et sanitaire connue, France Assos Santé et ses associations en appelleront aux parlementaires responsables pour revenir sur cette régression dont profitent les alcooliers sans aucune retenue. Le Président Macron n’a-t-il pas annoncé la « révolution de la prévention » en France ?
1-Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, n°5-6 19 février 2019 – Consommation d’alcool, comportements et conséquences pour la santé
2-Stratégie interministérielle, point 4, p 40, mesure phare 2