La situation des établissements publics est très fragile en 2023, sous l’effet à la fois d’une situation post-traumatique après trois ans de crise sanitaire, d’une relation au travail qui a changé et de chocs exogènes consécutifs à la situation internationale. Cette crise n’est pas spécifiquement française. Elle affecte tous les systèmes de santé.
En 2022, l’offre de soins s’est contractée en France à la fois dans le champ sanitaire et médico-social. Cette offre à la population ne se reconstitue que de façon très progressive. Les hôpitaux publics doivent par ailleurs faire face à une dette de santé publique liée à la crise sanitaire et aux vagues épidémiques.
Ce contexte post-Covid pour les établissements de santé se traduit par une double déstabilisation du modèle de financement des établissements publics de santé.
Sur le plan des recettes des établissements, la crise d’attractivité a eu pour conséquence des fermetures de lits qui affectent profondément la situation financière des hôpitaux publics en tassant les recettes, certains hôpitaux devant encore désarmer des activités ou reprogrammer des soins, faute de professionnels en nombre suffisant.
Sur le plan des dépenses, les hôpitaux publics sont confrontés à trois chocs exogènes :
- Le financement partiel du Ségur qui n’a toujours pas trouvé de règlement ;
- Le surcoût énergétique qui représente une charge considérable pour des établissements de cette taille ;
- L’inflation et les effets qui s’y rattachent : forte augmentation des taux d’intérêts et surcoûts « mécaniques » sur les opérations de travaux qui résultent de la multiplication par trois des indices de la construction.
Les hôpitaux publics sont à pied d’œuvre et poursuivent les efforts en matière de politique d’achats, de maîtrise des opérations de travaux tout en se structurant fortement en matière de développement durable.
Au niveau national, le Gouvernement a engagé depuis le Ségur de la Santé un train de réformes très large embrassant non seulement les enjeux de reconnaissance salariale, mais aussi les problématiques spécifiques à certains secteurs (Innovation santé 2030, Assises de la pédiatrie, volet « bien vieillir » du Conseil national de la refondation…). La boite à outils ainsi constituée doit permettre aux employeurs de multiplier les mesures collectives ou individuelles qui visent à renforcer l’attractivité des établissements. Si dans certains types d’hôpitaux quelques signaux faibles laissent espérer une légère reprise des recrutements, le nombre de départs reste important.
L’heure n’est pas à une nouvelle déstabilisation du système de santé. Or celle-ci serait inévitable en cas de contraction en 2024 des moyens financiers des établissements. Une continuité de l’action publique est nécessaire afin de produire les résultats attendus pour les établissements et pour la population en termes d’accès aux soins.
Le contexte post-Covid, en France comme dans l’ensemble des pays occidentaux, invite à donner une seule priorité à la politique hospitalière : restaurer la sérénité des établissements publics de santé.
Un nouvel abondement de l’ONDAM 2023 est une première étape indispensable afin d’éviter une dégradation de la situation financière des hôpitaux publics, déjà fragile. La FHF et les conférences estiment en effet nécessaire l’augmentation de l’ONDAM 2023 de 1,5 Md€ supplémentaires pour faire face à l’évolution des coûts et des prix, notamment de l’énergie.
Au-delà, une cible d’ONDAM 2024 dont le niveau serait insuffisant signerait un retour inopportun des plans de performance et la politique de rabot budgétaire. La priorité doit être clairement de restaurer l’attractivité des hôpitaux publics, d’en assurer le financement afin de rétablir l’offre de soins à la population.
C’est d’autant plus vrai que, s’agissant de l’attractivité, certains sujets importants ne sont à ce jour pas traités notamment en matière de revalorisations du travail de nuit, de la permanence des soins, particulièrement les samedis et dimanches, les réflexions à conduire concernant le statut de Chefs de cliniques-Assistants des hôpitaux, etc.
L’ONDAM 2024 ne doit pas être irréaliste et conduire à un financement par les établissements eux-mêmes de ces mesures ciblées au détour de plans de performance inadaptés et délétères.
Nous pensons de notre devoir d’alerter les pouvoirs publics à ce sujet.
Philippe EL SAIR, Président de la conférence des DG de CHU, Thierry GODEAU, Président de la conférence des PCME de CH, Arnaud ROBINET, Président de la FHF, Francis SAINT-HUBERT, Président de la CNDCH, Rémi SALOMON, Président de la conférence des PCME de CHU, Christophe SCHMITT, Président de la conférence des PCME de CHS, Benoit VEBER, Président de la conférence des Doyens de médecine.
Contact : esther.garcia@presse.havas.com