Actuellement 86% des EHPAD publics sont déficitaires. L’inflation et les multiples mesures statutaires ou catégorielles non financées sont à l’origine de ce phénomène. Conséquence : les choses s’aggravent avec des effets directs sur la qualité des soins et de l’accompagnement des personnes âgées.
Les lignes de trésorerie sont épuisées au point de menacer le versement des salaires des agents. Les institutions bancaires refusent dorénavant de combler ces déficits structurels en accordant de nouvelles lignes temporaires de trésorerie. De quels leviers disposent alors les directeurs quand les financeurs refusent d’entendre leurs voix ??
Et ces réalités économiques sont aggravées également par les inégalités territoriales. Les taux d’évolution des tarifs hébergement des établissements habilités à l’aide sociale sont aléatoires sur le territoire et tributaires des moyens voire du bon vouloir de chaque département. Mais aucun ne couvre l’inflation galopante et le non-financement des mesures catégorielles. Les taux d’évolution de la valeur du point GIR pour la dépendance sont disparates et l’évolution est encore plus faible que pour le tarif hébergement, avec un décrochage abyssal par rapport aux coûts réels. Le dumping budgétaire devient alors une réalité économique. Les autorités de tarification questionnées sur le sujet se renvoient la balle. Qui restent les plus démunis ? les directeurs…
Le Congrès FNADEPA des 22 et 23 juin 2023 réuni à Nancy dénonçait les difficultés du secteur de la gérontologie, entre manque de ressources humaines et de financements. Son Président déclarait en ouverture « depuis quelques années, avec la période de Covid-19, l’affaire Orpéa… et sans doute pour beaucoup d’autres raisons, diriger un établissement pour personnes âgées est devenu un défi de chaque jour, un exercice de funambule ».
Le GR31 a fait une déclaration commune lors du Conseil de la CNSA du 22 juin en présence du ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes Handicapées dénonçant « la situation veut que des mesures financières d’urgence soit prises, non pas au titre de la seule branche autonomie de la Sécurité Sociale mais émanant de tous les financeurs à hauteur de leur contribution et de leur légitimité dans cette politique ». Le GR31 interpellait le Ministre sur le fait « [qu’]aucune politique de l’autonomie ne pourra se construire sans financement, ce que nous attendons c’est ce choix politique condition pour appréhender le choc démographique qui n’est pas une simple expression mais une réalité bien partagée qui ne trouve à ce jour aucune traduction politique à la hauteur des enjeux. »
Le Ministre a, de son coté, affirmé être pleinement mobilisé pour « répondre à l’urgence et préparer l’avenir ». Il a insisté sur trois chantiers permettant d’avancer sur « des mesures de fond pour apporter des réponses pérennes » qui doivent se concrétiser dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2024. 1) le recrutement de 50 000 postes de soignants supplémentaires à l’horizon 2027, 2) la simplification du financement de l’aide à domicile et 3) une redéfinition du modèle économique des EHPAD. Concernant ce dernier chantier, un groupe de travail a été installé le 15 mai dernier pour étudier notamment :
- la situation financière des places habilitées à l’aide sociale,
- la fusion des sections soins et dépendance,
- la généralisation du tarif global,
- les groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux
- ou encore l’évolution de l’offre en EHPAD.
Déni ? Peut-être pas, mais il semble que deux mondes coexistent sans interaction. Le virage domiciliaire est une réponse, mais pas la réponse. Les personnels manquent mais d’autres recrutements sont programmés d’ici à 5 ans. Les déficits s’accumulent mais la solution est une fusion des financements existants. De nombreux services ferment ce qui implique évidemment que demain nos concitoyens seront sans solution et ceux qui subsistent seront regroupés. Les directeurs étaient incrédules devant l’absence de réponse. Ils sont usés, meurtris d’être délaissés.Aujourd’hui bon nombre ne croient plus aux effets d’annonce ni au fait qu’une grande Loi résolve miraculeusement tous ces problèmes endémiques.
La DGOS devrait faire des propositions pour les D3S prochainement. Avant que le défaitisme ne l’ait définitivement emporté. Il parait essentiel de s’engager dans une mobilisation forte et déterminée. Le CHFO y veillera et y est prêt. La voix des Directeurs doit porter et être entendue. Selon ce que la DGOS annoncera, il faudra juger collectivement de la suite et agir pour que les collègues directrices et directeurs soient justement reconnus, valorisés dans leurs fonctions, responsabilités et compétences.
Des centaines de collègues vivent le même quotidien et sont préoccupés par le devenir des populations qui nous sont confiées. Si cette crise du financement se pérennise, elle va conduire à la paupérisation accélérée de l’accompagnement de nos aînés dans l’hexagone, à la dégradation des conditions de leur prise en charge et inévitablement cela nuira à la continuité même de l’activité des EHPAD habilités à l’aide sociale. Il n’est pas possible de rester les bras croisés à attendre que nos structures s’effondrent. Il est devenu impératif de voir des mesures concrètes pour maintenir l’activité de nos établissements et garantir l’attractivité du métier de D3S. Une autre vraie responsabilité « politique » du moment !
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