Au regard des débats actuels relatifs à l’exercice de la pair-aidance en santé mentale en France, le Centre Collaborateur de l’OMS (CCOMS) pour la recherche et la formation en santé mentale souhaite rappeler les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les données issues de la littérature internationale et l’état des lieux du déploiement de la pair-aidance professionnelle en santé mentale en France.
La pratique de la pair-aidance s’inscrit de longue date dans de multiples champs d’interventions : addictions, précarité, affections chroniques (VIH/sida, diabétologie et plus récemment cancérologie), ainsi que dans le champ de la santé mentale. Elle constitue ainsi une nouvelle étape dans le développement de pratiques innovantes en psychiatrie qui émergent depuis plusieurs décennies et dans de nombreux pays. En 2022, l’OMS soulignait qu’au sein de ces nouvelles configurations, les pair-aidants, parmi d’autres formes de soutien, « complètent les services officiels et sont indispensables pour garantir un environnement bénéfique aux personnes ayant des problèmes de santé mentale (1) ».
Le pair-aidant est une personne rétablie ou en voie de rétablissement de ses troubles. Cette expérience du rétablissement est une véritable plus-value pour les équipes, venant ainsi compléter – et non remplacer – les pratiques des autres acteurs du soin et de l’accompagnement : « le rôle principal des pairs-aidants est de promouvoir l’espoir et la croyance dans la possibilité de se rétablir, l’autonomisation, l’augmentation de l’estime de soi, l’auto-efficacité, la gestion de ses difficultés, l’inclusion sociale et le développement des interactions sociale (2) ».
La littérature internationale a mis en évidence la valeur ajoutée de l’intégration de travailleurs pairs, usagers ou ex-usagers de soins psychiatriques, rétablis ou en voie de rétablissement, dans les équipes de santé mentale, sans négliger les difficultés rencontrées et les écueils à éviter [Provencher et al, 2021].
Ses avantages sont de soutenir le rétablissement des usagers [Mead, 2003 ; Mead&Macneil, 2004 ; Macneil&Mead, 2005 ; Vignaud, 2017] – en faisant preuve d’empathie envers les usagers et les aidants [Davidson et al., 2012], d’encourager la transformation des pratiques de soins au profit des pratiques orientées rétablissement [Byrne, 2018], de soutenir l’empowerment des usagers [Austin et al, 2014], d’améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec un trouble psychique [Felton et al, 2005], de renforcer l’empowerment des pairs aidants eux-mêmes et de réduire l’auto-stigmatisation des usagers qu’ils accompagnent [Gillard, 2014].
Une méta-analyse [Repper&Carter, 2011] mettait également en évidence que l’accompagnement par les pair-aidants professionnels permet une réduction des hospitalisations et serait donc susceptible de réduire indirectement le recours aux pratiques coercitives.
La littérature internationale propose donc des données favorables au déploiement de la pair-aidance professionnelle dans les services de santé mentale, et elle souligne également la nécessité d’un engagement collaboratif de l’ensemble des professionnels du champ de la santé mentale pour assurer son développement et sa pérennisation [Shalaby RAH, 2020].
En France, l’expérimentation des Médiateurs de Santé-Pairs a été mise en place par le CCOMS depuis plus de 10 ans. Une recherche évaluative qualitative a été menée en 2012 [Demailly et al, 2014] et deux études récentes montrent l’avantage de l’intervention des Médiateurs de Santé-Pairs dans les services de soins. La première montre l’efficacité des Directives Anticipées en Psychiatrie facilitées par un Médiateur de Santé-Pair sur la réduction des hospitalisations sous contrainte [Tinland et al., 2022], la deuxième menée conjointement par l’INSERM et le CCOMS conclut à une amélioration plus rapide du fonctionnement global des usagers accompagnés par des Médiateurs de Santé-Pairs [Roelandt et al, 2023].
Aujourd’hui, plus de 150 Médiateurs de Santé-Pairs exercent en France dans le champ de la santé mentale et de la psychiatrie (auxquels s’ajoutent les pair-aidants professionnels issus d’autres formations), 2 lieux universitaires proposent une formation de niveau Licence, une quinzaine de formations et Diplômes Universitaires sont déployés sur l’ensemble du territoire. Un référentiel métier a été proposé par un projet international européen Erasmus+ (« European standards for peer supporter – Differentiated competence profiles for the peer workers » – https://grone-geso.de/ueber-uns/erasmus).
Au regard du rôle du pair-aidant professionnel dans l’amélioration de la qualité de vie des usagers, dans l’évolution des pratiques soignantes et la transformation des institutions, et en accord avec les différents arguments sus-cités, il apparaît nécessaire de légiférer sur la création d’un métier. Cet engagement politique assurerait la reconnaissance statutaire des pairs-aidants professionnels en exercice, serait un facteur d’attractivité pour cette profession et constituerait un levier majeur d’évolution des pratiques professionnelles et des organisations en psychiatrie et santé mentale.
Contact : ccoms@ghtpsy-npdc.fr