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Pénuries de médicaments : l’Observatoire de la Transparence dans les Politiques du médicament rappelle au gouvernement comment agir efficacement (Communiqué)

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Des annonces de « feuilles de route » sans effet sur les pénuries depuis 2017

Depuis 2017 et le début du premier mandat présidentiel d’Emmanuel Macron, les signalements de pénuries de médicaments essentiels ont presque décuplé, passant de plus de 500 à l’époque à près de 5000 en 2023. Toutes les classes thérapeutiques sont touchées. Ces pénuries menacent la prise en charge effective des personnes malades, compromettent le droit à la santé, font perdre du temps et de l’énergie aux patients, à leurs associations, aux professionnels de santé.

Le gouvernement a annoncé une « feuille de route » contre les pénuries de médicaments qui sera présentée mercredi 21 février1. C’est aussi une « feuille de route » qu’Agnès Buzyn avait présentée le 8 juillet 20192. C’était encore une « feuille de route » qui aurait dû être présentée le 20 juillet 2023 par François Braun, puis le 19 décembre 2023 par Aurélien Rousseau, mais un remaniement ministériel et une démission ont reporté cette présentation3 qui ne semblait donc par urgente au gouvernement.

L’augmentation constante des pénuries, qui se concrétise encore en 2023, suffit pour faire le bilan de ces « feuilles de route » à répétition. Le gouvernement, depuis 2017, s’avère incapable de garantir notre sécurité sanitaire en réduisant ces pénuries.

Des outils pour guider une action publique pragmatique

Les pénuries forment un problème systémique qui n’a rien d’inéluctable pour peu qu’on travaille sans dogmatisme sur les causes structurelles : l’augmentation mondiale de la demande, l’inscription du médicament dans des logiques marchandes, la dépendance française et européenne, notamment en terme de principes actifs. Le gouvernement dispose des recommandations de la commission sénatoriale d’enquête sur les pénuries, qui a su travailler au-delà des réflexes idéologiques, avec pragmatisme et écouter la diversité des acteurs pour proposer des mesures de bon sens4. Aucun ministre ne les a évoquées jusqu’à présent.

En juin dernier, nous avions publié une grille permettant de guider l’action publique et d’évaluer la pertinence de recommandations ou de mesures sur le sujet5. Nous appelons le gouvernement à enfin les suivre et les journalistes à s’appuyer sur cet outil (voir ci-dessous) pour analyser et évaluer de façon rationnelle les politiques publiques pharmaceutiques.

Dans un chapitre du livre Notre Santé Nous Appartient (Armand Colin, janvier 2024)6, nous revenons sur les pénuries en France en 2022 et au cours de l’année 2023. Des alertes lancées aux réponses insuffisantes des autorités sanitaires, jusqu’à la mise en place de la commission sénatoriale et de ses recommandations. La lutte contre les pénuries de médicaments en France ne peut être une éternelle feuille de route jamais mise en œuvre. Il y a urgence !

Les mesures essentielles

I Système d’alerte et de surveillance des pénuries

Produire et rendre publique une cartographie des lieux de production en France et en Europe, y compris fermés récemment

Exiger une plus grande précision sur les causes des pénuries dans les signalements

Renforcer les alertes des pénuries en France par une veille permanente de la situation dans d’autres pays

Ce renforcement des alertes concerne :

– les petites molécules issues de la chimie
– les biomédicaments
– les vaccins
– les diagnostics
– les dispositifs médicaux

Réajuster les listes de médicaments existantes (médicaments essentiels de l’OMS, MITM, liste des 450 médicaments essentiels) en s’appuyant sur une expertise interdisciplinaire prenant en compte la vulnérabilité de la chaine de production et les risques pandémiques

II Conditionnalité aux aides publiques

Conditionner toute aide publique aux industriels du médicament (Recherche et Développement, aide à l’emploi, aide à la production, financement aux start up, etc.) à une logique de service public

Exiger la mise en œuvre effective de la Résolution Transparence adoptée par l’ensemble des États membres de l’OMS en mai 2019

III Fixation des prix des médicaments

Exiger que la fixation du prix des médicaments s’appuie sur des éléments rationnels (montant des aides publiques reçues, coût de production, marge des intermédiaires, et autres informations listées dans notre check list de la transparence)

IV Adaptation du modèle de production pharmaceutique

Diversifier les sources d’API (principes actifs pharmaceutiques)

Assurer une production locale principalement publique d’une partie des API en coordination avec les partenaires européens

Assurer une production locale principalement publique d’une partie des phases de façonnage et de conditionnement

Mettre en place un pôle publique du médicament, qui coordonne une partie de cette production en s’appuyant sur une expertise et une gouvernance interdisciplinaires

Garantir une production hospitalière effective (mise en place des conditions opérationnelles et réglementaires adaptées à ce mode de production)

V Gestion des stocks

Renforcer les obligations légales en la matière et contraindre les industriels au respect de ces obligations

Garantir un stock stratégique publique adapté aux besoins

Renforcer les capacités logistiques

VI Propriété intellectuelle, bureau des brevets et barrières réglementaires

Renforcer la transparence sur les brevets délivrés et leur date d’expiration

Articuler la mise en place d’une production publique des médicaments avec un travail permettant de lever les barrières de propriété intellectuelle lorsque nécessaire

Cartographier les sources de production existantes au niveau mondial pour les produits de santé sous monopole de brevets en France, afin de permettre l’importation quand nécessaire en dehors de la zone géographique couverte par l’Office européen des brevets

Lever l’exclusivité des données cliniques lorsqu’elles représentent un frein au recours à des produits fabriqués par des tiers (génériques, biosimilaires, etc.)

VII Renforcement des compétences des agences de l’État

Renforcer les moyens humains et financiers alloués aux administrations en charge des questions pharmaceutiques

Renforcer la compétence et la formation des agents de l’État en matière de politique pharmaceutique

Interdire le recours aux cabinets de conseil privés pour conseiller sur les questions pharmaceutiques

Limiter la pratique de « pantouflage » (revolving doors) dans les agences

VIII Lutte contre les conflits et les liens d’intérêt

Obliger les responsables politiques, conseillers techniques, conseillers politiques des ministères, et tout expert contribuant aux politiques pharmaceutiques, à déclarer leurs liens d’intérêts avec les industriels du médicament

IX Coordination européenne

Coordonner au niveau européen une politique de production publique de médicaments, dont les principes actifs pharmaceutiques


Notes :

1 commentaire sur “Pénuries de médicaments : l’Observatoire de la Transparence dans les Politiques du médicament rappelle au gouvernement comment agir efficacement (Communiqué)”

  1. Enfin .. très important dans l’évaluation de ce gouvernement car une problématique déjà soulevée avec des axes déjà bien identifiés il y a si longtemps (L’ANSM s’appelait encore « Agence du Médicament…. )
    On ne peut plus attendre et à coupler avec un système d’alerte déclaratif anticipateur obligatoire impliquant la ville , les CPTS, les « établissements de sante et médico sociaux et les patients dans un logique constructive de véritable démocratie sanitaire) –
    A associer à une politique complémentaire sur le bon usage des antibiotiques (one HEALTH) et des médicaments en général

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