Le montant des indemnisations allouées par les juridictions civiles augmente de 34% par rapport à l’année précédente pour atteindre 62 millions d’euros en 2023, alors que le nombre de décisions de justice a baissé, selon le bilan annuel dressé par la MACSF en matière de responsabilité médicale. L’indemnisation la plus élevée de l’année, de 15,8 millions d’euros, concerne un gynécologue-obstétricien mais les spécialités les plus exposées restent la neurochirurgie, la chirurgie générale et digestive et la chirurgie orthopédique et traumatologique.
Pour l’année 2023, le bilan de la MACSF en matière de responsabilité médicale révèle un nombre global de déclarations en hausse de près de 4,71 % pour un total de 4 267 (contre 4 075 en 2022). Cette hausse étant proportionnelle à l’évolution du portefeuille (+4.10%), le taux de sinistralité – qui montre la fréquence du nombre de sinistres en dommages corporels pour 100 sociétaires- reste stable à 0,74 % en 2023, contre 0,76 % en 2022.
Ces chiffres sont extraits du panorama de la MACSF-Sou Médical qui fait référence sur la responsabilité médicale et paramédicale depuis de nombreuses années. Il présente des données relatives aux déclarations et procédures de l’année précédente sur la base des mises en cause de ses sociétaires professionnels de santé, assurés en responsabilité civile professionnelle.
Les chirurgiens en tête pour la fréquence
« L’année 2023 s’est clôturée par un nombre de déclarations de dommages corporels des médecins et un taux de sinistralité quasiment stable. Le risque médico-légal reste très hétérogène selon les professions. Comme c’est le cas depuis plusieurs années, ce sont les chirurgiens qui arrivent en tête en matière de fréquence de mise en cause et plus précisément les chirurgiens orthopédiques, les chirurgiens viscéraux, notamment ceux qui pratiquent la chirurgie bariatrique, et les neurochirurgiens. Ceci s’explique par la nature des interventions à haut risque qu’ils pratiquent » précise le Dr.Thierry Houselstein, Directeur du Comité médical du groupe MACSF.
Les médecins représentent 30 % du portefeuille total des assurés en responsabilité civile professionnelle de la MACSF (174 464 médecins assurés en hausse de 3,76 % sur un an) et concentrent près de la moitié des déclarations corporelles reçues (45 %). Leur taux de sinistralité[1] s’établit à 1,10 % en 2023, soit un peu moins que l’année précédente (1,17 % en 2022), et bien en-deçà du taux d’avant la crise sanitaire (1,53 % en 2019).
Les médecins généralistes en tête pour le volume
Cette année encore, les trois spécialités, tous statuts confondus, qui ont déclaré le plus grand nombre de sinistres en valeur absolue sont les médecins généralistes (319 déclarations contre 363 en 2022), les chirurgiens orthopédiques et traumatologiques (284 déclarations contre 267 en 2022) et les ophtalmologistes (224 déclarations contre 186 en 2022). Elles représentent 43 % des déclarations des médecins.
Ces spécialités ne sont cependant pas exposées au même niveau de risque. Le taux de sinistralité pour les médecins généralistes libéraux s’établit à 0,78% (contre 0,87% en 2022), celui des ophtalmologistes libéraux à 6,23% (5,21% en 2022) et celui des chirurgiens orthopédiques et traumatologiques libéraux à 46,96% (contre 41,62% en 2022).
La chirurgie orthopédique et traumatologique figure parmi les trois spécialités libérales dont le taux de sinistralité est le plus élevé en 2023 : elle se classe en troisième position derrière la chirurgie viscérale et digestive / chirurgie généraledont le taux est de 56,70% en baisse par rapport à 2022 (74,51%) et la neurochirurgie, en tête avec un taux de 67,74%, mais cependant en baisse par rapport à 2022 (69,17%).
Les chirurgiens-dentistes très exposés
« Chaque année, la chirurgie dentaire est l’une des professions les plus mises en cause. Cette situation est souvent due au reste à charge financier, souvent lié à des actes techniques particuliers, qui peut générer des doléances indemnitaires des patients. En outre, l’offre de soins dentaires étant minoritaire en milieu hospitalier par rapport à d’autres professions médicales, ce sont les chirurgiens-dentistes libéraux qui assument l’essentiel des traitements ce qui les rend plus susceptibles d’être exposés à des contestations», explique Henri Chanéac, Directeur du Comité dentaire du groupe MACSF.
En 2023, les 229 568 chirurgiens-dentistes, sages-femmes, infirmiers, kinésithérapeutes et vétérinaires assurés à la MACSF, tous statuts confondus, ont adressé 2 322 déclarations corporelles. Leur sinistralité est globalement en augmentation, en particulier pour les chirurgiens-dentistes avec un taux de sinistralitéqui progresse à 6,48% (5,80% en 2022), les sages-femmes avec un taux qui passe à 0,17% (0,14% en 2022), les kinésithérapeutes dont le taux s’élève à 0,29% (0,25% en 2022) et les vétérinaires avec un taux en hausse à 10,47% (9,99 % en 2022). Le taux de sinistralité reste stable pour les infirmiers avec un tauxà 0,03%.
Quant aux 43 204 autres professionnels du portefeuille de la MACSF (audioprothésistes, pédicures-podologues, opticiens, orthophonistes, orthoptistes, psychologues, psychomotriciens, pharmaciens), ils ne cumulent que 34 déclarations de sinistre au total en 2023 (43 en 2022).
Décisions civiles : taux de condamnation élevé
Le nombre global de décisions de justice civiles et pénales enregistre une baisse de 16% en 2023, avec 357 décisions rendues (346 au civil et 11 au pénal) en 2023, comparé à 426 décisions en 2022. Mais le montant des indemnisations accordés par les juridictions civiles est lui en forte hausse de 34%.
Les avis rendus par les CCI restent plus nombreux que les décisions de justice, comme c’est le cas depuis une dizaine d’années. Cette procédure d’indemnisation amiable, rapide et gratuite a toujours la préférence des patients. Le volume des avis CCI est néanmoinsen baisse de 24 % par rapport à 2022 (424 avis CCI contre 493 en 2022).
« Pour ce qui concerne les décisions de justice et les avis desCommissions de Conciliation et d’indemnisation (CCI), en 2023, trois constats s’imposent.Tout d’abord, les décisions civiles demeurent marquées par la sévérité des magistrats avec une condamnation d’au moins un professionnel de santé mis en cause dans 70 % des cas. En second lieu, les patients continuent de préférer les procédures CCI plutôt que la voie juridictionnelle pour obtenir une indemnisation. Enfin, les décisions pénales, bien que rares voire exceptionnelles, se sont révélées très sévères. Dans toutes les affaires ayant abouti à une condamnation, des peines de prison (avec sursis) de 1 à 3 ans ont été prononcées » constate Nicolas Gombault, Directeur général délégué du groupe MACSF.
En 2023, le taux de condamnations d’au moins l’un des mis en cause demeure élevé, à 70%, néanmoins en baisse de 2 points par rapport à 2022.
Les trois spécialités médicales pour lesquelles les médecins comptent le plus grand nombre de mises en cause civiles restent inchangées depuis plusieurs années : il s’agit de la chirurgie, de la médecine générale et de l’anesthésie réanimation.
Au sein de la chirurgie, le trio de tête est constitué de la chirurgie orthopédique, particulièrement concernée par le risque infectieux, la chirurgie maxillo-facialeconcernée cette année quasi exclusivement par des interventions portant sur la sphère ORL et la neurochirurgie, spécialité pour laquelle les complications des interventions donnent souvent lieu à des conséquences lourdes.
15,8 M€ : la plus haute indemnisation en 2023
Les indemnisations allouées par les juridictions civiles en 2023 atteignent 62 millions d’euros, soit une très nette hausse de 34 % par rapport à l’année précédente (46,3 millions d’euros en 2022), alors même que le nombre de décisions civiles a diminué de 16 %.
Ceci s’explique principalement par le fait que l’indemnisation la plus élevée représente à elle seule plus d’1/4 du total des indemnisations 2023. Cette indemnisation a impliqué une clinique et un gynécologue obstétricien, atteignant un montant de 15,8 millions d’euros pour une prise en charge tardive d’une asphyxie fœtale. Une parturiente est admise au sein d’une clinique en vue de son accouchement et donne naissance le lendemain à son enfant, victime de bradycardie avec souffrance fœtale importante pendant le travail, entraînant des lésions cérébrales.
La responsabilité a été tranchée en 2008. La clinique et le gynécologue obstétricien ont été reconnus responsables à parts égales du dommage subi par l’enfant. En 2023, les juges statuent sur l’évaluation des préjudices de la victime et rejettent notamment les demandes concernant la prise en charge des thérapies à l’étranger ainsi que le remboursement de l’achat d’une maison, considérant qu’il n’est pas démontré que l’aménagement du logement antérieur était insuffisant.
Les 10 plus fortes indemnisations de l’année représentent un montant cumulé de 33 millions d’euros. Elles ont concerné majoritairement des pédiatres, des cliniques, des gynécologues obstétriciens, des médecins généralistes et des chirurgiens.
Des condamnations à des peines de prison
Les décisions pénales sont rares mais c’est la procédure la plus redoutée des professionnels de santé. En 2023, les magistrats ont prononcé une condamnation dans 36% des cas (4 décisions de condamnation sur 11 décisions pénales). La culpabilité de 6 professionnels de santé (contre 14 en 2022) a été retenue dans les 4 décisions pénales prononçant une condamnation (contre 10 en 2022).
Dans 9 décisions sur 11, les professionnels de santé étaient poursuivis du chef d’homicide involontaire, le patient étant décédé des suites de la prise en charge. Une mise en cause repose cette année sur une violation alléguée du secret médical.
Dans la totalité des affaires ayant donné lieu à une condamnation, des peines de prison (avec sursis) de 1 à 3 ans ont été prononcées. L’emprisonnement ferme (rarissime dans le domaine de la responsabilité médicale) des deux chirurgiens-dentistes, père et fils, coupables de mutilations dentaires et d’escroqueries a été confirmé cette année en appel.
Les 4 interdictions définitives d’exercer sont des sanctions rarement retenues et témoignent de l’extrême gravité des faits commis dans les affaires concernées.
La médecine esthétique en question
Dans le contexte d’une nouvelle réglementation attendue en matière de médecine esthétique à la suite de plusieurs polémiques survenues l’an dernier, la MACSF a examiné son portefeuille dans ce domaine sur les cinq dernières années. La sinistralité se révèle assez stable entre 2018 et 2023 avec une trentaine de dossiers par an en moyenne, dont 60% mettent en cause un dermatologue. Au total, parmi les 185 dossiers de médecine esthétique recensés, ce sont les actes au laser qui génèrent le plus de réclamations (71%), loin devant les injections (11%) et le peeling (5,4%). Dans les mises en cause concernant des actes au laser (traitements ou épilation), la brûlure est le principal motif de réclamation.
Les mises en cause de professionnels de santé sont plus nombreuses en Ile de France, suivie de l’Auvergne Rhône-Alpes puis de la région Provence Alpes-Côte d’Azur. A 81%, il s’agit de réclamations traitées à l’amiable. Une action devant les juridictions civiles n’a été entreprise que dans 14,5% des dossiers.
« Nous suivons avec attention l’évolution du risque médico-légal en matière de médecine esthétique car c’est une activité en pleine croissance qui donne lieu à des pratiques souvent mal codifiées et mal évaluées. De plus, les formations sont très hétérogènes. C’est la raison pour laquelle l’Ordre des médecins et les pouvoirs publics se penchent sur le sujet en particulier pour envisager la création d’un diplôme officiel de médecine esthétique », observe le Dr Thierry Houselstein.
L’intelligence artificielle, un risque émergent
Une évolution des textes est également attendue en matière d’intelligence artificielle dans le prolongement du règlement européen IA Act qui doit être complété par une directive européenne spécifique relative à l’adaptation des règles en matière de responsabilité.
« L’intelligence artificielle dans la santé est un domaine en pleine effervescence qui soulève beaucoup de questions en matière de responsabilité. L’intelligence artificielle doit aider le médecin et non le remplacer. Que se passe-t-il si l’IA se trompe ? Le médecin peut-il s’en rendre compte ? Qui sera responsable ? Nous suivons au plus près les innovations dans ce domaine, en tant qu’assureur, pour accompagner au mieux nos sociétaires et en tant qu’investisseur, car la MACSF soutient plusieurs start-up qui développent des solutions d’intelligence artificielle dans le domaine de la santé comme Synapse, Gleamer ou Owkin », précise Nicolas Gombault.
(1) Fréquence du nombre de déclarations de sinistres (dommages corporels) pour 100 sociétaires.
**********
Pour aller plus loin
- Retrouvez les chiffres détaillés pour 40 professions de santé sur : macsf.fr
- Consulter le dossier de presse
Contacts presse :
- Séverine Sollier, Responsable relations médias, severine.sollier@macsf.fr
- Annie Cohen, Chargée des relations presse, annie.cohen@macsf.fr