Au fil des années, les connaissances acquises par les médecins au cours de leur formation initiale se périment en partie, et cela d’autant plus fréquemment aujourd’hui qu’elles sont mises à l’épreuve de nombreuses évolutions technologiques, diagnostiques et thérapeutiques. Objectif reconnu de la formation continue des médecins, l’actualisation des connaissances des professionnels de santé et de leurs pratiques professionnelles contribue ainsi à garantir la sécurité des soins prodigués aux patients.
Après plusieurs réformes, la formation continue des médecins est caractérisée en France par la juxtaposition de deux obligations distinctes : d’une part le développement professionnel continu (DPC) créé en 2009 et qui concerne la quasi-totalité des professions de santé. D’autre part, la certification périodique, entrée en vigueur le 1er janvier 2023 et qui se limite à celles disposant d’un ordre professionnel.
Elles s’imposent aujourd’hui aux 234 000 médecins actifs qui font l’objet du présent rapport, dont 101 000 médecins généralistes et 133 000 médecins d’autres spécialités, qu’ils exercent en libéral ou au sein d’établissements de santé publics ou privés. La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a saisi la Cour des comptes d’une demande d’enquête sur la formation continue des médecins. La Cour s’est attachée à évaluer la pertinence et l’efficience de son organisation actuelle ainsi que sa capacité à garantir la qualité des soins prodigués aux patients.
Une obligation de développement professionnel continu encore largement méconnue
L’obligation de développement professionnel continu (DPC) consiste pour les médecins à suivre des actions de formation prédéfinies dans un référentiel établi pour chaque spécialité, et à les mentionner dans un document de traçabilité hébergé dans un compte individuel. Au cours du dernier cycle triennal 2020-2022 seul un médecin sur sept a satisfait à cette obligation. Cela ne signifie pas que les médecins ne se forment pas, mais plutôt qu’ils ne respectent pas leur obligation de rendre compte des actions auxquelles ils participent pour permettre à l’ordre des médecins, chargé de contrôler l’application du dispositif, d’apprécier s’ils respectent leur obligation de formation continue.
Cela implique également que les formations suivies, en dehors du dispositif de DPC, ne présentent pas toujours les garanties suffisantes de conformité aux parcours de référence, qu’on ne peut pas s’assurer de leur qualité pédagogique et scientifique, ni de leur indépendance par rapport à l’industrie pharmaceutique.
Une nouvelle obligation de certification périodique à définir
La certification périodique des praticiens est entrée en vigueur le 1er janvier 2023, mais les décrets d’application nécessaires ne sont toujours pas pris. Les médecins ne savent donc toujours pas comment la respecter. Ce retard devrait être mis à profit pour réfléchir à l’ensemble du dispositif, et au premier chef à la superposition des deux obligations de développement professionnel continu et de certification périodique.
Ces deux dispositifs ont les mêmes objectifs, s’assurer que les médecins sont à jour des connaissances nécessaires à leur exercice, et ils mobilisent les mêmes moyens. S’ils étaient maintenus tous les deux, ils pourraient, compte tenu des procédures différentes qui les régissent, aboutir à une complexification des décisions contradictoires. En ce sens, ils doivent être unifiés, en supprimant purement et simplement l’obligation de DPC au profit de la certification périodique.
D’autres améliorations pourraient également être apportées. L’harmonisation des 48 référentiels de certification pour chaque spécialité médicale est ainsi en premier lieu cruciale, puisqu’elle doit permettre de mettre sur pied des dispositifs équitables entre spécialités et clairs pour les praticiens. En deuxième lieu, le contrôle de la certification périodique pourrait être rendu plus efficace en définissant plus étroitement les responsabilités des acteurs de la formation continue. Les attentes en matière de qualité des informations pour valider les parcours de certification des professionnels de santé doivent enfin être définies clairement par les pouvoirs publics.
Renforcer et homogénéiser les conditions de régulation de l’offre de formation
Quel que soit le dispositif, DPC ou certification, il est essentiel, pour que les intérêts économiques ne prévalent pas sur ceux des patients, que les formations prodiguées présentent toutes les garanties d’indépendance par rapport à l’industrie de la santé. Les règles de transparence s’imposant aux professionnels sont à renforcer car le niveau de risques est élevé. Au cours des années 2017 à 2022, les entreprises déployant une activité dans les médicaments humains ont en effet déclaré un peu plus de 5 Md€ de rémunérations versées aux acteurs de la santé, dont plus de la moitié au bénéfice de « fondations, académies, sociétés savantes et organismes de conseil ».
Par ailleurs, des situations de conflits d’intérêts persistent. Certains conseils nationaux professionnels, qui sont les organismes chargés de définir les parcours de formation de référence, préconisent la participation à des congrès qu’ils organisent directement. La régulation de l’offre de formation continue des médecins par ses opérateurs est en effet soumise à des critères variables, ce qui entraîne des exigences inégales quant à la rigueur scientifique et à l’indépendance vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique. Un label unique pourrait être instauré pour harmoniser l’action des opérateurs et des employeurs, fondé sur des critères garantissant la qualité et l’indépendance des formations. Les contrôles et sanctions devraient également être renforcés.
Redéfinir des modalités de financement pour maitriser les coûts et améliorer l’efficience
L’équilibre financier des dispositifs de formation continue est aujourd’hui assuré, avec des dépenses d’au moins 140 millions d’euros par an entre 2019 et 2023, à l’exception de 2020 et 2021 en raison de la crise sanitaire. Mais la mise en œuvre progressive de la nouvelle obligation de certification périodique, susceptible d’entraîner un fort développement de la formation, va mettre à l’épreuve la résilience financière du dispositif. Pour les prévenir en partie et accroitre l’efficience des dispositifs, des réflexions doivent être lancées sur les tarifs parfois élevés de certaines prestations.
Dans le domaine hospitalier, où le financement de la formation est limité en raison de faibles contributions obligatoires prélevées sur les salaires et d’autres priorités de financement que le DPC et la certification périodique, il est possible d’optimiser l’utilisation des crédits accordés par l’État pour le développement professionnel continu, en s’appuyant sur des fonds déjà disponibles.