Le récent appel à candidatures du « réseau de soins » Kalixia amène à s’interroger sur l’utilité réelle de ces plateformes pour notre système de santé. Le Syndicat des audioprothésistes (SDA) rappelle l’inefficacité des « réseaux de soins » qui, non seulement n’ont jamais réduit le reste-à-charge des patients, mais n’ont aucunement évité l’envolée de la fraude en audioprothèse et ont contribué à la dégradation de la qualité des prestations.
Face à la hausse des coûts des complémentaires santé, le SDA appelle à une refonte complète de ce système et à la gestion de la gamme des aides auditives à prix libres, de classe 2, par une nouvelle négociation entre les pouvoirs publics, les complémentaires, les représentants des professionnels et les usagers.
La SAS Kalixia, filiale du groupe Vyv et de Malakoff Humanis, a clos ce 28 octobre un appel à candidatures destiné aux établissements d’audioprothèse afin de constituer son « réseau de soins » pour la période 2024-2028. De nombreux audioprothésistes ont fait part au Syndicat des audioprothésistes (SDA) de leur perplexité devant les éléments demandés par la SAS Kalixia (nombre d’aides auditives délivrées, chiffre d’affaires, ratio de suivis/aides auditives…). On est en droit de se questionner sur la finalité de la demande de ces informations confidentielles, qui ne sont pas exigées par l’Assurance maladie et ne disent rien de la qualité des pratiques.
Ces plateformes d’intermédiation, autoproclamées « réseaux de soins », s’appuient sur des conventions conclues sans négociation préalable[1], et signées de gré à gré avec les audioprothésistes, sans regard des pouvoirs publics, ni même des représentants des professionnels, ni des usagers. Présentes dans notre secteur depuis une dizaine d’années, elles n’ont aucunement freiné l’importante fraude apparue concomitamment à la mise en place des remboursements du 100 % santé, dont la presse a au contraire souligné la multiplication[2]. Plus grave, le SDA a été informé que des professionnels reconnus coupables de fraudes continuaient pourtant d’être agréés par certains réseaux.
Cela n’est pas surprenant. Ainsi que l’a relevé l’IGAS, ces entreprises privées, non soumises aux codes de déontologies, ne rendent de comptes ni aux autorités de santé ni à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en charge du contrôle des assureurs. Elles opèrent ainsi « sans véritable contrôle ni contre-pouvoir », « hors de tout contrôle sanitaire » et gèrent essentiellement les flux financiers des remboursements. Dans ces conditions, comment pourraient-elles estimer la qualité des soins et la déontologie des pratiques, alors que l’IGAS a pointé que « la place du professionnel dans le processus qualité est importante du fait de l’ajustement et du suivi qui suit la pose des appareils »[3] ?
La mise en place par le gouvernement du « 100 % santé » en 2018 a permis à des centaines de milliers de Français d’accéder sans reste-à-charge à des soins coûteux, notamment dentaires et auditifs. Cette réforme gouvernementale a été une réponse à l’échec patent des « réseaux de soins », qui n’ont jamais réussi à permettre l’accès à ces soins pour les plus modestes[4], tout en réduisant fortement pour leurs utilisateurs la liberté de choix de leurs opticiens, dentistes ou audioprothésistes.
Depuis leur apparition entre 2008 et 2012, et leur encadrement par la loi Le Roux en 2014[5], le reste-à-charge en audioprothèse est en effet demeuré tout à fait stable. Et ce n’est qu’avec la mise en place du « 100 % santé », à partir de 2019, que l’on a pu enfin constater un abaissement majeur du reste-à-charge (cf. graphique de notre communiqué du 13.02.2024[6]).
En revanche, en participant à la marchandisation des soins des secteurs audio et dentaire, en agréant de nouveaux acteurs extérieurs à ces professions[7], les « réseaux de soins » n’ont aucunement évité l’augmentation de la fraude, mais ont également pu contribuer à la dégradation de la qualité des prestations[8].
Dans un contexte de forte hausse des tarifs des complémentaires santé, l’importance de leurs frais de gestion – qui intègrent les coûts des divers systèmes de tiers-payant et plateformes de « réseaux de soins » –, il est légitime de questionner les pratiques, l’efficacité et le coût de ces intermédiaires.
Suite à une mission d’évaluation des « réseaux de soins », lors de la publication de son rapport, l’IGAS à fait neuf recommandations, dont deux justifiaient « une action corrective immédiate des pouvoirs publics »[9] : « procéder à une évaluation juridique approfondie du dispositif conventionnel sur lequel reposent les réseaux de soins » et « améliorer la sécurité des données à caractère personnel et médical collectées par les réseaux de soins ».
De par sa longue expérience des divers « réseaux de soins » existants, le SDA appelle à leur refonte complète. Il convient de revoir la gestion de la gamme des aides auditives à prix libres, de classe 2, par une nouvelle négociation entre les pouvoirs publics, les complémentaires et les représentants des professionnels.
Notes :
[1] Les réseaux de soins, N. Durand et Dr J. Emmanuelli, juin 2017, partie 2.3.2 « Un fort déséquilibre de la relation contractuelle ».
[2] Santé : multiplication des arnaques aux prothèses auditives 100% remboursées, France TV Info, 21 mars 2023
[3] Les réseaux de soins, N. Durand et Dr J. Emmanuelli, juin 2017, §210 et suivants.
[4] Les réseaux de soins, N. Durand et Dr J. Emmanuelli, juin 2017, §248 et suivants.
[5] LOI n° 2014-57 du 27 janvier 2014 relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d’assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé
[6] Violation de données de Viamedis et Almerys : le SDA plaide à nouveau pour un système universel de tiers-payant des complémentaires santé, Communiqué SDA, Février 2024.
[7] Santéclair s’appuie sur Optical Center pour lancer son réseau d’audioprothésistes, 31 janvier 2008 ; le rapport IGAS « Les réseaux de soins » indique également que « certaines plateformes ont admis avoir compté des centres Dentexia dans leur réseau dentaire ».
[8] Les réseaux de soins, N. Durand et Dr J. Emmanuelli, juin 2017, §222.
[9] Les réseaux de soins, N. Durand et Dr J. Emmanuelli, juin 2017, §294.
À propos du SDA (ex-UNSAF) :
Le Syndicat des audioprothésistes (SDA ex-UNSAF) est l’organisme professionnel représentatif des 5 100 audioprothésistes de France. Il siège à l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS), l’Union Nationale des Professions Libérales (UNAPL) et au Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP). Il est le signataire de la convention nationale de tiers-payant et de l’accord cadre interprofessionnel (ACIP), conclus avec les Caisses nationales d’assurance maladie.
Le SDA est présent au niveau européen au sein de l’Association européenne des audioprothésistes (AEA) et est membre du World Hearing Forum de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Il est présidé par Brice Jantzem depuis septembre 2022.
Centrales et enseignes partenaires du SDA : Audiam-Benoit Audition, Audio Libre, Audition Conseil, Centrale des Audioprothésistes CDA, Dyapason, Entendre, Luz Audio.
Pour toute information complémentaire : www.sdaudio.org
Contacts presse :
- Brice Jantzem – b.jantzem@unsaf.org
- Luis Godinho – l.godinho@unsaf.org
- Nicolas Merlet – nicolasmerlet@ortus-sante.fr