Face à l’épidémie de chikungunya à La Réunion et alors qu’un premier vaccin a une autorisation de mise sur le marché (Ixchiq), le ministère chargé de la Santé a demandé à la Haute Autorité de santé (HAS) un avis en urgence sur la stratégie vaccinale à mettre en œuvre à court terme contre cette maladie sur les territoires de La Réunion et de Mayotte, en précisant en particulier les populations à prioriser. L’objectif est de définir une stratégie réactive visant à prévenir dans ces territoires la survenue de formes graves chez les populations à risque.
Au vu notamment des données disponibles à date et du nombre de doses du vaccin Ixchiq mobilisables à court et moyen termes, la HAS recommande de vacciner en priorité les personnes âgées de 65 ans et plus, notamment celles présentant des comorbidités, puis les adultes de 18 ans et plus présentant des comorbidités ainsi que les agents de la lutte antivectorielle. En l’absence de cas notifié à ce jour à Mayotte, la HAS préconise d’appliquer cette stratégie d’abord à La Réunion.
Le chikungunya est une maladie infectieuse dont le virus (CHIKV) est transmis à l’être humain par piqûre de moustiques diurnes (notamment ceux connus sous le nom de « moustique tigre »). Les infections par le CHIKV sont symptomatiques dans environ 75 % des cas et se traduisent par une fièvre brutale accompagnée de douleurs musculaires et articulaires intenses suivie d’une asthénie. Ces infections peuvent toutefois être plus graves chez certains patients avec la survenue de complications neurologiques, musculaires, cardiovasculaires ou la décompensation d’une maladie chronique préexistante.
La durée des symptômes est variable de quelques jours à plusieurs mois. Chez plus d’un tiers des patients la maladie va évoluer vers une forme chronique définie par la persistance des symptômes au-delà de 3 mois généralement sous forme d’arthralgies (douleurs articulaires) chroniques qui peuvent être très invalidantes et qui constituent le principal fardeau de la maladie. À ce jour, il n’existe pas de traitement curatif de la maladie.
L’âge constitue le principal facteur de risque de gravité. Plus de la moitié des cas graves concernent en effet des patients âgés de 65 ans et plus. Par ailleurs, les formes chroniques de la maladie sont également liées à l’âge et à la présence d’arthralgies préexistantes.
Au 25 février, 1 773 cas autochtones de chikungunya ont été dénombrés à La Réunion depuis le 23 août 2024, dont 1 631 depuis le début de l’année 2025. Aucun cas n’a été rapporté à ce jour à Mayotte.
Dans ce contexte, la HAS a été saisie par le ministère chargé de la Santé pour définir une stratégie réactive à court terme visant à prévenir la survenue de formes graves au sein des populations à risque, dans les territoires de La Réunion et de Mayotte. La HAS s’est appuyée notamment sur les données de l’épidémie en cours à la Réunion, les épidémies passées à La Réunion et Mayotte, les caractéristiques du vaccin Ixchiq, le nombre limité de doses et les données d’immunogénicité et de tolérance disponibles.
Vacciner à court terme les personnes à risque de formes graves et/ou chroniques, à La Réunion d’abord puis à Mayotte
Le vaccin Ixchiq développé par le laboratoire Valneva est le premier vaccin disposant d’une AMM pour la prévention de la maladie causée par le CHIKV chez les personnes âgées de 18 ans et plus. Déjà recommandé aux États-Unis chez les adultes se rendant dans un pays ou un territoire dans lequel une épidémie de CHIKV est en cours, le vaccin Ixchiq induit une réponse immunitaire protectrice chez 98,2 % des personnes vaccinées, dont la durée est prolongée (au moins deux ans).
Les principaux effets indésirables sont des signes généraux de courte durée (fièvre, céphalées, asthénie, myalgies), pouvant parfois mimer une infection à chikungunya (syndrome dit « CHIK-like »). La tolérance du vaccin est considérée comme satisfaisante. Par ailleurs, la HAS a également pris en compte les données de pharmacovigilance, incluant un suivi européen des événements suivants : arthrite associée au vaccin, évènements cardiovasculaires et sécurité d’utilisation chez la femme enceinte ou allaitante.
La HAS estime que les résultats disponibles sont suffisants pour le recommander à des populations à risque de formes graves et/ou chroniques, pour lesquelles le bénéfice attendu est important. Compte tenu de la persistance très prolongée de l’immunité naturelle conférée par une infection antérieure, et en raison d’un nombre limité de doses de vaccin disponibles, la HAS recommande de vacciner en priorité les personnes à risque de formes graves, n’ayant jamais eu par le passé de diagnostic clinique ou biologique d’infection par le virus du chikungunya (sur la base de l’interrogatoire du patient), sans toutefois recommander un dépistage pré-vaccinal. En cas de doute sur une infection antérieure par le virus, une sérologie pourra être réalisée.
La HAS cible ainsi par ordre de priorité :
- Les personnes âgées de 65 ans et plus, notamment celles avec des comorbidités (hypertension artérielle, diabète, maladies cardiovasculaires, respiratoires, rénales, hépatiques et neurovasculaires) ;
- Les personnes âgées de 18 à 64 ans avec comorbidités.
La HAS ajoute également à la liste des populations éligibles à la vaccination à court terme les professionnels de la lutte antivectorielle, en raison du rôle indispensable dans la gestion de l’épidémie et de leur exposition particulière aux moustiques.
Au terme de son évaluation, la HAS recommande que le vaccin Ixchiq soit utilisé à La Réunion dans un premier temps, aucun cas n’ayant été notifié à ce jour à Mayotte.
La HAS ne recommande pas, à ce stade, l’utilisation du vaccin Ixchiq chez la femme enceinte et, s’agissant d’un vaccin vivant atténué, la vaccination est contre-indiquée chez les personnes immunodéprimées.
Il est enfin important que les personnes, même vaccinées, continuent à appliquer des mesures de protection individuelle à l’égard des piqûres de moustiques (répulsifs, vêtements longs, moustiquaires…) ; la lutte antivectorielle reste le moyen de prévention essentiel.
A plus long terme : intérêt d’une stratégie vaccinale globale de lutte contre le chikungunya
Le présent avis sera actualisé à la lumière des nouvelles données disponibles. Par ailleurs, la HAS se tient prête à examiner – dans le cadre de l’épidémie actuelle – tout nouveau vaccin ayant obtenu une AMM. Elle se prononcera ainsi dans les prochaines semaines sur l’utilisation du vaccin Vimkunya développé par le laboratoire Bavarian Nordic.
Plus largement, des travaux sont attendus pour établir une stratégie vaccinale globale de lutte contre les épidémies de chikungunya dans les prochains mois. La HAS souligne ainsi l’importance de conduire rapidement des études en vie réelle permettant de documenter l’efficacité et la sécurité du vaccin Ixchiq en population générale.
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