Face au constat alarmant sur l’état des comptes publics et les menaces pesant sur l’avenir de l’Assurance maladie, une évidence s’impose : on ne résoudra pas une crise systémique sans écouter les experts du quotidien que sont les soignants. En écho aux travaux des trois Hauts Conseils saisis par le Premier ministre, Les Libéraux de Santé* appellent à une stratégie de redressement progressive, transparente et cohérente, reposant sur la responsabilité de tous les acteurs pour atteindre l’objectif que nous partageons, l’équilibre des comptes de l’Assurance maladie : la règle d’or.
Dans un système aussi complexe que le nôtre, donner de la visibilité aux acteurs est une condition essentielle pour engager les réformes structurelles nécessaires : gradation des recours, soins de proximité, coordination, intégration de l’IA, prévention… Rien de tout cela ne sera possible sans une stratégie nationale de santé pluriannuelle fixant les priorités, le pilotage, les moyens et les résultats attendus. Une loi de programmation pluriannuelle en santé s’impose.Cette approche de bon sens, que nous appelons de nos vœux de longue date, figure enfin dans les pistes évoquées.
Mais attention, l’austérité n’est pas une solution. Dans un contexte marqué par le vieillissement de la population – dont l’impact sur les dépenses sera durable – le rationnement des soins serait une erreur sociale, sanitaire et humaine. Il faut au contraire dépenser mieux pour prévenir plus et soigner mieux au regard des besoins. Le déficit de l’assurance maladie représente 10% de son budget, accordons-nous sur la moitié d’effort de rationalisation et l’autre moitié de ressources supplémentaires pour les nouveaux besoins.
Cela implique un changement de paradigme : plutôt que réduire les volumes, tailler les tarifs à la hache, il faut accroître la qualité, la pertinence… et investir dans la prévention. Revenir aux fondements de la médecine fondée sur les preuves, recentrer les financements sur ce qui est démontré scientifiquement et utile médicalement. Les soins à faible ou nul bénéfice doivent sortir du panier des soins remboursables – y compris pour les complémentaires. Les ressources ainsi dégagées doivent être redéployées vers des prises en charge réellement utiles et des actions de prévention ciblées.
L’efficience, ce n’est pas rogner les soins : c’est soigner mieux, au juste prix. Cela suppose des objectifs clairs, des évaluations rigoureuses, et une mobilisation de tous, y compris des établissements publics. La création d’un dispositif unifié de pilotage Ville-Hôpital est nécessaire. Cette réforme de la gouvernance, utile pour garantir la juste gradation des soins mais aussi pour générer des économies de gestion, est la grande absente de ce rapport.
La prévention est un acte de santé publique et un devoir de transmission : elle prépare un avenir où la santé ne sera plus un combat permanent, mais un héritage pour les générations suivantes. À condition de s’en donner les moyens avec des incitations concrètes, une logique de responsabilisation, et un pilotage précis des résultats.
Les professionnels libéraux sont prêts à y prendre toute leur part dans cette mutation. Au plus près des patients, nous savons que pour sauver la Sécu, il faut de l’équité, de la responsabilité, de l’ambition… et du bon sens.
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Les Libéraux de Santé (LDS) regroupent les 10 principaux syndicats représentatifs de professionnels de santé libéraux : les CDF, la CSMF, la FFMKR, la FNI, la FNO, la FNP, la FSPF, le SDA, le SDBIO et le SNAO, qui partagent la même vision de l’exercice libéral et de ses valeurs (indépendance, responsabilité, solidarité). Les LDS sont attachés au système conventionnel.
Contact presse : Les Libéraux de Santé – sylvie@fontlupt.com
Edito 701
« L’utilisation de systèmes CFAO au sein des cabinets dentaires pose question… »
Depuis et malgré la directive européenne 93/42, les organisations représentatives des Chirurgiens-dentistes en Europe et donc des chirurgiens-dentistes français estimaient ne pas être concernées par les obligations de celle-ci réglementant les fabrications de DMSM.
Partant du principe que la directive européenne parle « d’établissements de santé » et non de cabinets dentaires, les chirurgiens-dentistes libéraux ne s’estiment donc pas concernés *.
Or « établissement de santé » est une dénomination générique anglaise, pour désigner tous les lieux de soins et donc les cabinets dentaires libéraux français.
La directive européenne EU 2017/745, en application depuis 2021, limite son usage, précisant que la fabrication de DMSM par un Chirurgien-Dentiste est limitée exclusivement à des DMSM particuliers et spécifiques pour un patient donné, dont l’équivalent ne peut être trouvé sur le marché **. Or les couronnes, inlay-onlays ou gouttières en tous genres sont fabriquées par tous les laboratoires français.
D’autre part, l’article R4127.227 du code de la santé public interdit à tout chirurgien-dentiste d’exercer tout autre métier ou profession susceptible de lui permettre d’accroître ses revenus par ses prescriptions, un point qu’éludera en 2015 la ministre de la Santé interrogée à l’Assemblée nationale.
Pourtant, avec le soutien des lobbyings des syndicats dentaires, mais également des industriels qui voient un potentiel de 47 000 cabinets contre 3100 laboratoires, de nombreux chirurgiens-dentistes se sont équipés. Misant sur une politique du fait accompli pour faire fléchir les législateurs en leur faveur.
Durant toutes ces années, les chirurgiens-dentistes fabriquants des DMSM au sein de leurs cabinets dentaires, à l’aide d’usineuses numériques ou de prothésistes dentaires salariés du cabinet, s’affranchissaient de toutes obligations réglementaires et déclaratives afférant aux fabricants de DMSM.
Devant cette situation, Laurent Munerot, Président de la FEPPD a interpellé le Bureau juridique de la Direction générale du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des PME.
Celui-ci a confirmé la lecture de la FEPPD et rappelait qu’un cabinet dentaire, fût il libéral, était bien considéré comme un établissement de santé.
Mais au-delà de ces aspects réglementaires, la fabrication de DMSM au sein des cabinets dentaires soulève d’autres questions éthiques et de bon sens dans l’intérêt des citoyens patients consommateurs que nous devons faire entendre auprès de nos élus législateurs.
En tout premier lieu, la fabrication de DMSM au sein des cabinets dentaires, à l’aide d’usineuses numériques ou de prothésistes dentaires salariés du cabinet du cabinet dentaire, pose un problème évident de conflits d’intérêts.
En effet, de tels investissements dans des systèmes CFAO coûteux, auxquels s’ajoutent les matériels annexes et stock de matières premières ou encore les salaires et charges de prothésistes salariés du cabinet dentaire, ne peuvent que pousser les chirurgiens-dentistes à prescrire des soins prothétiques à forte valeur ajoutée plutôt que des soins thérapeutiques peu rémunérateurs.
Il convient également de pousser les législateurs à s’interroger sur les intérêts réels pour les patients, en gain de temps pour ces derniers mais également sur la qualité des matériaux utilisés.
De rappeler aux législateurs, qu’à l’heure où tant de citoyens patients consommateurs souffrent, faute de prise en charge par les chirurgiens-dentistes, au motif que leurs agendas sont saturés, il est incompréhensible d’accepter que ces derniers prennent de leur temps consacré aux soins pour fabriquer des DMSM.
Il convient de souligner qu’en s’accrochant et en défendant la dogmatique notion d’acte global des soins, englobant les DMSM dans ceux-ci, les chirurgiens-dentistes préservent avant tout un modèle économique opaque autorisant toutes les dérives.
Une situation à la limite du compérage liant un praticien à un fournisseur et donc à une marque entache sa liberté et son indépendance professionnelle, portant au final atteinte au libre choix de ses patients.
Seule la dissociation des actes comme c’est le cas depuis toujours en Allemagne, permettrait de les identifier et d’y mettre fin.
Pierre-Yves Besse Président de l’APD pybesse@apd-asso.fr