Le syndicat Jeunes Médecins alerte sur les attaques contre les jeunes médecins et notamment les femmes, premières victimes des propositions de loi coercitives sur l’installation des médecins et du « pacte de lutte contre les déserts médicaux »
La jeune génération de médecins porte une vision et une pratique de la médecine nouvelles. Tout comme le reste de la société, elle est composée de professionnels qui doivent et veulent concilier leur devoirs professionnels et familiaux. Il s’agit d’une avancée moderne et sociale, d’ailleurs largement promue par les partis progressistes et de gauche.
La profession s’est également féminisée et les femmes médecins font désormais fonctionner une grande partie des cabinets et des établissements de l’hexagone. Ainsi en 2025, 50% des médecins en activité régulière sont des femmes d’après le Conseil National de l’Ordre des Médecins. Elles représentaient 10% des effectifs de médecins en 1962 et 24,3% en 1982. Dans le même temps, comme pour le reste des concitoyennes du pays, ces femmes médecins continuent à assumer la plus grande part des tâches ménagères et parentales. Ainsi, d’après le Baromètre d’opinion de la DREES, réalisé en France métropolitaine en 2020 et 2022, 54 % des femmes déclarent prendre majoritairement elles-mêmes en charge les tâches ménagères contre 7 % des hommes.
Dans ce contexte, les jeunes médecins, après 10 ou même 15 ans d’études, avec un internat et des stages souvent éloignés de leur lieu de vie, voient les propositions de loi coercitives sur l’installation des médecins, portées par des élus majoritairement de gauche, et le « pacte de lutte contre les déserts médicaux » qui obligerait les médecins à exercer deux jours par mois dans un désert médical, comme de nouvelles peines, en particulier pour les femmes. En contradiction totale avec les discours habituellement portés par la gauche, ces mesures les impacteraient en premier puisque 58 % des médecins libéraux de moins de 40 ans sont des femmes, et jusqu’à 65 % pour les généralistes, selon les données de la CARMF au 1er janvier 2024.
Mythe et mythification du médecin
Depuis plusieurs années, nombre de dirigeants politiques, de représentants du secteur de la santé et de commentateurs se plaisent à déclarer que les médecins d’aujourd’hui préféreraient privilégier leur vie personnelle au détriment de leur exercice professionnel et donc des patients. Non seulement cette assertion est déconnectée de la réalité du terrain et des évolutions sociétales globales mais elle est aussi particulièrement perverse dans sa misogynie sous-jacente.
Le « médecin d’avant », souvent glorifié et mythifié, serait disponible et dévoué à ses patients. S’il a vraiment existé, il était bien souvent un homme dont la conjointe ne travaillait pas ou assurait son secrétariat. En raison d’une démographie médicale bien plus importante, il devait choisir son lieu d’exercice en fonction de la « concurrence ». Sa formation n’avait rien à voir avec celle d’aujourd’hui : l’accès à la science était très limité, son savoir était « transmis » par les anciens et peu mis à jour. Enfin, la relation du médecin avec les patients était davantage paternaliste et la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé n’existait pas. Les outils informatiques étaient quant à eux inexistants.
Exigences et réalités nouvelles
De nos jours, la demande de soins a fortement augmenté, notamment du fait du vieillissement de la population et de l’explosion des maladies chroniques. Elle a également changé d’aspect : le rapport au patient se fait dans une approche collaborative et non plus paternaliste, ce qui demande davantage de temps. De même, la progression exponentielle des données de la science nécessite plus de temps pour maintenir les connaissances à jour. Enfin, comme pour beaucoup d’autres professions, l’augmentation des tâches administratives génère un important travail « caché », le médecin n’ayant de surcroît plus forcément les moyens de rémunérer un secrétariat sur place.
Face à cette réalité et ces besoins nouveaux, les femmes médecins assurent tout autant que leurs homologues masculins : 50% des médecins effecteurs de garde en libéral sont des femmes, avec un âge moyen de 45 ans. Ainsi, 97% du territoire est couvert par la PDSA sur la base du volontariat et l’engagement des médecins libéraux augmente (CNOM Origard 2024). Et parmi les médecins généralistes libéraux, les femmes passent tout de même 41h auprès de leurs patients vs 46h pour les hommes.
Ainsi, affirmer qu’il faudrait « 2 à 3 médecins d’aujourd’hui » pour remplacer un médecin qui part à la retraite semble plus être une attaque en règle – mais déguisée – contre les femmes médecins qu’une véritable démonstration scientifique.
Discriminations et invisibilisation des femmes
En imposant des gardes obligatoires à tous les médecins libéraux, la proposition de loi Garot ne fera que discriminer les jeunes médecins parents, et notamment les femmes médecins, puisque 82% des parents isolés sont des mères.
Ainsi, comment pourront-elles s’organiser quand les possibilités de garde d’enfants en soirée et la nuit sont aussi limitées et coûteuses par rapport au tarif d’une consultation, auquel il faut retrancher les charges ? Comment s’organiseront les familles pour répondre aux « deux jours d’exercice par mois dans un désert médical » ? De même, la limitation des remplacements en libéral, prévue par la proposition de loi, aggravera les difficultés des femmes médecins libérales à la recherche d’un remplaçant, notamment pendant leur congé maternité.
Le Dr Anna Boctor, présidente de Jeunes Médecins, alerte donc : « Ces propositions de loi sexistes viennent compliquer encore davantage l’exercice et la vie des femmes médecins, qui exercent déjà souvent dans des conditions plus difficiles, avec de plus faibles rémunérations et une moindre reconnaissance sociale ». Elle-même, pédiatre installée en libéral, a décidé de quitter l’hôpital quand on lui a demandé « de ne pas faire d’enfant pour garder mon poste. Les jeunes femmes médecins fuient l’hôpital à cause de ces discriminations. Et maintenant on leur demande, en ville, de faire des gardes obligatoires, de s’installer dans un endroit plutôt qu’un autre… »
Avant d’ajouter : « Nous, femmes médecins, sommes un élément-clé des solutions et non pas le problème que certains voient dans les médecins femmes.
Nous, médecins d’aujourd’hui, femmes ou hommes, exigeons un dialogue constructif et sincère avec les gouvernants, un co-pilotage de la santé fondé sur les vrais besoins des Français et non sur des fantasmes politiques dépassés et patriarcaux.
Contact presse ORTUS :
- Nicolas Merlet – nicolasmerlet@ortus-sante.fr
- Françoise Millet – francoisemillet@ortus-sante.fr