Propos liminaires de Madame Stéphanie RIST, Ministre de la Santé, des Familles, de l’Autonomie et des Personnes Handicapées.
Madame la Présidente,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Monsieur les ministres,
Monsieur le Président de la commission,
Monsieur le rapporteur général,
Mesdames et Messieurs les députés,
« Ce que j’ai envie de dire aux jeunes générations, c’est : ne perdez pas le sens de la sécurité sociale.
Le sens peut être perdu de plusieurs façons.
Par l’accoutumance, […]
par l’abus, […]
par la contamination du repli individualiste […]
[ou] par le rejet ».
Ces mots sont ceux que Simone VEIL adressait à la jeunesse, il y a 20 ans.
Alors que nous célébrons les 80 ans des ordonnances de 1945, ces risques sont toujours d’actualité.
Car 2025 n’est pas 1945.
Nous le savons : nous vivons dans une compétition internationale ouverte, où bien des modèles sociaux se sont construits à rebours du nôtre.
Dans un monde où la moitié de la population ne bénéficie d’aucune protection sociale, notre système peut vite apparaître, non comme un atout, mais comme un coût.
À nous de prouver qu’il est une force.
Nous savons que le repli individualiste menace la fraternité, que les riches sont opposés aux pauvres, que les jeunes sont opposés aux vieux, que les actifs sont opposés aux non actifs.
Et qu’il n’y a qu’un pas pour que les biens portants ne consentent plus à cotiser pour ceux qui affrontent la maladie.
2025 n’étant pas 1945, nous savons bien enfin :
· Que la natalité est en chute libre
· Que notre population vieillit
· Que les pathologies chroniques explosent
· Et que notre croissance n’est plus celle des 30 Glorieuses.
Nous savons bien tout cela.
Et il nous appartient, collectivement, de démontrer aux générations qui viennent que nous nous battons pour que la sécurité sociale ne soit pas un anachronisme mais reste une avant-garde, la preuve que, dans le monde, la solidarité est une force économique et morale.
Il nous appartient de démontrer que la sécurité sociale n’est pas juste un ensemble d’administration, juste un guichet, juste des prestations, mais que la sécurité sociale est un projet de société mobilisateur, synonyme d’espoir et d’unité.
Lorsque je vois les jeunes Français brandir leur carte vitale sur TikTok face aux influenceurs américains qui critiquent notre pays, j’y vois une belle déclaration d’amour et d’appartenance pour notre protection sociale.
Et je me dis que rien n’est tout à fait perdu.
Garder les yeux ouverts sur les défis et les risques,
puis chercher l’unité pour un effort partagé
et investir dans la promesse d’une sécurité sociale pour les générations futures
C’est tout l’objet du débat que nous devons avoir sur ce PLFSS.
Bien-sûr, le texte initial n’est pas parfait.
Bien-sûr, le Premier ministre l’a rappelé : c’est une copie de départ qu’il vous appartient de faire évoluer.
Mais rien ne serait pire que le refus du dialogue, la politique du véto et des lignes rouges, tout le temps et sur tous les sujets.
C’est pourquoi, dès le jour 1 de notre nomination, nous avons tenu, avec Charlotte Parmentier-Lecocq, Jean-Pierre FARANDOU et Amélie de MONTCHALIN à investir pleinement le dialogue avec les différents groupes politiques.
Je veux saluer ici l’esprit de responsabilité et d’ouverture qui a animé les échanges avec chacun d’eux, ainsi qu’avec le président de la commission des affaires sociales et le rapporteur général, que je veux ici remercier.
Cet esprit de dialogue doit désormais trouver sa traduction concrète dans le débat qui s’ouvre.
Nous continuerons à mettre toute notre énergie pour qu’il reste fécond.
Plus que jamais, et nous avons eu l’occasion de le rappeler hier lors du déjeuner organisé par le MRP avec les groupes politiques : la cohérence budgétaire doit se construire in itinere, au fil de l’examen.
Pour ce faire, la méthode change et doit reposer sur un accompagnement et un appui technique des ministres en charge du budget (chiffrage des propositions, faisabilité juridique et technique) afin de donner une visibilité, en continu, sur la cohérence budgétaire globale.
Protéger notre héritage commun, c’est d’abord avoir la lucidité de la situation de nos déficits.
En 2 ans, du fait notamment des évolutions structurelles que j’ai citées, le déficit aura plus que doublé, passant de 10,8 milliards d’euros en 2023 à 23 milliards d’euros en 2025.
Si aucune mesure n’était prise en 2026, il atteindrait 29 milliards d’euros. C’est par ailleurs le niveau du déficit atteint à l’issue des débats en commission des affaires sociales.
Ces chiffres abstraits doivent nous rappeler une réalité concrète : nous ne pouvons pas nous permettre de repousser l’échéance.
Protéger notre héritage, c’est donc en premier lieu maîtriser nos dépenses.
Dans le champ de la santé, elles augmenteront de 5 milliards d’euros l’an prochain. Nous sommes loin de la cure d’austérité que certains veulent nous vendre.
Mais ce PLFSS demande un partage de l’effort entre tous les acteurs du système de santé.
L’effort, nous le demandons aux organismes complémentaires : ceux-ci devront s’acquitter d’une contribution exceptionnelle en 2026,
L’effort, nous le demandons aux acteurs industriels du médicament et du dispositif médical, avec un niveau important de baisses de prix.
L’effort, nous de demandons également à certains secteurs de la santé dont la rentabilité apparait excessive.
Enfin, l’effort, c’est vrai, nous le demandons aux assurés. Oui, les forfaits de responsabilité doivent évoluer. Mais ils seront plafonnés et 18 millions des Français, les plus vulnérables, n’auront toujours pas à s’en acquitter.
Nous assumons appeler à un effort collectif.
Car sans maîtrise, le système finirait par se consumer de lui-même.
Sans maîtrise, c’est la solidarité elle-même qui est menacée.
Mais ce PLFSS n’en reste pas là.
Les mesures de freinage ne sont pas une fin en soi.
Elles sont la condition même pour pouvoir continuer à faire des choix et investir dans l’amélioration du quotidien des Français.
C’est pourquoi, afin de faire prospérer notre héritage commun, ce PLFSS porte également des réformes structurelles et d’investissement.
Je pense :
· aux mesures de revalorisation des professionnels libéraux,
· à l’investissement dans la formation et l’attractivité des métiers à l’hôpital,
· au déploiement du service public de la petite enfance,
· au développement de l’habitat intermédiaire,
· à la continuité de nos grandes stratégies, comme celle de lutte contre le cancer, le développement des soins palliatifs ou pour la santé mentale.
Tout cela est possible dès lors que nous maîtrisons nos comptes sociaux.
Dans ce PLFSS, je voudrais m’arrêter sur 3 exemples de chantiers dans lesquels nous pouvons faire le choix d’investir.
1) D’abord, la prévention. Ce PLFSS sera celui qui permettra aux personnes de ne pas entrer en ALD ou d’y rentrer le plus tard possible, grâce aux nouveaux parcours de prévention incluant des prestations aujourd’hui non remboursées pour ces patients – comme l’accompagnement à l’activité physique ou les consultations de diététique.
2) Deuxièmement, l’accès aux soins. Ce PLFSS concrétise la mise en œuvre du « pacte de lutte contre les déserts médicaux », avec le nouveau statut de praticien territorial de médecine ambulatoire pour les jeunes médecins s’engageant en zones sous tension ou encore la concrétisation, à la date prévue, de la 4e année de médecine générale. Plus encore, il permettra la labellisation de 2 000 Maisons France Santé d’ici à l’été 2026 et 5 000 en 2027, avec un budget de 130 millions d’euros l’an prochain. Chaque Français pourra accéder à une solution de santé en moins de 30 minutes et d’obtenir un rendez vous médical sous 48 heures. Nos ARS sont d’ores et déjà en train de se mobiliser pour identifier et labeliser 15 premières maisons France santé dans chaque département d’ici la fin de l’année.
3) Troisièmement, le congé de naissance. Très attendue, cette mesure permettra à chacun des deux parents de prendre ce congé pour une durée allant jusqu’à 2 mois, soit 4 mois supplémentaires en tout, en cas d’alternance. En s’ajoutant aux congés paternité et maternité existants, il permettra d’atteindre les 6 mois de l’enfant. Cela correspond non seulement à la volonté des parents mais aussi aux recommandations des travaux des « 1000 premiers jours ».
En outre, c’est un débat de fond autour de notre modèle social qui doit s’engager afin d’aboutir à des réformes structurelles. Ainsi, je souhaite que puisse être lancée dans les prochains jours, une réflexion approfondie sur les l’articulation entre assurance maladie et les complémentaires. Cette mission sera confiée à 4 personnalités qualifiées : économiste, spécialistes de la sécurité sociale et représentant du secteur des OC et du monde de la santé.
J’en termine en vous disant que faire prospérer notre héritage commun qu’est la sécurité sociale, c’est lutter résolument contre les abus.
Vous aurez à examiner prochainement un texte de lutte contre les fraudes sociales et fiscales qui vise à renforcer et à adapter les leviers pour lutter contre ce phénomène.
Dans la continuité des engagements portés ces dernières années par les précédents gouvernements, il permettra d’améliorer le passage de la détection au résultat, et de la suspicion à la sanction.
Ce sera un pas important vers une Sécurité sociale plus juste, plus crédible, plus respectée que j’appelle de mes vœux.
Mesdames et Messieurs les députés,
Qu’avaient en commun les gaullistes, les socialistes et les communistes en 1945 ?
Qu’avaient en commun Ambroise Croizat et Pierre Laroque ?
Sur le papier, on pourrait se dire : pas grand-chose.
Mais dans le fond, ils ont su dépasser leurs divergences pour s’accorder sur le plus important : la nécessité de s’unir dans le souci de l’intérêt général et des générations suivantes.
Que cet état d’esprit inspire nos débats.
Je vous remercie.
Secrétariat presse et communication
Ministère de la Santé, des Familles, de l’Autonomie et des Personnes handicapées
Cabinet de Mme Stéphanie RIST
sec.presse.sfaph@sante.gouv.f