Le jour de la réunion qui doit sceller le sort de la Stratégie Nationale sur les Perturbateurs Endocriniens (SNPE), 27 organisations de la société civile publient un Manifeste[1] et une pétition publique[2], appelant le gouvernement à adopter une stratégie ambitieuse de réduction des expositions des populations et des écosystèmes aux perturbateurs endocriniens.
Depuis février 2013, la SNPE fait l’objet de négociations en table ronde réunissant divers acteurs publics et privés. Ce processus a été mis en place alors que l’Union européenne se mobilise sur le sujet, notamment dans le cadre des nouvelles législations sur les pesticides et biocides, et après une décision annoncée dans le cadre de la conférence environnementale de septembre 2012. Il fait suite aux premières mesures adoptées en France contre le bisphénol A et permises par une convergence d’opinions entre les parlementaires français de droite comme de gauche, la société civile, les chercheurs et les experts de l’Anses. A priori, le gouvernement peut donc s’appuyer sur ce consensus pour élaborer une SNPE à la hauteur des enjeux de santé publique et de protection de la biodiversité confirmés par le récent rapport conjoint de l’Organisation Mondiale de la Santé et du Programme des Nations-Unies pour l’Environnement[3].
Pourtant, à mesure que les négociations avancent, les ambitions gouvernementales semblent reculer. Plusieurs signaux inquiètent les associations qui participent aux négociations :
• Alors que Delphine Batho annonçait en décembre dernier des mesures réglementaires sur les phtalates comme un des résultats possibles de la SNPE, les négociateurs gouvernementaux rechignent à reprendre cet engagement dans le texte. De même la logique voudrait que le BPA fasse l’objet de restrictions supplémentaires sur le papier thermique puisque le dernier rapport de l’Anses établit sans ambigüité les risques liés à l’exposition cutanée chez les femmes en âge de procréer ; pourtant là encore, aucune proposition concrète.
• Six mois après l’entrée en vigueur de la loi sur le BPA dans les contenants alimentaires, le décret d’application sur l’étiquetage obligatoire des produits dans la période intérimaire n’est toujours pas paru, ni même fait l’objet d’une consultation spécifique.
• Après avoir été précurseur, la France renvoie toute mesure de réglementation vers les instances européennes malgré l’évidente situation de blocage dont témoignent les positions répétées de l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) ou de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), en déni du changement de paradigme toxicologique de la perturbation endocrinienne.
• Plus grave, la France ne tient pas son rôle dans les négociations européennes actuelles qui visent à établir des critères d’identification des PE et à fixer leur sort réglementaire (maintien ou non sur le marché). Il en ressort que la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la DG Sanco de la Commission européenne, l’EFSA et les industriels (chimie, pesticides, cosmétiques) ont les mains libres pour saper les bases de toute régulation pertinente des PE.
Ensemble contre les PE – Une large coalition d’organisations de la société civile dont des associations de protection de l’environnement et de promotion de la santé, des mutuelles, des syndicats et des associations de consommateurs ont donc décidé de publier une pétition publique adossée à un manifeste pour réaffirmer la nécessité d’agir vite et de manière conséquente sur les perturbateurs endocriniens.
Pour nos organisations, l’accent doit être mis sur la réduction des expositions des populations, en particulier des femmes enceintes ou en âge de procréer, et des écosystèmes aux perturbateurs endocriniens par l’adoption de mesures réglementaires sur les PE déjà identifiés dont le retrait des pesticides et biocides PE du marché. La SNPE doit faire de l’innovation et de la substitution une priorité, par la promotion de la chimie verte et des alternatives non chimiques, (en priorité, cosmétiques, jouets, alimentation, dispositifs médicaux) et la mise en œuvre d’une politique exemplaire d’approvisionnement de l’Etat et des collectivités.
La SNPE doit également favoriser la mobilisation et la formation de tous les acteurs pertinents de prévention ainsi qu’une information claire du public pour renforcer sa capacité à faire des choix de consommations éclairés.
Enfin, pour renforcer, adapter et pérenniser les moyens de l’expertise et de la recherche publiques sur les PE, il parait nécessaire d’entamer une réflexion sur la contribution financière des entreprises génératrices (ex : chimie, agrochimie) ou vectrices (ex : agroalimentaire, fabricants de biens de consommation) de risques chimiques.
Contacts presse :
Yannick Vicaire, Réseau Environnement Santé : 06 08 75 50 15 – res.yvicaire@gmail.com
Elisabeth Ruffinengo, WECF France : 06 74 77 77 00 – elisabeth.ruffinengo@wecf.eu
François Veillerette, Générations Futures : 06 81 64 64 58 / 01 45 79 07 59 – francois@generations-futures.fr