Avant-hier, la HAS a publié un communiqué de presse qui est presque passé sous silence. Et pourtant, le message qu’il porte est tonitruant, presque explosif. La Haute Autorité de Santé, dont la mission principale est de «s’occuper des analyses d’évaluation scientifique au vu du remboursement de la prise en charge des médicaments », aux dires mêmes d’un membre de son collège, le professeur Dubernard, entend apporter sa contribution à l’amélioration des pratiques éditoriales. Oui, éditoriales ! Cela sous-entendrait-il que, demain, la presse devrait se soumettre à une certification de la part de la HAS ? On n’est pas loin de le penser, d’autant qu’elle a commencé à certifier les sites web d’information, repérant ceux qui délivrent une information médicale sérieuse. Serait-ce le début d’une normalisation et d’une conformité des propos pouvant être tenus par la presse ?
Et le plus fort est que la HAS, qui déplore les dysfonctionnements de la presse médicale, évoquant en ces termes le « manque de fiabilité des chiffres de diffusion, la porosité potentielle entre annonceurs et contenu rédactionnel, la non-déclaration des liens d’intérêts, l’absence fréquente des procédures de fonctionnement et des chartes éditoriales », entend mieux définir l’éthique éditoriale que doivent respecter les organes de presse. La HAS aurait peut-être oublié que la profession de journaliste dispose elle-même d’une éthique professionnelle. Que cette éthique est constitutive du métier de journaliste qui implique, de fait, la vérification des sources, la mention des auteurs, etc. Certes, il n’existe pas en France d’instance qui sanctionne le non-respect de ces règles déontologiques. Toutefois, tous les syndicats professionnels européens ont adopté la charte de Munich qui définit les droits et devoirs parmi lesquels n’accepter aucune consigne des annonceurs, refuser toute pression, ne publier que des informations vérifiées dont l’origine est connue, y compris rectifier toute information publiée qui se révèlerait inexacte.
L’affaire, pas si éloignée des caricatures de Mahomet, nous rappelle que si la politique n’a pas à dicter sa conduite à Charlie Hebdo, la HAS aurait-elle à dicter sa conduite à la presse, fut elle professionnelle ? La pilule est d’autant plus amère qu’en matière d’éthique, la HAS ne ressemble pas à Mr Propre. Ces dernières années, quelques affaires ont dévoilé ses propres dysfonctionnements. En 2011, le Conseil d’Etat a abrogé la recommandation HAS sur le diabète de type 2 pour non-respect des règles de conflits d’intérêt. Toujours en 2011, elle retire elle-même spontanément ses recommandations sur les traitements contre la maladie d’Alzheimer. En 2012, la radiation du Derinox de la liste des médicaments remboursables est annulée : en cause le conflit d’intérêt d’un des experts.
Quand les autorités sanitaires tentent de dicter et de contrôler l’éthique éditoriale, on n’est pas loin de perdre la liberté d’expression. Alors que les journalistes et leurs syndicats défendent l’indépendance de la presse vis-à-vis de tous les pouvoirs, pilier fondamental d‘une démocratie, il y a tout lieu de s’interroger sur cette nouvelle prérogative que s’octroie la HAS. Et si l’information est malade, ce n’est pas à la HAS qu’il revient de s’en préoccuper. Parce que la santé est un sujet sensible, parce qu’elle est au cœur d’enjeux économiques colossaux, c’est l’indépendance de la presse et la liberté d’expression qui garantissent, plus que tout, le droit à l’information dont bénéficie tout citoyen, mais aussi tout professionnel de santé.
Philippe TISSERAND
Directeur de publication
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