Un bon principe
L’article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale en cours d’examen devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale donne un caractère systématique à une procédure jusqu’à présent expérimentale permettant aux médicaments faisant l’objet d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) d’être pris en charge, de façon dérogatoire, à un tarif fixé par le laboratoire dans l’attente de la fixation de son prix définitif au titre du remboursement par l’Assurance maladie.
Cette expérimentation a révélé des faiblesses : un délai de 7 mois incompatible avec la durée plus longue de certaines prises en charge et une certaine dérive des prix. Le projet de loi se propose de supprimer la condition de délai et d’encadrer le dispositif en imposant aux laboratoires de rembourser le différentiel entre le prix de la prise en charge dérogatoire et le prix de remboursement fixé par le Comité économique des produits de santé (CEPS), le plus souvent un an après l’AMM.
La mesure est donc neutre pour les comptes de l’Assurance maladie. Et elle permet aux patients d’accéder précocément à des molécules nécessaires à leur survie ou à leur guérison. La préoccupation économique rejoint le progrès social. Qui peut s’en plaindre ? Pas nous.
Des exceptions choquantes
L’article 39 du projet de loi prévoit cependant que les catégories de patients dont l’indication de traitement n’était pas incluse dans les ATU initiales n’aient pas accès au remboursement des médicaments, selon la procédure dérogatoire, une fois l’AMM obtenue, même s’ils n’ont pas d’alternative thérapeutique. Autrement dit, pour accéder à un traitement remboursé, ils devront attendre le délai de fixation du prix entre le CEPS et le laboratoire, délai qui peut durer un an.
Comment imaginer, quand des vies sont en danger et qu’un médicament est disponible, que des patients, sous prétexte que les ATU initiales ne prévoyaient pas certaines indications doivent attendre… d’être morts pour accéder à un traitement remboursé, alors même que l’AMM a été accordée ?
De deux choses l’une
Soit la mesure projetée à l’article 39 du projet de loi est neutre d’un point de vue comptable, soit elle est prévue pour rapporter de l’argent sur le dos des malades, en triant dans les bénéficiaires potentiels de l’innovation thérapeutique selon des critères douteux.
Or, l’étude d’impact jointe au projet de loi, étude que les députés ont en main, révèle qu’en fait dans l’article envisagé, le premier alinéa n’a pas d’impact sur la dépense, mais que le deuxième alinéa (celui qui organise les restrictions d’accès pour certains malades) rapporte 3 millions d’euros. Nous avions compris qu’il y avait une obligation de mettre des recettes en face des dépenses. Mais puisque la mesure est neutre à quoi cela sert-il d’en restreindre les bénéficiaires ?
Voici donc que l’on crée des inégalités d’accès aux soins pour rapporter de l’argent.
Nous pensons que, quel que soit le cas et quel que soit le délai, tous les patients dont la vie ou la survie est liée à l’accès à une thérapeutique innovante dans le délai entre l’AMM et la fixation du prix définitif par le CEPS, doivent pouvoir bénéficier de la prise en charge dérogatoire.
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